Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 décembre 2019 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;
4°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour examen, dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de transfert méconnait les articles 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il risque d'être refoulé vers l'Afghanistan ;
- il existe actuellement en Afghanistan une situation de violence généralisée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, sa demande d'asile doit être examinée en France, en application de l'article 17-1 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013, dès lors que le risque de refoulement est avéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au non-lieu à statuer.
Il soutient que le requérant ayant pleinement exécuté l'arrêté litigieux puisqu'il a accepté d'embarquer le 7 février 2020 à destination de l'Autriche, sa requête est désormais dépourvue d'objet.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 6 août 2019. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture des Hauts-de-Seine le 3 septembre 2019. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été relevées en Autriche le 27 juillet 2019. Les autorités autrichiennes ont été saisies le 17 octobre 2019 d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013. Ces dernières ont fait connaitre leur accord le 21 octobre 2019. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a alors décidé de transférer M. B... aux autorités autrichiennes et de l'assigner à résidence par deux arrêtés du 2 décembre 2019. Par sa requête visée ci-dessus, M. B... relève appel du jugement du 4 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur l'étendue du litige :
2. Il a été statué sur la demande d'aide juridictionnelle de M. B... par une décision du 27 janvier 2020. Par suite, les conclusions du requérant tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
3. En revanche, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté de transfert litigieux a été exécuté, M. B... ayant accepté d'embarquer le 7 février 2020 à destination de l'Autriche. Dans ces conditions, l'arrêté en cause ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. La décision de transfert en cause mentionne que la demande d'asile de M. B... est toujours en cours d'instruction en Autriche et aucun élément n'établit que la demande d'asile de l'intéressé aurait été définitivement rejetée. De même, à supposer que cette demande de protection internationale soit rejetée, rien ne permet d'affirmer qu'un retour forcé vers l'Afghanistan pourrait être effectivement mis en oeuvre par les autorités autrichiennes dans des conditions ne respectant pas les droits de l'intéressé, notamment les garanties permettant d'éviter qu'un demandeur d'asile ne soit expulsé, directement ou indirectement, dans son pays d'origine sans une évaluation des risques encourus, alors qu'aucune défaillance systémique dans la mise en oeuvre des procédures d'asile n'a été relevée à l'encontre de l'Autriche. Par suite, la circonstance alléguée qu'il existerait actuellement en Afghanistan une situation de violence généralisée est sans incidence sur la légalité de la décision en litige, qui n'a pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers cet Etat. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert en litige aurait méconnu les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
6. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit en principe qu'une demande d'asile est examinée par un seul État membre et que cet État est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un État membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement. Cette faculté laissée à chaque État membre par l'article 17 de ce règlement est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède, dès lors que le risque de refoulement de M. B... de l'Autriche vers l'Afghanistan dans des conditions non-conformes aux garanties que l'intéressé peut tirer de son statut de demandeur d'asile n'est pas établi, que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne décidant pas d'examiner la demande d'asile du requérant sur le fondement des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Gaspon, président,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
O. GASPON
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No20NT00028