Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 février et le 6 aout 2019, la SAS Michelet Automobiles, représentée par Me D..., doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 décembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 14 novembre 2017 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Centre-Val de Loire lui a infligé une amende administrative de 7 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la signataire du courrier du 27 juin 2017 prévu à l'article R. 8115-10 du code du travail l'informant qu'une amende administrative était envisagée à son encontre, ne disposait pas d'une délégation de signature régulière pour effectuer cet acte préliminaire :
la signataire du courrier n'avait pas le pouvoir de sanctionner, elle ne pouvait donc prétendre, ni envisager, ni prononcer une sanction ;
l'incompétence du signataire du courrier du 27 juin 2017 est de nature à vicier la procédure d'information prévue à l'article R. 8115-10 du code du travail, préalable au prononcé d'une amende administrative ;
- la décision litigieuse ne précise pas la période ou les dates de l'infraction, en méconnaissance du principe non bis in idem ;
- la décision litigieuse méconnait son droit à un procès équitable prévu par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le courrier du 27 juin 2017 ne l'a pas informée de son droit à garder le silence et de se faire assister par un avocat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2019, la ministre chargée du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- les observations de Me D..., représentant la SAS Michelet Automobiles.
Considérant ce qui suit :
1. Le 2 mars 2017, des agents de contrôle de l'inspection du travail de l'unité départementale du Loiret de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Centre-Val de Loire ont procédé à un contrôle au sein de la SAS Michelet Automobiles. A cette occasion, ils ont constaté que les commerciaux de la société n'étaient pas soumis au même horaire collectif de travail que les autres salariés et qu'aucun décompte de temps de travail n'avait été mis en place pour ces salariés. En l'absence de réponse à une première mise en demeure du 11 avril 2016, les agents de contrôle ont mené deux nouveaux contrôles dans l'entreprise, le 24 mai 2016 et le 3 octobre 2016, relevant les mêmes irrégularités. Par courrier du 27 juin 2017, la société requérante a été informée de l'engagement d'une procédure de sanction administrative à son encontre. Par une décision du 14 novembre 2017, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a infligé à la SAS Michelet Automobiles une amende administrative d'un montant de 7 000 euros sur le fondement des articles L. 8115-1 et L. 8115-3 du code du travail. La SAS Michelet Automobiles relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 novembre 2017.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 8122-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la procédure d'édiction des sanctions litigieuses : " Pour l'exercice des compétences en matière d'actions d'inspection de la législation du travail, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi peut déléguer sa signature au chef du pôle en charge des questions de travail et aux responsables d'unités départementales chargées des politiques du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et de développement des entreprises. En accord avec le délégant, ceux-ci peuvent donner délégation pour signer des actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation aux agents du corps de l'inspection du travail placés sous leur autorité. Le directeur régional peut mettre fin à tout ou partie de cette délégation. Il peut également fixer la liste des compétences qu'il souhaite exclure de la délégation que peuvent consentir ces chefs de service aux agents du corps de l'inspection du travail placés sous leur autorité. (...) ". Aux termes de l'article R. 8115-10 du même code : " Par dérogation à l'article R. 8115-2, lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative sur le fondement des articles L. 4751-1 à L. 4753-2 et L. 8115-1 à L. 8115-8, il invite l'intéressé à présenter ses observations dans un délai d'un mois. Ce délai peut être prorogé d'un mois à la demande de l'intéressé, si les circonstances ou la complexité de la situation le justifient "
3. Au cas d'espèce, d'une part, le courrier du 27 juin 2017 informant la SAS Michelet Automobiles de l'engagement d'une procédure contradictoire à son encontre en vue de lui infliger une sanction administrative sur le fondement de l'article L. 8115-1 du code du travail et l'informant de ses droits a été signé par Mme B..., responsable de l'unité départementale Sud du Loiret et directrice adjointe du travail. Par un arrêté du 22 février 2017, qui a été régulièrement publié dans le recueil des actes administratifs spécial du 23 février 2017, M. E..., directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre-Val de Loire, a subdélégué sa signature, dans le cadre des attributions et compétences déléguées par le préfet de la région Centre-Val de Loire, à Mme C..., responsable de l'unité départementale, et en cas d'empêchement ou d'absence de cette dernière, à Mme B..., directrice adjointe du travail, aux fins de signer les décisions, actes administratifs et correspondances relatifs à l'exercice des missions de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi tels que prévues par le décret n°2009-1377 du 10 novembre 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, dans l'unité départementale du Loiret. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... n'aurait pas été absente ou empêchée lors de l'engagement de la procédure contradictoire en cause, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la signataire du courrier du 27 juin 2017 prévu à l'article R. 8115-10 du code du travail l'informant qu'une amende administrative était envisagée à son encontre, ne disposait pas d'une délégation de signature régulière pour effectuer cet acte préliminaire. Au demeurant, en faisant référence à la circonstance qu'elle envisageait de demander une sanction, la signataire du courrier du 27 juin 2017 ne saurait être regardée comme ayant outrepassé ses attributions.
4. D'autre part, il résulte de ce qui vient d'être dit que la signataire du courrier du 27 juin 2017 était bien titulaire d'une délégation de signature régulière pour exercer les attributions découlant des dispositions des articles L. 8115 et R. 8122-2 du code du travail. Par suite, le moyen selon lequel l'incompétence du signataire du courrier du 27 juin 2017 est de nature à vicier la procédure d'information prévue à l'article R. 8115-10 du code du travail, préalable au prononcé d'une amende administrative, ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, termes de l'article L. 8115-1 du code du travail, dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) 3° A l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application ; (...) ". Aux termes de l'article L. 8115-3 du même code : " Le montant maximal de l'amende est de 2 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement. (...) ".
6. Contrairement à ce que semble avancer de façon confuse la société requérante, la décision administrative contestée du 14 novembre 2017 relève les manquements qui lui sont reprochés à la suite des contrôles sur place, dont elle rappelle précisément qu'ils ont été effectués les 2 mars et 3 octobre 2016 par différents agents de l'inspection du travail et portaient sur respect de la durée hebdomadaire de travail, en particulier lorsque les salariés ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail. La décision du 14 novembre 2017 rappelle également que " le dirigeant de l'entreprise a confirmé que les seize vendeurs ne pointaient pas et ne décomptaient pas leur durée du travail ". La critique avancée liée à la circonstance que ne seraient pas mentionnées " les périodes de contrôle et celles fondant l'amende administrative " doit être regardée comme manquant en fait. La violation alléguée pour les mêmes raisons du principe " non bis in idem " ne peut qu'être écartée.
7. En dernier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire, dans le cadre du régime spécifique de l'amende administrative tel que prévu par les dispositions de l'article L. 8115-1 et R. 8115-1 à R. 8115-4 du code du travail, qui permettent de garantir le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense, ne prévoit l'obligation pour la société mise en cause d'être informée de son droit à garder le silence ou de se faire assister par un avocat. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnait pour cette raison le droit de la SAS Michelet Automobiles à un procès équitable prévu par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est au demeurant applicable qu'aux procédures contentieuses, ne peut en tout état de cause qu'être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que la SAS Michelet Automobiles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Michelet Automobiles demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Michelet Automobiles est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Michelet Automobiles et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Copie sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Centre-Val de Loire.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Gélard, premier conseiller.
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
O. COIFFET
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT00704