Par une requête enregistrée le 1er juillet 2019 et un mémoire enregistré le 3 février 2021, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 27 février 2018 par laquelle le président de l'université de Caen Normandie a refusé son inscription en deuxième année d'études doctorales et lui a notifié son licenciement ;
3°) de mettre à la charge de son conseil le versement d'une somme de 1200 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 27 février 2018 refusant son inscription en deuxième année d'études doctorales a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision prononçant son licenciement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; à partir de décembre 2016, des tensions sont apparues avec les deux co-encadrantes du laboratoire, dont Mme D..., conduisant à un premier arrêt de travail pour " état dépressif " du 24 avril 2017 au 19 mai 2017 qui a été reconduit du 22 mai au 2 juin 2017 ; à son retour, une démarche de médiation a été engagée ; la commission consultative paritaire a, le 8 novembre 2017, rendu un avis pour une modification du co-encadrement de sa thèse par une autre personne que Mme D... ; ces préconisations n'ont jamais été suivies et cette personne, qui avait déjà rencontré des difficultés avec un autre doctorant, est demeurée son référent selon les modalités retenues par l'université ; il a alors proposé de travailler avec quatre autres personnes ; il était en réalité considéré comme un salarié de Labéo dont les intérêts économiques n'étaient peut-être pas compatibles avec le temps de construction d'une thèse ; il a été licencié alors qu'il est un étudiant sérieux dont la compétence universitaire n'a jamais été remise en cause ; son licenciement est motivé par une impossibilité de travailler avec Labéo, co-financeur de la thèse, alors que cette impossibilité n'a jamais été démontrée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2019, et un mémoire enregistré le 17 février 2021, l'université de Caen Normandie, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2009-464 du 23 avril 2009 ;
- l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant l'université de Caen Normandie.
Une note en délibéré, enregistrée le 3 mai 2021, a été produite par l'université de Caen Normandie.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., doctorant contractuel de l'Ecole doctorale normande Biologie intégrative, santé, environnement (EdNBISE) au sein de l'université de Caen Normandie, a conclu, le 17 octobre 2016, un contrat d'engagement avec l'université d'une durée de trois ans, courant jusqu'au 30 septembre 2019, pour la réalisation d'une thèse de troisième cycle en microbiologie. Le contrat prévoyait le financement conjoint par la région Normandie et Labéo, groupement d'intérêt public et laboratoire au sein duquel M. A... travaillait régulièrement. Des difficultés de communication sont apparues dans le cadre de l'exécution de ce contrat avec deux employées de ce laboratoire, en particulier avec la responsable administrative, co-encadrante de la thèse de M. A.... Après l'engagement d'une démarche de médiation concluant à la nécessité de mettre fin au contrat doctoral, la commission administrative paritaire des agents non titulaires de l'université a, le 8 novembre 2017, demandé " que l'université retourne vers l'école doctorale et le laboratoire Labéo, afin de trouver un co-encadrement de la thèse en cours par une autre personne ". De nouvelles modalités de fonctionnement et d'encadrement de la thèse de l'intéressé, qui faisaient de la responsable administrative de Labéo la référente de M. A..., ont été proposées à ce dernier qui les a refusées par courrier du 11 janvier 2018. Après avis de son directeur de thèse et proposition du directeur de l'école doctorale, tous deux défavorables à une inscription en deuxième année de doctorat, et après nouvel avis, le 14 février 2018, de la commission administrative paritaire qui s'est prononcée par 2 voix pour et 2 voix contre le licenciement de M. A..., le président de l'université a notifié à l'intéressé, par une décision du 27 février 2018, que son inscription en doctorat n'était pas renouvelée et qu'il allait être procédé à " son licenciement ".
2. M. A... a, le 27 avril 2018, saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2018 du président de l'université de Caen Normandie. Il relève appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande et maintient ses conclusions dirigées contre cette décision du 27 février 2018.
