Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2020, Mme E..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de reconnaître l'Etat français responsable de sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi qu'un formulaire OFPRA dans un délai de cinq jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :
- il est entachée d'incompétence ;
- il est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation;
- il méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce que les brochures lui ont été remises en français alors qu'elle ne lit pas cette langue ;
- l'entretien individuel dont elle a bénéficié n'a pas été mené avec un agent qualifié et identifiable ;
- le jugement n'a pas dissocié l'examen des moyens tirés de la situation de défaillance systémique de l'asile en Italie en méconnaissance de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le moyen tiré des risques de traitements inhumains ou dégradants encourus en cas de transfert en Italie en méconnaissance de l'article 17 du règlement ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne compte tenu des défaillances systémiques existant en Italie dans la procédure d'asile, des entraves systémiques à l'entrée en Italie des demandeurs d'asile, du risque de refoulement des demandeurs d'asile, des entraves administratives rendant difficile l'accès à la procédure d'asile et à la protection internationale et de la défaillance des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de méconnaissance des stipulations des articles 2, 3, 4 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de l'arrêté d'assignation à résidence :
- il y a lieu d'annuler l'arrêté d'assignation à résidence par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté de transfert.
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen préalable de sa situation ;
- l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation ; les obligations mises à sa charge, et notamment la fréquence de présentation, sont disproportionnées ;
- les obligations mises à sa charge de pointage à heures fixes et de présentation avec effets personnels n'ont pas de base légale.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2020.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et précise, par ailleurs, que Mme E... n'a pas respecté son obligation de pointage et a été déclarée en fuite.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement (métropole)
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante camerounaise, est entrée irrégulièrement en France le 9 juillet 2019 et a sollicité le 26 août 2019 le bénéfice du statut de réfugié auprès de la préfecture de Loire-Atlantique. A la suite de la consultation du fichier Eurodac, il a été constaté qu'elle était initialement entrée dans l'espace régi par l'accord dit " Dublin III " en transitant par l'Italie. Le préfet de Maine-et-Loire a alors saisi les autorités italiennes le 27 août 2019 afin que celles-ci reprennent en charge l'intéressée, ce qui a été implicitement accepté par ces autorités le 12 septembre 2019. Le préfet du Maine et Loire a alors pris, le 3 octobre 2019, deux arrêtés portant transfert de Mme E... aux autorités Italiennes et l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique avec obligation de pointage au commissariat central de Nantes les mardis, mercredis et jeudis à 8 h avec ses effets personnels. La requérante a contesté ces deux arrêtés devant le tribunal administratif de Nantes le 20 novembre 2019. La magistrate désignée par le président du tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 26 novembre 2019 dont Mme E... relève appel.
Sur la régularité du jugement 26 novembre 2019 :
2. La circonstance que le jugement du tribunal administratif de Nantes a répondu de manière groupée aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'est pas de nature à entacher ce jugement d'un défaut de motivation dès lors que le tribunal a répondu de manière suffisamment précise à ces différents moyens. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la requérante, le premier juge a suffisamment répondu, au point 15 de son jugement, au moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté portant assignation à résidence de Mme E.... Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement qu'elle critique serait irrégulier en raison d'un défaut ou d'une insuffisance de motivation.
