Par une requête enregistrée le 15 mars 2019, Mme D... A... représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 janvier 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 10 février 2017 rejetant ses prétentions indemnitaires ;
3°) de déclarer la région Centre-Val de Loire responsable de l'accident survenu le 3 décembre 2013 et de la condamner à réparer son entier préjudice évalué à la somme totale de 60 000 euros ;
4°) d'ordonner une mesure d'expertise aux fins de déterminer et évaluer les différents postes de préjudices en cause ;
5°) de mettre à la charge de la région Centre-Val de Loire le versement de la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'accident dont elle a été victime le 3 décembre 2013 est la conséquence de la double faute commise par les services du lycée Blaise Pascal de Châteauroux ; d'une part, il n'a pas été mis à sa disposition de chaussures de sécurité pour l'exercice de son activité professionnelle ; d'autre part, les marches extérieures de l'établissement n'avaient pas été dégelées ; c'est intentionnellement que ces fautes ont été commises ;
- elle subit un préjudice financier correspondant à ses pertes de salaire, un préjudice esthétique, un déficit fonctionnel temporaire et définitif ainsi qu'un préjudice moral ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2019, la région Centre-Val de Loire conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que la requête d'appel qui ne comporte aucun moyen ni aucune conclusion est irrecevable et que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984;
- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 ;
- le décret n° 99-823 du 17 septembre 1999;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., embauchée par la région Centre-Val de Loire en qualité d'agent d'entretien par un contrat couvrant la période du 25 novembre au 23 décembre 2013 a, le 3 décembre 2013, été victime d'un accident du travail en prenant son poste à 6 heures du matin. Elle indique avoir glissé sur une marche verglacée de l'escalier donnant accès aux salles de cours du lycée Blaise-Pascal de Châteauroux et soutient que cette chute a provoqué une entorse de la cheville droite compliquée d'une algodystrophie. Placée en arrêt de travail jusqu'au mois de septembre 2015, son état de santé a été déclaré consolidé à la date du 13 septembre 2015.
2. Mme A... a, le 12 décembre 2016, formé une réclamation indemnitaire auprès de la région, à raison de fautes commises selon elle par les services du lycée Blaise Pascal où elle était affectée. Cette demande a été rejetée par une décision du 10 février 2017, au motif que celle-ci n'était pas chiffrée. Mme A... a, le 13 avril 2017, saisi le tribunal administratif d'Orléans de demandes tendant, en premier lieu, à l'annulation de la décision du 10 février 2017, ensuite, à la condamnation de la région Centre-Val de Loire à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis, évalués à la somme totale de 60 000 euros, et enfin, à ce qu'une mesure d'expertise soit ordonnée aux fins de déterminer et d'évaluer les différents postes de préjudices en cause. Elle relève appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel cette juridiction a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " la juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
4. Contrairement à ce que soutient la région Centre-Val de Loire, la requête d'appel de Mme A..., qui ne se limite pas à reproduire littéralement ses écritures de première instance mais énonce à nouveau de manière partiellement différente les moyens, en demandant d'ailleurs à la cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré recevables ses différentes demandes puis d'en réformer certains points, ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée par la région Centre-Val de Loire tirée du défaut de motivation de la requête ne peut, par suite, qu'être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale : " Sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit ". Aux termes de l'article L. 452-1 du code : " Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ". L'article L. 452-3 de ce code, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, prévoit que, dans le cas d'une faute inexcusable de l'employeur, la victime a le droit de demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale qui sont résultés pour elle de l'accident. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 452-5 du même code : " Si l'accident est dû à la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ". Le premier alinéa de l'article L. 454-1 de ce code dispose : " Si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ".
6. Il résulte des dispositions précitées qu'un agent contractuel de droit public peut demander au juge administratif la réparation par son employeur du préjudice que lui a causé l'accident du travail dont il a été victime, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du code de la sécurité sociale, lorsque cet accident est dû à la faute intentionnelle de cet employeur ou de l'un de ses préposés. Il peut également exercer une action en réparation de l'ensemble des préjudices résultant de cet accident non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, contre son employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, en cas de faute inexcusable de ce dernier, ou contre une personne autre que l'employeur ou ses préposés, conformément aux règles du droit commun, lorsque la lésion dont il a été la victime est imputable à ce tiers.
7. Il résulte, en revanche, des mêmes dispositions qu'en dehors des hypothèses dans lesquelles le législateur a entendu instituer un régime de responsabilité particulier, un agent contractuel de droit public, dès lors qu'il ne se prévaut pas d'une faute intentionnelle de son employeur ou de l'un des préposés de celui-ci, ne peut exercer contre cet employeur une action en réparation devant les juridictions administratives, conformément aux règles du droit commun, à la suite d'un accident du travail dont il a été la victime.
8. Au cas d'espèce, Mme A..., qui indique avoir glissé le 3 décembre 2013 sur une marche verglacée de l'escalier donnant accès aux salles de cours du lycée Blaise-Pascal de Châteauroux alors qu'elle prenait son service, soutient que la région Centre-Val de Loire a commis une faute intentionnelle en ne mettant pas, d'une part, à sa disposition des chaussures de sécurité pour l'exercice de son activité professionnelle et en ne prenant pas, d'autre part, les mesures nécessaires pour dégeler un sol glissant. Toutefois, alors qu'une faute intentionnelle est caractérisée par des actes volontaires accomplis dans l'intention de causer des lésions corporelles, il ne résulte nullement de l'instruction que la région Centre-Val de Loire ou l'un de ses préposés a volontairement, dans l'intention de causer des lésions corporelles à la requérante, méconnu ses obligations en matière de sécurité et de prévention des risques s'agissant, en particulier, de l'entretien des escaliers extérieurs donnant accès aux salles de cours de l'établissement d'enseignement ou du refus de lui fournir des chaussures adaptées. Par suite, les conclusions indemnitaires de Mme A... ainsi que celles tendant à la désignation d'un expert ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des demandes présentées par cet agent devant le tribunal.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la région Centre-Val de Loire, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme que demande la collectivité territoriale au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la région Centre-Val de Loire tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à la région Centre-Val de Loire.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
Le rapporteur,
O. C...Le président,
O. GASPON
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19NT01073 2