Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2019, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier, renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté attaqué ne portait pas atteinte ni aux dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ni à celles de l'article 3-2 dudit règlement ;
- l'Espagne n'est qu'un pays de transit dans lequel elle n'a jamais voulu déposer de demande d'asile, ce qui n'a d'ailleurs pas été fait ;
- l'Espagne n'est pas en capacité d'examiner dans les meilleures conditions sa situation ;
- elle justifie être suivi par le CHU d'Angers pour sa grossesse dont le terme est prévu pour le 25 novembre 2019 et il est inenvisageable, qu'elle puisse être expulsée par avion, par bus ou par train vers l'Espagne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2019, le préfet de
Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu le jugement attaqué ;
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante guinéenne, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 26 janvier 2019 et a présenté le 5 avril 2019 une demande en préfecture de
Maine-et-Loire tendant à se voir reconnaître la qualité de réfugiée. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que les empreintes digitales de l'intéressée ont été prises le 18 mars 2019 en Espagne dans le cadre d'un contrôle du franchissement irrégulier des frontières espagnoles. Les autorités espagnoles, saisies le 8 avril 2019 par le préfet de Maine-et-Loire d'une demande de prise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 13-1 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013, ont explicitement accepté leur responsabilité le 24 mai 2019. Par un arrêté du 7 juin 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé la remise de l'intéressée aux autorités espagnoles. Saisi par Mme C... d'une demande d'annulation de cette décision, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du
26 juin 2013 visé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ".
3. Mme C... ne démontre pas qu'elle serait personnellement exposée en Espagne à des risques de traitements inhumains ou dégradants, en cas de prise en charge dans ce pays, alors que l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie, tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requérante ne produit aucun élément pour établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers l'Espagne serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile du fait de l'existence de défaillances systémiques de ce pays dans l'accueil des demandeurs d'asile. La circonstance que Mme C... ait plus d'affinités avec la France qu'avec l'Espagne qu'elle considère comme un simple pays de transit, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse ferait obstacle à ce que sa demande d'asile soit traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Ainsi, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision en cause, des dispositions de l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
4. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".
5. L'état de grossesse de l'intéressée et son suivi par le CHU d'Angers, attestés par un certificat médical du 15 juillet 2019, ne sont pas, en eux-mêmes, de nature à faire obstacle à son transfert vers l'Espagne, dès lors que Mme C... ne se prévaut d'aucun problème de santé inhérent à sa grossesse qui s'opposerait à son transfert. La requérante ne produit aucune pièce pour étayer ses allégations selon lesquelles un transfert par avion, par bus ou par train vers l'Espagne serait inenvisageable. Ainsi, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision en cause, des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par
Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C... demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de Maine et Loire.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.
Le rapporteur,
F. A... Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
19NT03065 2