Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 mars 2018, 29 août 2018, 25 avril 2019 et 20 août 2019, La Poste, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 décembre 2017 dans la mesure de l'annulation prononcée à son article 2 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... sur ce point devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir qu'elle avait opposée ; le courrier adressé au tribunal le 15 juillet 2015 par Mme A... ne comportait, en effet, aucune demande d'annulation dirigée contre la décision implicite par laquelle La Poste aurait refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle du 2 juin 2015 dans le cadre de la plainte avec constitution de partie civile déposée contre son employeur ; la demande présentée devant le tribunal ne satisfaisait pas non plus à l'exigence de motivation faute de comporter l'énoncé de moyens susceptibles de justifier l'annulation ;
- le tribunal n'a pas répondu à l'argumentation tirée des effets de la transaction conclue entre Mme A... et l'assureur de La Poste destinée à indemniser cet agent de l'intégralité des préjudices subis en lien avec l'agression ;
- au fond, la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme A... à l'encontre de La Poste, son employeur, ne relève pas du champ d'application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; le tribunal a commis une erreur de droit ; si l'article 11 de la loi de 1983 dispose que l'administration doit protéger ses fonctionnaires dans différentes circonstances et réparer le cas échéant le préjudice qui en est résulté, pour autant ces dispositions ne sont pas de nature à instaurer le bénéfice de la protection fonctionnelle d'une manière absolue et illimitée ; Mme A... a été indemnisée de son préjudice par l'assureur de la Poste en application des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983. La protection fonctionnelle n'est plus due au fonctionnaire qui a obtenu réparation.
Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires enregistré le 29 mai 2018, 12 avril 2019 et 10 mai 2019, Mme A..., représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de La Poste la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par La Poste ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
- et les observations de Me C..., substituant Me D..., représentant La Poste.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... A..., fonctionnaire de La Poste depuis 1978, a été victime d'un vol à main armée le 14 septembre 2011, alors qu'elle exerçait les fonctions de guichetier référent au bureau de Saint-Avé. Par une décision du 17 octobre 2011, La Poste lui a accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle pour ces faits. L'affaire ayant été classée sans suite, Mme A... a demandé, le 15 janvier 2013, à La Poste de l'indemniser des préjudices subis lors de cette attaque. Par courrier du 28 janvier 2013, La Poste l'a informée de la souscription auprès de la société GMF d'un contrat d'assurance afin d'assurer la protection des agents victimes d'infractions. Dans ce cadre, une proposition d'indemnisation transactionnelle totale et définitive des dommages subis lors de l'attaque à main armée du 14 septembre 2011 d'un montant de 2 500 euros a été adressée à Mme A... par la société GMF, laquelle l'a accepté le 22 février 2013. Le 17 juillet 2015, Mme A... a cependant demandé à la société GMF d'annuler cette transaction, puis, à la suite du rejet de cette demande, elle a introduit une instance contre cette société devant le juge judiciaire. Parallèlement, Mme A... a déposé plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de La Poste sur le fondement de l'article 121-3 du code pénal pour manquement à une obligation particulière de prudence ou de sécurité. Par un courrier du 4 mai 2015, l'intéressée a sollicité le règlement d'une facture de 324 euros correspondant à ses frais d'avocat exposés dans le cadre de la procédure pénale diligentée à l'encontre de l'auteur du vol à main armée du 14 septembre 2011. Le 9 juillet 2015, La Poste a refusé de faire droit à cette demande. Par un second courrier du 2 juin 2015, Mme A... a, par ailleurs, sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le cadre de sa plainte avec constitution de partie civile déposée à l'encontre de La Poste. Cette demande a donné lieu à un rejet implicite.
2. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande regardée par les premiers juges comme tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 9 juillet 2015, et, d'autre part, de la décision par laquelle La Poste a rejeté sa demande du 2 juin 2015. Par un jugement du 21 décembre 2017, cette juridiction a estimé, d'une part, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2015, La Poste ayant effectivement procédé, en cours d'instance, au règlement à l'intéressée de la somme de 324 euros et, d'autre part, a annulé, dans son article 2, la décision de La Poste refusant de faire droit à la demande de protection fonctionnelle présentée par Mme A... le 2 juin 2015. La Poste relève appel de ce jugement dans cette dernière mesure et soutient au fond que la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme A... à l'encontre de son employeur ne relève pas du champ d'application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.
Sur régularité du jugement attaqué :
3. La demande de Mme A... ne portant que sur la question de la prise en charge par son employeur, au titre de la protection fonctionnelle, des honoraires de son conseil, le tribunal n'était pas tenu de se prononcer sur les effets attachés à la transaction conclue entre cet agent et l'assureur de La Poste destinée à l'indemniser de l'intégralité des préjudices subis en lien avec l'agression. La Poste n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a, dans son recours présenté le 15 juillet 2015 devant le tribunal, et auquel était jointe la demande qu'elle avait adressée le 2 juin 2015 à la directrice des ressources humaines et des relations sociales de la Poste, rappelé qu'elle avait déposé une plainte contre son employeur auprès du Procureur de la République, pour manquement grave à la sécurité, qu'elle avait dans cette affaire confié ses intérêts à un conseil et qu'afin de pouvoir bénéficier de la protection fonctionnelle, elle avait engagé des démarches auprès de La Poste qui étaient restées sans réponse. Elle rappelait que ses demandes de protection fonctionnelle transmises en lettre recommandée relatives à la prise en charge des frais de conseil, sur les modalités desquelles elle avait précisément interrogé son employeur, étaient restées vaines. Dans ces conditions, c'est sans se méprendre sur les termes de la demande dont il était saisi, et qui se référant notamment à l'agression subie le 14 septembre 2011 était suffisamment motivée, que le tribunal administratif a pu justement estimer que Mme A... devait être regardée comme sollicitant l'annulation de la décision implicite par laquelle La Poste avait rejeté sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle dans le cadre de la plainte avec constitution de partie civile qu'elle a déposée à l'encontre de son employeur. Par suite, la poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir qu'elle avait opposé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".
6. Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Sa mise en oeuvre peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Ces dispositions ne font dès lors pas obstacle à ce que, contrairement à ce que soutient La Poste, Mme A... puisse ainsi obtenir au titre de la protection fonctionnelle que son employeur supporte les frais de conseil induits par le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile déposée contre lui pour manquement à une obligation particulière de prudence ou de sécurité. Par suite, le moyen tiré de ce que ce que ce serait à bon droit que La Poste aurait refusé, sur le fondement des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, de faire droit à la demande du 2 juin 2015 de Mme A... tendant à ce que lui soit accordée le bénéficie d'une telle protection doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède, que La Poste n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a, dans son article 2, annulé sa décision refusant de faire droit à la demande de protection fonctionnelle présentée par Mme A... le 2 juin 2015.
Sur les frais de l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande La Poste au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme A... au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.
Article 2 : La Poste versera la somme de 1500 euros à Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... et à La Poste.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.
Le rapporteur
O. B...Le président
H. Lenoir
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
18NT01003 2