Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 février 2020, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Orne, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que c'est à tort que la demande a été rejetée comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- l'arrêté refusant l'admission exceptionnelle au séjour a été pris par une autorité incompétente, sans un examen de sa situation, est entachée d'erreurs de fait dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 12 février 2019 et qu'il n'y a pas lieu de faire mention du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 17 janvier 2019 dans la mesure où ce rejet ne lui a pas été notifié, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté refusant l'admission exceptionnelle au séjour, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2020, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 22 mai 1977, a fait l'objet de deux arrêtés du préfet de l'Orne du 29 octobre 2019, l'un portant refus d'admission exceptionnelle au séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'autre prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par une ordonnance du 28 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation des deux arrêtés. Mme F... relève appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 776-13-2 du code de justice administrative, applicable aux décisions portant refus d'admission au séjour et interdiction de séjour prises comme en l'espèce sur le fondement de l'article L.313-14 et du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La présentation, l'instruction et le jugement des recours obéissent, sans préjudice de la section 1, aux règles définies au premier alinéa de l'article R. 776-13, aux articles R. 776-15, R. 776-18, R. 776-20-1, R. 776-22 à R. 776-26, aux deuxième et quatrième alinéas de l'article R. 776-27 et à l'article R. 776-28 ".
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".
4. En vertu du III de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif, lorsqu'il fait l'objet d'une décision d'assignation à résidence, l'annulation de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français dans un délai de quarante-huit heures lorsque cette décision a été notifiée avec celle de l'assignation à résidence.
5. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voie de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque les mentions relatives aux délais de recours contre une décision administrative figurant dans la notification de cette décision sont erronées, elles doivent être regardées comme seules opposables aux destinataires de la décision lorsqu'elles conduisent à indiquer un délai plus long que celui qui résulterait des dispositions normalement applicables.
6. Il ressort des pièces du dossier que les deux arrêtés contestés du 29 octobre 2019 ont été notifiées à Mme F... le 20 novembre 2019. Ces notifications, qui ont été effectuées en même temps que celle de l'assignation à résidence de l'intéressée, mentionnent à tort que le délai de recours contentieux est de deux mois. Dès lors, l'intéressée pouvait se prévaloir de ce délai de recours contentieux, qui expirait le 21 janvier 2020 à 24 heures. La demande présentée par Mme F..., enregistrée le 21 janvier 2020 à 16 heures 04, n'était pas tardive.
7. L'ordonnance du magistrat désigné du 28 janvier 2020, qui a rejeté la demande de Mme F... comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté, est par suite irrégulière.
8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Caen.
Sur la légalité de l'arrêté refusant l'admission exceptionnelle au séjour :
9. En premier lieu, par un arrêté du 30 août 2019, régulièrement publié le 2 septembre 2019 au recueil spécial des actes administratifs, consultable sur internet, le préfet de l'Orne a donné à M. A... C..., directeur de la citoyenneté et de la légalité de la préfecture, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
10. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Orne n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme F....
11. En troisième lieu, Mme F... n'a pas fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 12 février 2019, comme il est indiqué dans l'arrêté contesté, mais le 22 novembre 2018. Une telle erreur matérielle est toutefois sans incidence sur la légalité du refus d'admission exceptionnelle au séjour.
12. L'erreur de fait qu'aurait commise le préfet de l'Orne en mentionnant dans son arrêté que la demande d'asile de Mme F... a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 janvier 2019, dans la mesure où elle n'en aurait pas reçu notification, est en tout état de cause également sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté.
13. Enfin, à l'appui de ses moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, Mme F... affirme seulement que ses quatre enfants sont scolarisés en France sans apporter de plus amples précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
Sur la légalité de l'arrêté prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
14. La décision de refus d'admission exceptionnelle au séjour n'étant pas annulée, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés du préfet de l'Orne. Par voie de conséquence, ses conclusions en appel aux fins d'injonction et d'astreinte et celles au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen du 28 janvier 2020 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Caen et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. B...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
P. Chaveroux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00752