Par une requête enregistrée le 24 juin 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 mai 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 10 mai 2019 ;
3°) de dire et juger que sa demande d'asile sera examinée par les autorités françaises.
Elle soutient que :
- l'arrêté portant transfert est contraire aux stipulations des paragraphes 2 de l'article 3 et 1 de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ainsi qu'à celles des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- au regard de son état de santé, l'arrêté portant assignation à résidence et l'obligeant à pointer deux fois par semaine est entaché d'illégalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2019, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante malienne, relève appel du jugement du 20 mai 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2019 par lequel le préfet du Loiret a décidé sa remise aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence et l'astreignant à se présenter les mardis et jeudis à l'hôtel de police d'Orléans.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".
3. Si Mme A... invoque les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la méconnaissance de ces dispositions. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, selon l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) " . La mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif " ainsi qu'à la lumière des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " . Enfin, l'article 8 de la même convention stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Si Mme A... a produit plusieurs documents émanant du service des maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier d'Orléans, il ressort de l'ordonnance établie par le praticien hospitalier le 6 mars 2019 que son traitement consiste à prendre un comprimé d'Atripla par jour. Si cette molécule n'est pas substituable selon ce médecin, l'organisation mondiale de la santé a jugé que les systèmes de santé français et espagnoles étaient parmi les meilleurs d'Europe et de qualité équivalente. Par suite, et alors même qu'elle a commencé ce traitement depuis quelques mois en France et a institué une relation de confiance avec le médecin qui la suit, les pièces du dossier ne permettent pas d'attester que la requérante ne pourrait pas voyager vers l'Espagne. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté de transfert litigieux serait contraire aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.
6. En dernier lieu, Mme A..., qui est veuve et mère de deux enfants mineurs restés au Mali, n'établit pas que la décision contestée, qui a pour objet d'organiser son transfert vers l'Espagne, serait contraire aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
7. Eu égard à ce qui a été dit au point précédent, il n'est pas établi qu'en obligeant Mme A..., qui réside à Saint-Jean Le Blanc, commune limitrophe d'Orléans, à pointer à l'hôtel de police d'Orléans les mardis et jeudis, le préfet du Loiret aurait entaché d'illégalité son arrêté portant assignation à résidence.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Les conclusions de l'intéressée tendant à ce que sa demande d'asile soit examinée par les autorités françaises ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02448