Sur la légalité de la décision du 27 février 2018 :
3. Aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat : " L'inscription est renouvelée au début de chaque année universitaire par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de l'école doctorale, après avis du directeur de thèse et, à partir de la troisième inscription, du comité de suivi individuel du doctorant. En cas de non-renouvellement envisagé, après avis du directeur de thèse, l'avis motivé est notifié au doctorant par le directeur de l'école doctorale. Un deuxième avis peut être demandé par le doctorant auprès de la commission recherche du conseil académique ou de l'instance qui en tient lieu, dans l'établissement concerné. La décision de non-renouvellement est prise par le chef d'établissement, qui notifie celle-ci au doctorant. ". Et aux termes de l'article 3 du décret du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche : " (...) Si l'inscription en doctorat n'est pas renouvelée, il est mis fin de plein droit au contrat de doctorant contractuel au terme de la première ou de la deuxième année du contrat, dans les conditions et avec les indemnités prévues aux titres XI et XII du décret du 17 janvier 1986 susvisé ". Il résulte de ces dispositions que, si le président de l'université, chef d'établissement, ne peut autoriser l'inscription d'un étudiant à la préparation du doctorat que sur proposition du directeur de l'école doctorale, après avis du directeur de thèse, il lui appartient, dès lors qu'il est saisi d'une telle proposition, de décider si l'inscription doit être renouvelée.
4. Il ressort des pièces du dossier produit devant le tribunal administratif de Caen que le directeur de thèse de M. A... a, par un courrier du 15 janvier 2018 adressé au directeur de l'école doctorale Normande " Biologie intégrative, Santé, environnement ", donné un avis défavorable au renouvellement de l'inscription de ce dernier en doctorat. Il ressort également des pièces que le directeur de l'école doctorale a, dans un courrier du 17 janvier 2018, indiqué son intention de proposer de ne pas renouveler son inscription en doctorat. Pour fonder la décision contestée du 27 février 2018, le président de l'université de Caen-Normandie, après avoir rappelé les avis et proposition de non renouvellement d'inscription précités puis les suites données à la procédure de médiation initiée au printemps 2017 dans le cadre de la charte du doctorat, en particulier les nouvelles modalités d'encadrement de la thèse qui avaient été proposées à M. A... afin de permettre la poursuite de celle-ci, a indiqué que " l'ensemble de cette procédure et le refus que ce dernier avait exprimé des modalités proposées " le conduisait à refuser sa réinscription en 2ème année d'études doctorales et, que dans ces conditions, il lui notifiait son " licenciement " sur le fondement de l'article 3 du décret susvisé relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d'enseignement supérieur. Ce faisant, le président de l'université de Caen-Normandie, qui a porté, à la suite de la proposition formulée par le directeur de l'école doctorale, une appréciation sur l'ensemble des faits portés à sa connaissance et sur la situation particulière de M. A..., ne s'est pas borné à tirer les conséquences des deux avis défavorables émis par son directeur de thèse et par le directeur de l'école doctorale mais a exercé la compétence qu'il tient de l'article 11 de l'arrêté du 25 mai 2016 précité.
5. Ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le président de l'université de Caen Normandie ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour refuser le renouvellement d'inscription de M. A... en 2ème année d'études doctorales et lui notifier son " licenciement ". Par suite, c'est à tort que, pour rejeter la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2018, le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur ce motif et a écarté, en conséquence, comme inopérants tous les moyens soulevés par celui-ci.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif, de se prononcer sur ces moyens et sur ceux présentés devant la cour.
7. M. A... a soutenu devant les premiers juges que l'avis motivé de son directeur de thèse indiquant les motifs de son avis défavorable au renouvellement litigieux envisagé ne lui a pas été communiqué et ce, en méconnaissance des dispositions de l'article 11 de l'arrêté du 25 mai 2016 citées au point 3. Si l'université de Caen Normandie fait valoir que l'intéressé a été destinataire de la position du directeur de l'école doctorale auquel était joint l'avis du directeur de thèse, elle n'établit pas cependant, par les pièces versées au dossier, avoir procédé à cette communication, laquelle laissait la faculté au doctorant de demander, le cas échéant, un deuxième avis auprès de la commission recherche du conseil académique ou de l'instance qui en tient lieu, dans l'établissement concerné. Le moyen est fondé et la décision contestée du 27 février 2018 est, pour ce motif, entachée d'illégalité, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 27 février 2018 du président de l'université de Caen Normandie.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Caen Normandie une somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que cet établissement demande au même titre.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801000 du 31 décembre 2018 du tribunal administratif de Caen et la décision du 27 février 2018 du président de l'université de Caen Normandie sont annulés.
Article 2 : L'université de Caen Normandie versera à M. A... la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à l'université de Caen Normandie.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.
Le rapporteur
O. COIFFETLe président
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19NT02560 2