Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mars 2020, M. D... A..., représenté par Me E... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 octobre 2019 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2019 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de le munir, sans délai, d'un récépissé valant autorisation de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 30 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2019 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
3. D'autre part, l'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. Pour justifier de son âge et de son identité, M. A... a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un jugement supplétif ainsi que sa transcription dans les registres d'état civil de la commune. Le préfet de la Loire-Atlantique a cependant contesté la valeur probante de ces documents en se fondant sur des éléments d'analyse qui lui ont été communiqués par la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée. Le préfet de la Loire-Atlantique a ainsi relevé le fait que l'acte avait été transcrit deux jours après l'audience du jugement, en violation de l'article 601 du code de procédure civile guinéen, que cet acte ne comportait pas les dates et lieux de naissance des parents de l'intéressé, en violation de l'article 175 du code civil guinéen, que le jugement a été rendu le jour même de l'introduction de la requête, excluant toute possibilité d'enquête réelle sur les déclarations du requérant et que le juriste du ministère des affaires étrangères guinéen ayant procédé à la légalisation du jugement supplétif et de l'extrait du registre d'état civil n'avait aucune compétence pour ce faire. Si le requérant soutient que les articles précités ne sont pas applicables, il n'est pas établi que les jugements supplétifs relèveraient de la matière gracieuse et que l'article 175 du code civil guinéen n'inclurait pas, s'agissant des mentions relatives aux parents, les actes d'état civil transcrivant un jugement supplétif. De plus, le préfet de la Loire-Atlantique produit un courriel du 18 juillet 2018 d'un agent de la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée qui confirme le fait que les actes produits par l'intéressé sont apocryphes, en raison du non-respect des délais d'appel et de l'absence de mentions obligatoires. S'agissant de la carte consulaire de M. A..., celle-ci, qui a pour seule vocation d'établir la preuve de résidence à l'étranger d'un ressortissant, ne saurait permettre de justifier de l'identité de l'intéressé. Enfin, le préfet de la Loire-Atlantique produit un rapport de mission en Guinée de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile qui mentionne le fait qu'il est possible d'obtenir facilement un jugement supplétif mentionnant n'importe quelle date de naissance, et ce pour moins d'un euro. Si le requérant se prévaut d'une ordonnance du juge des tutelles du tribunal de grande instance de Nantes du 4 octobre 2017, le courriel précité des services de l'ambassade n'avait pu être porté à la connaissance du tribunal de grande instance. Enfin, M. A... n'a apporté aucune justification sur les raisons pour lesquelles il a été contraint de solliciter un jugement supplétif pour justifier de son identité. Dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement se fonder sur le seul motif tiré de ce que M. A... a commis une fraude sur son âge et son identité pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, M. A... se borne à reprendre en appel sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de la méconnaissance, par la décision portant refus de titre de séjour, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
6. En troisième et dernier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de cette annulation, par voie de conséquence, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
P. C...Le président,
F. BatailleLe rapporteur,
H. BrasnuLe président,
F. Bataille
Le greffier,
P. Chaveroux
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 20NT00826