Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 août 2017, M.C..., représenté par le cabinet Hugues Leroy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 15 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'autorisation de licenciement du 4 janvier 2016 ;
3° de condamner l'Etat aux entiers dépens, en ce compris le droit de plaidoirie prévu par le décret n°2014-1704 du 30 décembre 2014 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la signataire de la décision attaquée ne justifie pas du pouvoir de prendre cette décision ;
- il n'est pas démontré que la procédure préalable au licenciement suivie par l'entreprise était régulière, dès lors qu'il n'est pas justifié de ce que la convocation des membres du comité d'entreprise est postérieure à l'entretien préalable ;
- l'obligation de reclassement n'a pas été respectée dès lors qu'aucune recherche n'a été effectuée par l'entreprise postérieurement au 6 octobre 2015, date de convocation à l'entretien préalable, que la société " Les Rapides du Val de Loire " ne justifie pas avoir effectué des recherches de reclassement loyales et sérieuses auprès de toutes les entités appartenant au groupe TRANSDEV auquel elle appartient ; la recherche n'a pas été individualisée, les postes proposés ne correspondant pas aux conclusions du médecin du travail ni aux capacités de M.C... ;
- de plus la société a refusé de réintégrer M. C...alors que ce dernier a accepté deux postes d'ingénieur structure, situés à Orléans, proposés par son employeur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2018 la société " Les Rapides du Val de Loire ", représentée par la SELARL CAPSTAN, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un mémoire présenté pour M.C..., enregistré le 10 septembre 2018, n'a pas été communiqué à défaut d'éléments nouveaux au sens de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Les faits
1. M. C...a été engagé à compter du 1er mars 2012 par la société " Les Rapides du Val de Loire ", en dernier lieu, en qualité de mécanicien poids lourds. Il a été élu membre suppléant du comité d'entreprise lors des élections organisées en juillet 2014. Le 4 août 2014, il a été victime d'un accident du travail. Après deux procédures de licenciement qui n'ont pu aboutir, M. C... a réintégré l'entreprise et fait l'objet de deux visites de reprise, aux termes desquelles le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste précédent mais apte à un poste aménagé respectant certaines restrictions. Le 5 novembre 2015, la société " Les Rapides du Val de Loire " a sollicité auprès de l'administration l'autorisation de le licencier pour inaptitude physique. L'inspectrice du travail de la 16ème section du département du Loiret a accordé à la société cette autorisation par une décision du 4 janvier 2016,
2. M. C...relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette autorisation de licenciement.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. La décision attaquée du 4 janvier 2016 a été signée par Mme B...D..., inspectrice du travail, laquelle a été affectée à la 16ème section d'inspection du Loiret par décision du 1er juillet 2015, régulièrement publiée, du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Elle tenait de cette désignation la compétence de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement qui lui était soumise. Par suite le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne la consultation du comité d'entreprise :
4. En application des dispositions des articles L. 2411-3 et L. 2411-8 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, le licenciement envisagé par l'employeur d'un salarié élu délégué du personnel ou membre du comité d'entreprise, en qualité de titulaire ou de suppléant, est obligatoirement soumis pour avis au comité d'entreprise, et il ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. En vertu des articles L. 1232-2 et L. 1232-3 du même code dans leur rédaction alors applicable, le licenciement envisagé doit être précédé d'un entretien préalable au cours duquel l'employeur est tenu de recueillir les explications du salarié concerné. Enfin aux termes de l'article R. 2421-8 du code du travail : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité d'entreprise faite en application de l'article L. 2421-3 ".
5. Si ces dispositions imposent que la réunion du comité d'entreprise appelé à se prononcer sur le projet de licenciement d'un salarié protégé ait lieu après l'entretien préalable prévu à l'article L. 1232-2 du code du travail, elles n'interdisent pas à peine d'irrégularité de la procédure que la convocation des membres de ce comité d'entreprise leur soit adressée antérieurement à cet entretien.
En ce qui concerne les recherches de reclassement :
6. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités./ Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté./ L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. ".
7. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 1226-10 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
8. Selon les avis médicaux émis les 31 juillet et 20 août 2015, le médecin du travail a considéré que, si M. C...était inapte à son poste précédent de mécanicien poids lourd, il était apte à occuper un poste aménagé, sous certaines restrictions, soit éviter les postures prolongées comportant des flexions antérieures et des rotations du tronc, éviter le travail prolongé à genoux ou accroupi, limiter la manutention manuelle de charges à 16 kg, tout en précisant que la conduite de bus était contre-indiquée.
S'agissant du sérieux des recherches :
9. La société " Les Rapides du Val de Loire " appartient au groupe Transdev qui regroupe de nombreuses entreprises et filiales. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de recherches de reclassement en interne restées infructueuses, la société a sollicité plusieurs dizaines de responsables de filiales du groupe Transdev par un courrier du 26 août 2015, afin qu'elles examinent la possibilité d'accueillir M.C.... Cette correspondance comportait en annexe le récapitulatif des indications du médecin du travail sur l'état de santé du requérant et les capacités de travail de ce dernier. Prenant en compte les réponses de ses interlocuteurs et par des courriers des 16 et 24 septembre 2015, nécessairement antérieurs à la procédure de licenciement résultant de l'absence de possibilité de reclasser M.C..., neuf propositions de reclassement ont été faites à l'intéressé au sein du groupe Transdev et huit au sein du groupe de la Caisse des dépôts. Lui ont été proposés des postes de mécanicien poids lourds, agent de réservation, contrôleur, agent de prévention et de médiation, agent de manoeuvre, mécanicien/électromécanicien et gardien/concierge. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les restrictions médicales prévues par le médecin du travail et énoncées au point 8 rendaient impossible l'occupation par M. C...au moins des postes de contrôleur, d'agent de prévention et de médiation et de gardien/concierge. Dans ces conditions M. C...n'est pas fondé à mettre en cause le sérieux de ces recherches de reclassement au seul motif que la société "Les rapides du val de Loire" ne justifierait pas avoir contacté la totalité des entités du groupe.
11. Par ailleurs, la seule circonstance que la société ait consulté les filiales du groupe sans attendre les réponses de M. C...relativement à ses souhaits en matière de mobilité géographique et professionnelle et en termes de salaires et d'organisation de son travail n'est pas de nature à mettre en doute le caractère sérieux et loyal des recherches, dès lors que cet état de fait n'a pas privé l'intéressé d'une possibilité de se voir proposer un poste correspondant à ces souhaits.
12. Enfin si la société a, de manière maladroite, communiqué au requérant des listes récapitulant l'ensemble des postes disponibles au sein du groupe, y compris ceux relatifs à des emplois ne correspondant en rien à ses qualifications, cette circonstance est restée sans incidence, dès lors que M. C...s'était vu proposer de nombreux postes susceptibles de correspondre à ses qualifications et n'a pu se méprendre sur sa capacité à occuper des emplois d'" ingénieurs structure " figurant dans ces listes globales, qui ne correspondaient manifestement pas à ses capacités.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande M. C...tant au titre des dépens qu'au titre des autres frais exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à la ministre du travail et à la société "Les rapides du Val de Loire".
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2018.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe Président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02541