Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 février 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités portugaises, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier, renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté de transfert :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté attaqué ne portait atteinte ni aux dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ni à celles de l'article 3-2 dudit règlement :
sa prise en charge humaine et matérielle a été déficiente, souffrant de diabète, il n'a été orienté vers aucun médecin et la structure d'accueil lui a indiqué qu'aucune aide financière ne lui serait versée pour financer son traitement.
il parle couramment le français et non le portugais, ce qui démontre la nécessité de le maintenir sur le territoire français afin qu'il enregistre sa demande d'asile.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
- il n'est pas justifié dès lors qu'il n'existe aucune perspective raisonnable d'exécution de la mesure de transfert ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de ses problèmes de santé qui l'empêchent de pouvoir se déplacer aussi fréquemment que le prévoit l'arrêté contesté au commissariat d'Angers.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant congolais, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 11 novembre 2019 et a présenté le 16 décembre 2019 une demande d'asile auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire. Les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont révélé que l'intéressé avait sollicité l'asile auprès des autorités portugaises préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France. Les autorités portugaises, saisies le 16 décembre 2019 d'une demande de reprise en charge en application du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013, ont accepté de reprendre en charge le requérant par une décision explicite du 19 décembre 2019. Par deux arrêtés du 24 décembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de M. B... aux autorités portugaises et a prononcé son assignation à résidence sur le territoire du département de Maine-et-Loire pour une durée maximale de 45 jours renouvelable trois fois. Par sa requête visée ci-dessus, M. B... relève appel du jugement du 29 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 24 décembre 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'arrêté de transfert :
2. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ". Aux termes de l'article 17, paragraphe 1, du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".
3. D'autre part, il résulte de la combinaison des articles précités que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe, dans le 1° de son article 3, qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1° de l'article 17 du règlement, laquelle procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. La faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
4. A supposer que les problèmes de santé allégués par le requérant soient avérés, ce dernier ne produisant aucun certificat médical attestant qu'il souffre de diabète, M. B... n'apporte aucun élément pour étayer ses affirmations selon lesquelles sa prise en charge médicale au Portugal aurait été déficiente. La circonstance que le requérant parle couramment le français et non le portugais, est sans incidence sur la légalité de la décision de transfert en cause. Par suite, le moyen selon lequel la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
5. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° (...) fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ".
6. En premier lieu, il est constant qu'à la date de la mesure d'assignation en cause, M. B... faisait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que son éloignement demeurait une perspective raisonnable.
7. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les problèmes de santé de M. B..., au demeurant non avérés, l'empêcheraient de pouvoir se déplacer au commissariat d'Angers, ville où il est hébergé, pour respecter les prescriptions de l'assignation à résidence en cause, à savoir se présenter tous les mardi, mercredi et jeudi, sauf les week ends et jours fériés, à 08H00, au commissariat de police d'Angers avec ses effets personnels. Par suite, le moyen selon lequel la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
O .GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°20NT00607