Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 aout 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juillet 2019 en tant qu'il a refusé de faire droit à sa demande d'annulation de l'arrêté de transfert dont il fait l'objet ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juin 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé dans le délai de quarante-huit heures à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quarante-huit heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier, renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier :
dès lors que la minute du jugement ne comporte pas l'ensemble des signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
le tribunal a omis de statuer sur le moyen opérant tiré de ce que le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision du 17 juin 2019 d'un défaut d'examen de sa situation au regard du risque qu'il encourt d'être renvoyé au Sénégal par les autorités italiennes.
- le jugement attaqué est infondé :
*la décision de transfert méconnait les dispositions l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 faute de communication des brochures d'informations dans une langue comprise, dès sa présentation dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 novembre 2019 et le 29 janvier 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu la lettre du 20 janvier 2020 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en raison de l'expiration du délai de 6 mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013.
Vu les réponses au moyen d'ordre public produites par M. A..., enregistrées le 20 janvier 2020.
Vu la prolongation du délai de transfert de M. A... jusqu'au 16 janvier 2021, en application de l'article 29-2 du règlement Dublin III, l'intéressé ayant pris la fuite
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais, a sollicité l'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 24 mai 2019. A la suite de l'examen du relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté que celles-ci avaient été enregistrées en Italie le 3 avril 2017 et le 3 décembre 2018. Consécutivement à leur saisine par le préfet, les autorités italiennes ont accepté de reprendre en charge M. A.... Le préfet de Maine-et-Loire a alors décidé de remettre le requérant aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence par deux arrêtés en date du 17 juin 2019. Saisi par M. A... d'une demande d'annulation de ces deux arrêtés, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 17 juin 2019 assignant M. A... à résidence en tant qu'il fixe les modalités de présentation de l'intéressé aux autorités de police et a enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de prendre de nouvelles modalités de présentation de l'intéressé ne faisant pas peser sur ce dernier une contrainte excessive. Par sa requête visée ci-dessus, M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juillet 2019 en tant qu'il a refusé de faire droit à sa demande d'annulation de l'arrêté de transfert dont il fait l'objet.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement comporte les signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier sur ce point.
3. En second lieu, il ressort des mentions du jugement attaqué que le tribunal s'est expressément prononcé sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant au refus du préfet de faire usage de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. En relevant qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de M. A..., le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, au regard notamment du risque de renvoi par ricochet au Sénégal par les autorités italiennes, le tribunal s'est implicitement et nécessairement prononcé sur le moyen tiré du défaut d'examen de la situation du requérant au regard de ce risque de renvoi. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 24 mai 2019, date de son entretien à la préfecture de la Loire-Atlantique, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' ", la brochure B intitulée : " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " et le guide du demandeur d'asile en France, en langue française. M. A... a signé sans aucune réserve son résumé d'entretien individuel, le 24 mai 2019, attestant que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis dans une langue qu'il a déclaré comprendre. Il n'a d'ailleurs jamais manifesté la moindre incompréhension à cet égard. L'entretien individuel a en outre été conduit par un agent de la préfecture de la Loire-Atlantique par l'intermédiaire d'un interprète en langue wolof. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n°604-2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juillet 2019 en tant qu'il a refusé de faire droit à sa demande d'annulation de l'arrêté de transfert dont il fait l'objet.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
9. Ces dispositions font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions de la demande présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 janvier 2021.
Le rapporteur,
F. C... Le président,
O. GASPON
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°19NT03397 2