Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 mars et 7 août 2020, M. A... B... représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 février 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 14 février 2020 précités ;
3°) subsidiairement, de réduire la fréquence de présentation aux autorités de M. B... à trois fois par semaines à 10 heures du matin ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de transfert aux autorités allemandes est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision de transfert aux autorités allemandes méconnait les articles 6 et 13 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a par un jugement du 29 mai 2020 été reconnu victime de violences aggravées et a obtenu la condamnation de ses agresseurs au versement d'une juste indemnisation ; toutefois, n'étant plus présent sur le sol français, il ne peut faire valoir l'effectivité de son droit à indemnisation ;
- la décision portant assignation à résidence n'est pas justifiée ; par ailleurs, cette décision qui impose une obligation quotidienne de pointage à la gendarmerie de Doué-la-Fontaine à 8h du matin est excessive dans ses modalités et est, en conséquence, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'intéressé n'est fondé et informe la cour que la décision de transfert de M. B... a été exécutée.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendus au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant togolais né le 27 septembre 1998 et entré irrégulièrement en France le 11 novembre 2019, a déposé une demande d'asile en préfecture des Hauts-de-Seine le 28 novembre 2019. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées le 31 mars 2016 en Italie et le 10 octobre 2016 en Allemagne. Les autorités allemandes ont été saisies le 23 janvier 2020 et ont fait connaitre leur accord explicite à la prise en charge le 30 janvier suivant. Par deux arrêtés du 14 février 2020, le préfet de Maine-et-Loire, compétent à raison de la domiciliation de l'intéressé dans la région des Pays de la Loire, a décidé le transfert de l'intéressé aux autorités allemandes et son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelable. M. B... relève appel du jugement du 26 février 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du 14 février 2020.
Sur l'arrêté de transfert :
2. En premier lieu, en vertu de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ".
3. Si M. B... verse aux débats en appel un document selon lequel les autorités allemandes ont pris à son encontre une mesure d'éloignement, il est constant, à supposer le document produit authentique, que cette décision qui est intervenue le 28 juillet 2017 n'a pas été mise à exécution, l'intéressé s'étant maintenu en Allemagne plus de deux ans sans être éloigné vers son pays d'origine et ce, avant d'entrer irrégulièrement sur le territoire français le 11 novembre 2019, ainsi qu'indiqué au point 1. Par ailleurs, M. B... dont l'arrêté de transfert a, depuis l'introduction du présent recours, été mis à exécution conserve la possibilité de faire valoir devant les autorités allemandes, dont l'Etat est membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation de violence qui prévaut au Togo. Enfin, si M. B... fait état de la fragilité de son état de santé, les pièces versées en première instance permettant de considérer qu'il souffre d'un état de stress post-traumatique lié à son parcours migratoire, ne sont pas de nature à établir que l'Allemagne ne serait pas en mesure, le cas échéant, de lui faire prodiguer des soins adaptés à sa situation, compte tenu du système sanitaire et des infrastructures et équipements médicaux disponibles dans ce pays. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant de le transférer en Allemagne, plutôt que de l'autoriser à enregistrer sa demande en France, le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, rappelées au point précédent.
4. En second lieu, M. B... qui a, par un jugement du 29 mai 2020, postérieur à l'édiction de l'arrêté contesté, été reconnu victime de violences aggravées et a obtenu la condamnation de ses agresseurs au versement d'une indemnisation, n'avance aucun élément, notamment procédural, qui ferait obstacle, alors qu'il a été renvoyé en Allemagne, à ce qu'il puisse bénéficier effectivement de son droit à indemnisation. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sera, en tout état de cause, écarté.
5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les conclusions dirigées contre l'arrêté décidant de son transfert aux autorités allemandes ne peuvent qu'être rejetées.
Sur l'arrêté portant assignation à résidence :
6. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ". Aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles (...) L. 561-2 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".
7. S'il ressort des pièces du dossier que l'exécution de l'éloignement de M. B... demeurait, à la date de la décision en cause, une perspective raisonnable, ce dernier présentant des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à cette mesure d'éloignement en justifiant d'une résidence effective à Angers, le préfet de Maine-et-Loire ne pouvait cependant, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, lui demander de se présenter chaque matin à 8 heures, sauf les week-ends et jours fériés, à la gendarmerie de Doué-la-Fontaine, distante de plus de quarante kilomètres du centre d'accueil qui l'héberge. M. B... est, par suite, fondé à soutenir que le préfet a, pour ce motif, entaché d'illégalité l'arrêté du 14 février 2020 prononçant son assignation à résidence.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé, dans la seule mesure de ce qui vient d'être dit au point précédent, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2020 l'assignant à résidence.
Sur les conclusions d'injonction :
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a, depuis l'introduction de la présente procédure, été effectivement transféré aux autorités allemandes. Ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2002040 du 26 février 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté d'assignation à résidence.
Article 2 : L'arrêté du 14 février 2020 assignant à résidence M. B... est annulé.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros au conseil de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que le conseil renonce au versement de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
Le rapporteur,
O. C...Le président,
O. GASPON
La greffière
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT01092 2