Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juin 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au recteur de la région académique Normandie de reconnaître imputable au service les arrêts de travail du 22 juin 2018, du 25 juin au 1er juillet 2018 et du 13 juillet au 13 août 2018 ainsi que du 5 au 13 juillet 2018 et du 13 août 2018 au 14 avril 2019 ou, à titre subsidiaire, de statuer sur l'existence d'un lien direct entre le service et l'accident ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que les décisions étaient entachées d'une erreur de droit dès lors que le recteur n'a pas indiqué dans ses décisions qu'il n'existe pas de lien direct et déterminant entre le service et ses arrêts de travail ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dès lors que les reproches effectués lors de l'entretien du 22 juin 2018 et l'annonce de la fin de la procédure de reclassement sont à l'origine des arrêts de travail.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Après avoir été reconnue inapte à l'exercice de ses fonctions de conseillère principale d'éducation, Mme D..., a, au terme de son congé de longue durée du 27 août 2012 au 26 août 2017, bénéficié d'une période de préparation au reclassement dans le corps des attachés d'administration de l'éducation nationale au sein du lycée Jean-François-Millet de Cherbourg-en-Cotentin. A l'issue d'un entretien qui s'est tenu le 22 juin 2018, par un courrier du 2 juillet 2018, le recteur de l'académie de Caen l'a informée qu'il ne donnait pas suite à sa demande de reclassement. Le 24 juin 2018 et le 6 juillet 2018, Mme D... a déclaré deux accidents de service liés à l'entretien du 22 juin 2018 et à la réception, le 5 juillet 2018, de la décision du 2 juillet 2018. Par deux décisions du 22 mars 2019, le recteur de la région académique Normandie a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de l'intéressée s'échelonnant, pour le premier accident déclaré, du 22 juin 2018, du 25 juin au 1er juillet 2018 et du 13 juillet au 13 août 2018 et, pour le second, du 5 au 13 juillet 2018 et du 13 août 2018 au 14 avril 2019. L'intéressée a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler ces décisions. Elle relève appel du jugement du 2 avril 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 et applicable à la date des décisions en litige : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...). / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...). II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service (...) ".
3. Constitue un accident de service, pour l'application de ces dispositions à la date des faits de l'espèce, tout évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il en est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, sauf si des circonstances particulières ou une faute personnelle du fonctionnaire titulaire ou stagiaire détachent cet événement du service.
4. Il ressort des pièces médicales versées au dossier qu'à la suite de l'entretien du 22 juin 2018 au cours duquel le directeur des ressources humaines de l'académie de Caen a annoncé à Mme D... qu'il était mis fin à sa demande de reclassement dans un corps de la filière administrative dès lors que la confiance entre son employeur et elle était complètement et définitivement rompue et qu'elle devait solliciter une retraite pour invalidité qui, en l'absence de demande, serait instruite d'office, puis à la réception, le 5 juillet 2018, du courrier du même directeur confirmant l'absence de suite donnée à sa demande de reclassement, l'intéressée a été placée en arrêt de travail par son médecin généraliste du 22 juin 2018 au 14 avril 2019 en raison d'un syndrome anxiodépressif réactionnel. La lésion qu'a subie Mme D... résultant de ces évènements, survenus les 22 juin 2018 et 5 juillet 2018 lors du service, est présumée résulter de ces accidents imputables au service, sauf circonstances particulières ou faute personnelle détachant ces accidents du service.
5. Pour rejeter les demandes d'imputabilité au service présentées par la requérante, le recteur de l'académie de Caen s'est fondé sur le fait que les deux déclarations d'accident de service déposées par la requérante sont " une nouvelle illustration " de la propension à la contestation dont Mme D... fait preuve à l'égard de l'administration ainsi que sur l'absence de lien direct et déterminant entre les arrêts de travail et ses conditions de travail dès lors que les arrêts de travail " sont la résultante du positionnement particulièrement délétère et hostile vis-à-vis de son employeur " de l'intéressée. Toutefois, ce motif n'est pas de ceux conduisant légalement à faire perdre aux accidents survenus à l'occasion du service leur qualification d'accident de service. Par suite, Mme D... est fondée à soutenir que le motif qui lui a été opposé est entaché d'erreur de droit et, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 22 mars 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Au regard des pièces médicales versées au dossier, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le recteur de la région académique Normandie reconnaisse imputable au service les arrêts de travail du 22 juin 2018, du 25 juin au 1er juillet 2018 et du 13 juillet au 13 août 2018 ainsi que du 5 au 13 juillet 2018 et du 13 août 2018 au 14 avril 2019. En revanche, il implique que celui-ci procède à un nouvel examen des demandes d'imputabilité au service présentées par Mme D.... Il y a lieu de l'y enjoindre dans un délai de trois mois.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Mme D... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 avril 2020 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : Les décisions du 22 mars 2019, par lesquelles le recteur de la région académique Normandie a rejeté la demande de reconnaissance d'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme D... pour les périodes du 22 juin 2018, du 25 juin au 1er juillet 2018 et du 13 juillet au 13 août 2018, ainsi que du 5 au 13 juillet 2018 et du 13 août 2018 au 14 avril 2019, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au recteur de la région académique Normandie de procéder à un nouvel examen des demandes présentées par Mme D... dans un délai de trois mois.
Article 4 : L'Etat versera, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à Mme D....
Article 5 : Le surplus de la requête de Mme D... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Copie en sera adressée au recteur de la région académique Normandie.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
O. GASPON
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01606 2
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