Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2019, M. D... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de la société Coved une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas pris en compte l'ensemble des facteurs fixés par la jurisprudence administrative et la circulaire DGT 07/2012 du 30 juillet 2012 pour apprécier la faute dès lors qu'ils se sont bornés à constater qu'il n'avait pas respecté les règles et n'ont pas recherché si cette faute était d'une particulière gravité ;
- les premiers juges n'ont pas correctement apprécié les faits dès lors que la société Coved ne respecte pas ses obligations en matière de formation et d'information à la sécurité et que le règlement intérieur de la société Coved n'interdit pas la collecte en mode bilatéral ;
- les décisions de l'inspectrice du travail et du ministre du travail ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la gravité de la faute ne peut qu'être atténuée en raison des circonstances tenant au comportement de l'employeur, au contexte de l'entreprise, de sa situation particulière, de l'absence de sanction disciplinaire portant sur le manque de respect des règles de sécurité et du code de la route et de l'absence de préjudice pour la société.
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2020, le ministre du travail demande l'annulation du jugement du 5 décembre 2019 et le rejet de la demande formée par la société Coved.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
La clôture de l'instruction a été fixée au 23 novembre 2020 par ordonnance du même jour.
Par un mémoire, enregistré le 25 janvier 2021, M. C... conclut à ce qu'il soit donné acte de son désistement d'instance et d'action.
Par un mémoire, enregistré le 25 janvier 2021, la société Coved, représentée par Me A... de la Naulte, demande qu'il soit pris acte du désistement d'instance et d'action de M. C... et conclut au rejet de ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Coved a sollicité, le 19 mars 2018, l'autorisation de licencier M. C..., employé depuis le 1er janvier 2016 occupant des fonctions de chauffeur poids lourd de collecte de déchets et conseiller du salarié depuis le 1er janvier 2018. Par décision du 7 mai 2018, l'inspectrice du travail de l'unité départementale du Calvados de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie a refusé d'autoriser ce licenciement au motif que les faits reprochés n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement dès lors que l'employeur ne peut justifier avoir pleinement rempli ses obligations en matière de formation et d'information à la sécurité. Saisi d'un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision, le ministre du travail l'a implicite rejeté. La société Coved a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen l'annulation de ces deux décisions. Ce tribunal a fait droit à la demande de la société par un jugement du 5 décembre 2019. M. C... et le ministre du travail ont relevé appel de ce jugement.
Sur le désistement de M. C... :
2. Par un mémoire, enregistré le 25 janvier 2021, M. C... se désiste de son appel dirigé contre le jugement du 5 décembre 2019. Ce désistement étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur la requête du ministre du travail :
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsqu'il est envisagé, leur licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. Il ressort des pièces du dossier que, le 29 janvier 2018, le chef de centre et le chef d'exploitation du site de Giberville ont constaté, vers 5h30, que le camion de collecte de déchets que M. C... conduisait était stationné à l'entrée de la commune de Saint-Aubin-sur-Mer sur le côté gauche de la route en contresens tandis que les équipiers de collecte procédaient à une collecte en bilatérale sur la voie à double sens et qu'il a ensuite poursuivi sa route sur la voie de gauche en contresens avant de s'immobiliser en diagonale au croisement de cette voie avec une impasse, dans laquelle il a ensuite tourné. Alors que la société Coved sollicitait l'autorisation de licencier M. C... pour ces agissements en tant qu'ils méconnaissent le code de la route et l'interdiction de la collecte bilatérale des déchets, l'administration a rejeté sa demande au motif que, si les faits reprochés sont établis, ils ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement dès lors que l'employeur ne peut justifier avoir pleinement rempli ses obligations en matière de formation et d'information à la sécurité.
4. D'une part, ces faits de stationnement et conduite à gauche sur une voie à double sens sont constitutifs d'un manquement aux règles du code de la route, notamment par méconnaissance de ses articles R. 417-1, en vertu duquel l'arrêt ou le stationnement doit être effectué sur le côté droit de la chaussée pour les chaussées à double sens, et R. 412-9, en vertu duquel le conducteur doit maintenir son véhicule près du bord droit de la chaussée en marche normale. M. C..., qui est titulaire du permis de conduire et a suivi une formation de cinq jours en avril 2016 relative au transport de marchandises, comportant notamment un rappel des principales règles de sécurité routière, ne pouvait ignorer ces règles ni ignorer qu'en qualité de conducteur au sein de la société Coved, il devait respecter le code de la route ainsi que le prévoient les points 3.2 et 4.5 du règlement intérieur de la société qui lui a été remis lors de son embauche le 1er janvier 2016.
5. D'autre part, ces faits méconnaissent également l'interdiction de pratiquer la collecte bilatérale sur une route en double-sens. Si cette interdiction n'est pas mentionnée dans le règlement intérieur de la société et si l'inspectrice du travail a relevé que de nombreux salariés témoignaient du fait que les formations annuelles sur la sécurité sont dispensées sur une durée de quinze minutes, que la fiche de prévention sur la collecte bilatérale n'a pas été affichée sur le panneau du dépôt de Giberville avant février 2018 et que les consignes verbales ne sont régulières que depuis cette date, il ressort toutefois de la fiche signée le 15 novembre 2017 par M. C... que l'intéressé a suivi, à cette date, une formation, d'une durée de deux heures, au cours de laquelle la fiche de prévention des risques en cas de collecte bilatérale lui a été remise et au cours de laquelle il a été interrogé sur l'item 9 du " quizz " portant sur la seule exception à l'interdiction de la collecte bilatérale. La société Coved a également fait état de ce que le responsable hiérarchique de M. C... avait également procédé à un rappel verbal de cette interdiction le 21 novembre 2017. Par suite, M. C..., qui était coutumier de la tournée qu'il effectuait le 29 janvier 2018, ne pouvait, même en l'absence de plan de tournée, ignorer, en raison d'un défaut ou d'insuffisance de formation et d'information, que la collecte bilatérale ne pouvait être effectuée à l'entrée de la commune de Saint-Aubin-sur-Mer dès lors que la chaussée est à double sens.
6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que l'inspectrice du travail a commis une erreur d'appréciation en estimant que les carences de la société Coved en matière de formation et d'information à la sécurité faisaient obstacle à ce que les faits reprochés à M. C... soient regardés comme d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de son appel, le ministre du travail n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen, qui n'a pas méconnu son office dès lors qu'il lui appartenait seulement en qualité de juge de l'excès de pouvoir de se prononcer sur la régularité et le bien-fondé des décisions de l'inspecteur du travail et du ministre refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, a annulé les décisions contestées.
DECIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. C....
Article 2 : La requête du ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société Coved.
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021
Le rapporteur,
F. E...Le président,
O. GASPON
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 19NT04966 2
1