Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mars 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard, au préfet d'Ille- et-Vilaine de lui délivrer un visa de long séjour et un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas examiné les moyens relatifs à l'absence de vie commune et de visa de long séjour ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'alinéa 6 de l'article L. 211-2-1 du même code dès lors qu'elle est entrée en France le 8 février 2018 sous couvert d'un visa C valide, qu'elle entretient une communauté de vie avec son époux qui n'a pas cessé depuis le mariage et qu'elle a sollicité un visa de long séjour ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle vit avec son époux avec lequel elle est mariée depuis plus de trois ans.
Par un mémoire, enregistré le 15 juin 2020, la préfète d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- le moyen relatif à la régularité du jugement n'est pas fondé ;
- s'agissant des autres moyens, elle s'en rapporte à ses écritures développées en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante marocaine née le 10 août 1983 épouse d'un ressortissant français depuis le 8 novembre 2016, a sollicité, le 17 janvier 2019, un titre de séjour en qualité de conjoint de français. Par arrêté du 8 novembre 2019, la préfète d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. L'intéressée a sollicité auprès du tribunal administratif de Rennes l'annulation de cette décision. Elle relève appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges ont estimé que la préfète d'Ille-et-Vilaine n'avait pas fait une inexacte application de ces dispositions dès lors que Mme C... ne justifiait pas d'une entrée régulière en France. Ce motif suffisait à lui seul pour répondre à ce moyen. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant d'évoquer les autres arguments relatifs à la réalité de la communauté de vie et au dépôt d'une demande de visa de long séjour, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". L'octroi de cette carte de séjour temporaire est subordonné, en vertu de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour prétendre à la délivrance d'un visa de long séjour alors qu'il séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint ressortissant de nationalité française, l'étranger doit justifier de son entrée régulière en France.
4. Par ailleurs, aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa, dont la durée de validité est régie par l'article 11, peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". L'article 19 de cette convention stipule : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pendant la durée de validité du visa, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) / 4. Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article 22 ", et l'article 22 : " I- Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. (...) ". En outre, aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, qui s'est substitué à l'article 5 de la convention du 19 juin 1990 : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : a) être en possession d'un document ou de documents de voyage en cours de validité permettant le franchissement de la frontière (...) ". Aux termes de l'article 21 du même règlement : " La suppression du contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte : / (...) d) à l'obligation des ressortissants des pays tiers de signaler leur présence sur le territoire d'un Etat membre conformément aux dispositions de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen ". L'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la déclaration obligatoire mentionnée à l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen est souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen. La souscription de cette déclaration est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.
5. La préfète d'Ille-et-Vilaine a rejeté la demande présentée par Mme C... sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux motifs qu'elle se prévalait d'une entrée en France le 5 août 2018 alors que le visa de court séjour qui lui avait été délivré par les autorités consulaires françaises à Rabat était expiré, que son passeport, qui comporte un cachet d'entrée du 5 février 2018 en Espagne, n'apporte pas la preuve de la date de son entrée sur le territoire français, qu'elle n'a pas sollicité de visa de long séjour et que la communauté de vie en France n'est pas justifiée.
6. Alors qu'elle avait initialement déclaré aux services de la préfecture une entrée en France le 5 août 2018, Mme C... soutient désormais qu'elle est entrée régulièrement en France le 5 février 2018, alors que le visa de court séjour qui lui avait été délivré était valide, et produit, à l'appui de ses dires, son billet de traversée en bateau de Tanger à Algéciras du 5 février 2018 et celui de son époux, ainsi que des relevés de compte bancaire de son époux justifiant du paiement des péages d'autoroute acquittés lors de son retour à Rennes. Ces pièces sont concordantes avec le cachet d'entrée apposé sur son passeport qui avait été mentionné par les services de la préfecture et suffisantes pour apporter, en dépit de l'incohérence avec les déclarations initiales, la preuve de la date de son entrée en France. Par suite, le motif tenant à l'absence de justification de la date d'entrée est erroné.
7. Pour établir que la décision contestée est légale, l'autorité préfectorale a invoqué, dans son mémoire en défense qui a été communiqué le 17 janvier 2020 un autre motif tiré de l'absence d'entrée régulière sur le territoire français le 5 février 2018 en l'absence de déclaration d'entrée sur le territoire français effectuée conformément à l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen.
8. Mme C... n'établit pas, ni même n'allègue, avoir procédé à la formalité de déclaration rendue obligatoire en application de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, qui est une condition de la régularité de son entrée en France. Il résulte de l'instruction que l'autorité préfectorale aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder initialement sur ce motif. Il y a donc lieu de procéder à la substitution demandée, laquelle ne prive la requérante d'aucune garantie procédurale liée au motif substitué.
9. Le motif tiré de l'absence d'entrée régulière sur le territoire français justifie à lui seul le fait que Mme C... ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un visa de long séjour et un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 3 doit être écarté.
10. Par ailleurs, Mme C..., après son mariage avec un ressortissant français, est restée quinze mois au Maroc avant de venir en France rejoindre son époux et, bien qu'entrée en février 2018, elle a déclaré sur l'honneur que la communauté de vie n'avait commencé que fin 2018, soit depuis environ un an à la date de la décision contestée. Elle ne justifie d'aucun autre lien familial ou personnel en France et n'établit ni même n'allègue être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine. Enfin, elle ne fait état d'aucun élément rendant impossible un retour de courte durée dans son pays d'origine le temps de l'examen d'une demande d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de français. Dans ces conditions, l'arrêté n'a pas porté au droit, de Mme C..., au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, à la préfète d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le rapporteur,
F. D...Le président,
O. GASPON
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°20NT01051
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