Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées le 3 mars 2020, le 11 mars 2020 et le 3 juin 2020, M. A..., représenté par Me E... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 octobre 2019 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2019 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 29 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 janvier 2019 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
3. D'autre part, l'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. Pour justifier de son état civil, M. A... a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un jugement supplétif daté du 26 avril 2016 et un extrait du registre d'état civil de la ville de Conakry attestant de la transcription de ce jugement le 8 novembre 2016. Le préfet de la Loire-Atlantique a cependant contesté la valeur probante de ces documents en se fondant sur des éléments d'analyse qui lui ont été communiqués par la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée. Le préfet de la Loire-Atlantique a ainsi relevé le fait que l'acte avait été transcrit le jour de l'audience du jugement, en violation de l'article 601 du code de procédure civile guinéen, que ce jugement a été rendu le jour même de l'introduction de la requête, excluant toute possibilité d'enquête réelle sur les déclarations du requérant, qu'il ne comportait pas les dates et lieux de naissance des parents de l'intéressé, en violation de l'article 175 du code civil guinéen et que l'attaché consulaire auprès de l'ambassade de Guinée à Paris qui a procédé à la légalisation du jugement supplétif et de l'extrait du registre d'état civil n'avait aucune compétence pour ce faire. Le préfet de la Loire-Atlantique produit un courriel d'un agent de la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée qui confirme le fait que les actes produits par l'intéressé sont apocryphes. S'agissant de la carte consulaire de M. A..., celle-ci, qui a pour seule vocation d'établir la preuve de résidence à l'étranger d'un ressortissant, ne saurait permettre de justifier de l'identité de l'intéressé. S'agissant du passeport, ce document, qui ne constitue pas un acte d'état civil, n'est, en l'espèce, pas de nature à justifier de son identité dès lors qu'établi le 23 août 2017, il a pu l'être sur le fondement d'actes d'état civil viciés. Enfin, le préfet de la Loire-Atlantique produit un rapport de mission en Guinée de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile qui mentionne le fait qu'il est possible d'obtenir facilement un jugement supplétif mentionnant n'importe quelle date de naissance, et ce pour moins d'un euro. Enfin, M. A... n'a apporté aucune justification sur les raisons pour lesquelles il a été contraint de solliciter un jugement supplétif pour justifier de son identité. Dans ces conditions, et alors qu'il existe un contexte de fraude massive à l'état civil en Guinée visant à l'obtention du statut de mineur non accompagné en France, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement se fonder sur l'existence de manoeuvres frauduleuses en vue d'obtenir un droit au séjour pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés de la méconnaissance, par la décision portant refus de titre de séjour, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le certificat de décès du père de M. A... n'est pas de nature à infirmer l'appréciation portée par le tribunal administratif sur ces moyens auxquels il a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
6. En troisième lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
7. Il résulte de tout ce qui précède M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. BatailleLe rapporteur,
H. B...Le président,
F. BatailleLe greffier,
P. Chaveroux
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
4
No 20NT00827