Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 février 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a renouvelé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier, renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision portant renouvellement de son assignation à résidence est illégale par exception d'illégalité de la décision de transfert du préfet de Maine-et-Loire du 5 septembre 2019 :
la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, sa demande d'asile doit être examinée en France, en application du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013, dès lors que sa seule volonté a toujours été de rejoindre la France afin de déposer sa demande d'asile et non l'Italie ;
la décision méconnait les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement 604/2013/UE et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il existe en Italie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et qu'il risque des traitements inhumains et dégradants ;
- la décision portant renouvellement d'assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la fréquence de pointage ne se justifie pas puisqu'il n'a aucune raison de quitter la France ;
- il a des problèmes de santé qui limitent sa capacité à se déplacer au commissariat et à se soumettre à une telle obligation de pointage.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, est entré, selon ses déclarations, irrégulièrement en France le 21 juillet 2019 et y a sollicité l'asile le 12 août 2019 auprès de la préfecture de Maine-et-Loire. Le relevé de ses empreintes digitales et la vérification du fichier Eurodac ont révélé que ses empreintes avaient été enregistrées les 11 août 2015 en Italie. Les autorités italiennes, saisies le 13 aout 2019, ont implicitement accepté de reprendre en charge l'intéressé. Par deux arrêtés du 5 septembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. B... aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Puis, par l'arrêté en litige du 10 janvier 2020, le préfet de Maine-et-Loire a renouvelé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Saisi par M. B... d'une demande d'annulation de cet arrêté, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de transfert :
2. D'une part, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
3. D'autre part, si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe, dans le paragraphe 1 de son article 3, qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, laquelle procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre par l'article 17 de ce règlement est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
4. En premier lieu, en se bornant à soutenir que la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et que sa demande d'asile doit être examinée en France, en application du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013, dès lors que sa seule volonté a toujours été de rejoindre la France, afin d'y déposer sa demande d'asile, et non l'Italie, le requérant ne conteste pas utilement la légalité de l'arrêt de transfert contesté. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne décidant pas d'examiner la demande d'asile du requérant sur le fondement des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".
6. M. B... soutient que l'Italie rencontre actuellement des défaillances systémiques dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ainsi que dans la procédure d'asile. Toutefois, il n'établit pas que ces circonstances, à les supposer avérées, exposeraient sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.
En ce qui concerne la légalité propre de la décision portant renouvellement de l'assignation à résidence :
7. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis. ".
8. En premier lieu, la circonstance alléguée par M. B... selon laquelle il n'aurait aucune raison de quitter la France, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige.
9. En second lieu, M. B... ne produit aucun élément à l'appui de ses affirmations selon lesquelles il aurait des problèmes de santé qui limiteraient sa capacité à se déplacer au commissariat et à se soumettre à l'obligation de pointage dont est assortie l'arrêté contesté. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant renouvellement d'assignation à résidence serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie pour information en sera adressée au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2020.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
O. GASPON
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT00726 5