Sur la légalité de l'arrêté de transfert :
3. En premier lieu, Mme E... soutient que les arrêtés qu'elle critique seraient entachés d'incompétence au triple motif de l'incompétence du préfet de Maine-et-Loire s'agissant des suites à donner aux demandes des étrangers s'étant déclarés comme demandeur d'asile auprès des services de l'Etat en Loire-Atlantique, de l'absence de délégation régulière donnée à Mme A..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers et du caractère irrégulier de la nomination de cette dernière. Cependant, il ressort, d'une part, de la lecture des pièces du dossier et notamment de celle de l'arrêté du 10 mai 2019 visé ci-dessus complété par son annexe II que le préfet de Maine-et-Loire est compétent pour, à la fois, procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée par les demandeurs domiciliés dans un département de la région des Pays de la Loire, prendre à leur encontre les décisions de transfert en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et prendre les décisions d'assignation à résidence en application du I - 1° bis de l'article L. 561-2 du même code et, le cas échéant, les mesures prévues au II de l'article L. 561-2 et aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 742-2 du même code. Il ressort, d'autre part, de la lecture des mêmes pièces du dossier que, par un arrêté du 27 juin 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Maine-et-Loire, le préfet de ce département a donné délégation à Mme C... A..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers et signataire de la décision litigieuse, à l'effet de signer les décisions de transfert prises pour l'application du règlement dit " Dublin III " et les décisions d'assignation à résidence. Mme A... était ainsi régulièrement habilitée à signer les décisions contestées au nom du préfet, la circonstance qu'elle ne compterait pas au nombre des fonctionnaires affectés au " pôle régional Dublin " étant sans influence à cet égard, aucune disposition législative ou à portée réglementaire n'imposant au préfet de limiter les délégations qu'il consent en matière de traitement des demandes relatives à la prise en charge des demandeurs d'asile aux membres de ce pôle régional. Enfin, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'arrêté portant délégation de signature vise la décision de nomination de l'agent bénéficiaire de la délégation ni que l'administration justifie l'existence de cette nomination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
4. En deuxième lieu, la décision prononçant le transfert de Mme E... aux autorités italiennes vise notamment le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève en outre le caractère irrégulier de l'entrée en France de la requérante, rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque celle-ci s'est présentée à la préfecture de la Loire-Atlantique, précise que la consultation du système Eurodac a fait apparaître qu'elle avait déposé une première demande de protection internationale en Italie et mentionne que les autorités italiennes ont accepté la reprise en charge de l'intéressé le 12 septembre 2019. Il est également précisé que l'intéressée a déclaré être célibataire, être mère de deux enfants mineurs résidant tous deux au Cameroun et ne pas avoir de membres de sa famille en France, qu'elle n'établit pas que son état de santé se soit dégradé depuis son arrivée sur le territoire national, que sa situation ne présente pas une vulnérabilité particulière et n'établit pas l'existence d'un de risque personnel constituant une atteinte grave à son droit d'asile en cas de transfert aux autorités italiennes. Par ailleurs, le préfet, dont la décision révèle qu'il a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de la requérante, n'était pas tenu de motiver son refus de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision et du défaut d'examen particulier de la situation de Mme E... doivent être écartés.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... s'est vue remettre, le 26 aout 2019, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue française. Par ailleurs, si l'intéressée soutient qu'elle n'a pas pris la mesure des documents qui lui ont été communiqués dès lors qu'elle ne peut lire le français, il ressort des pièces du dossier qu'elle a apposé sa signature sous la couverture de ces brochures avec les mentions " je reconnais avoir reçu ce document dans une langue que je comprends " et " je reconnais que les informations contenues dans le guide du demandeur d'asile ainsi que dans les brochures A et B m'ont été communiquées oralement et je reconnais les avoir comprises ". Il y a lieu, en conséquence, de considérer que ses allégations relatives à son absence de compréhension des documents en question ne sont pas démontrées. Enfin, la circonstance qu'elle n'aurait pas eu communication des documents mentionnés précédemment dès le moment où elle s'est signalée comme demandeur d'asile auprès de la structure préalable d'accueil des demandeurs d'asile n'est pas de nature à regarder cette communication comme entachée d'irrégularité dès lors qu'il n'est pas contesté que cette communication a été effectuée lors de sa demande d'asile en préfecture. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
9. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien individuel dont Mme E... a bénéficié le 26 aout 2019 a été mené par un agent de la préfecture de la Loire-Atlantique et qu'elle a, au cours de cet entretien, alors exposé sa situation familiale, son parcours personnel et fait part de ses observations notamment sur les informations figurant sur son recueil et le relevé Eurodac. Elle a également confirmé à l'issue de cet entretien, ainsi qu'il a été dit au point précédent, avoir compris les informations qu'elle a reçues en application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité précise de l'agent ayant conduit l'entretien sur le résumé de celui-ci, qui mentionne toutefois qu'il a été mené par un agent qualifié de la préfecture, n'a pas privé l'intéressée de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien. Enfin, aucune des pièces du dossier ne permet d'établir que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'entretien en question n'aurait pas été mené dans des conditions permettant d'en garantir la confidentialité. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'entretien dont elle a bénéficié n'a pas été mené dans des conditions conformes aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". Par ailleurs, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne disposent que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Mme E... soutient que les autorités italiennes ne sont pas en mesure d'accorder aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil satisfaisantes leur permettant de bénéficier de l'ensemble des garanties prévues par cette procédure et qu'un transfert vers l'Italie pourrait l'exposer à une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en raison notamment de sa vulnérabilité. Toutefois, Italie est un Etat membre de l'Union européenne partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas des seules affirmations d'ordre général, non actualisées de surcroit, relatives aux difficultés rencontrées par ce pays soumis à un afflux massif de migrants, que le transfert du requérant vers l'Italie serait, par lui-même, constitutif d'une atteinte au droit d'asile. Aucun des éléments produits n'accrédite les allégations selon lesquelles les demandes d'asile y seraient traitées de manière expéditive et ne corrobore l'existence de défaillances systémiques affectant la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant transfert méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou serait entachée d'un défaut d'examen à ce titre au regard de l'article 3 du règlement (UE) n°604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Clauses discrétionnaires/ 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme E... et des conséquences de son transfert en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé. De plus, Mme E... ne produit pas de documents médicaux qui permettent d'établir que son état de santé la placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Enfin, si elle fait valoir qu'elle craint pour sa vie en cas de renvoi par les autorités italiennes au Cameroun compte tenu de son orientation sexuelle et des violences subies dans son pays d'origine, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet de l'éloigner vers son pays d'origine mais seulement de prononcer son transfert en Italie. Dans ces conditions, il n'est pas démontré que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Pour ces mêmes motifs, la situation de vulnérabilité au sens de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas établie.
14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme E... dirigées contre l'arrêté du 3 octobre 2019 ordonnant son transfert vers l'Italie doivent être rejetées.
Sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence :
15. L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". L'article L. 561-1 du même code dispose que : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée (...) ". Par ailleurs, l'article R. 561-2 du même code dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ".
16. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être indiqué aux points 3 à 14 du présent arrêt que Mme E... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités italiennes pour demander l'annulation de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
17. En deuxième lieu, comme indiqué au point 3, Mme A... a été régulièrement habilitée à signer les arrêtés portant assignation à résidence des étrangers faisant l'objet d'une décision de transfert prises pour l'application du règlement dit " Dublin III ". Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit dès lors être écarté.
18. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de Mme E... avant de décider de l'assigner à résidence.
19. En quatrième lieu, la décision portant assignation à résidence de Mme E... comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
20. En cinquième lieu, il résulte des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 15 que le préfet a pu, sans entacher sa décision d'un défaut de base légale, assortir sa décision d'assignation à résidence de Mme E... de l'obligation pour celle-ci de se présenter les mardis, mercredis et jeudis, à l'exception des jours fériés, aux services du commissariat de police de Nantes à 8 heures du matin, la circonstance que celle-ci soit complétée par une obligation de venir avec ses effets personnels n'étant pas de nature, compte tenu de la nécessité de mettre en oeuvre aussi rapidement que possible l'éloignement de l'étranger, à faire regarder cet arrêté comme entaché d'illégalité. Par ailleurs, la requérante ne démontre pas que cette obligation présenterait un caractère disproportionné. Par suite, les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacheraient la décision d'assignation à résidence doivent être écartés.
21. Il résulte de ce tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. Le présent arrêt n'impliquant pas, par lui-même, de mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme E... doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
23. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme E... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
- Mme D..., premier conseiller
Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.
Le rapporteur,
F D... Le président,
O. COIFFET
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT014662
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