Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mars 2020 et le 12 juin 2020, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 mars 2020 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2019 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant " ou à défaut, le renouvellement du certificat de résidant portant la mention " étudiant " dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions en cause :
- elles ont été prises par une autorité incompétente ;
- elles sont insuffisamment motivées.
Sur le refus de renouvellement du titre de séjour portant la mention " étudiant " :
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'absence de caractère réel et sérieux de sa scolarité.
Sur le refus de délivrance du titre de séjour portant la mention " commerçant " :
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, lorsque le préfet est saisi d'une demande de certificat de résidence en qualité de commerçant, il peut seulement vérifier que l'étranger retire des ressources suffisantes de son activité commerciale.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il a forgé son identité sociale en France en s'impliquant dans ses études, et que la cessation de son activité de gérant au sein de sa société " K. Clean " impliquera de le séparer de ses liens personnels et privés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2020, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, entré régulièrement en France le 30 août 2015 pour y poursuivre des études, a séjourné sur le territoire français sous couvert d'un certificat de résidence portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelé jusqu'au 30 novembre 2018. Le 27 novembre 2018, il a sollicité auprès du préfet du Finistère le renouvellement de son certificat de résidence portant la mention " étudiant " sur le fondement des dispositions du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ainsi qu'un changement de statut et la délivrance d'un certificat de résident portant la mention " commerçant " en application des dispositions des articles 5 et 7 c) du même accord. Par un arrêté du 13 novembre 2019, le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination vers lequel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 4 mars 2020, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions en cause :
2. L'arrêté du 13 novembre 2019 est signé par M. B..., secrétaire général de la préfecture du Finistère. Par un arrêté préfectoral du 12 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, M. B... a reçu délégation du préfet du Finistère en toutes matières, les décisions afférentes à la situation administrative des étrangers ne faisant pas partie de celles expressément exclues de cette délégation. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions en cause doit être rejeté.
3. L'arrêté du 13 novembre 2019 comporte les éléments de fait et de droit qui le fondent. Il vise notamment l'article L.511-1-I-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les éléments essentiels concernant la situation de l'intéressé. Il est par suite suffisamment motivé.
En ce qui concerne le refus de renouvellement du titre de séjour portant la mention " étudiant " :
4. Aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de pré-inscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention " étudiant " ou " stagiaire ". ". Il résulte de ces stipulations que le renouvellement du titre de séjour d'un ressortissant algérien portant la mention " étudiant " est subordonné, notamment, à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il déclare accomplir.
5. Il n'est pas contesté que M. A... a obtenu un diplôme de licence mention " sciences pour l'ingénieur " à l'université de Bretagne occidentale (UBO) à Brest à la session de l'année 2016. Il a également obtenu deux diplômes de master 1 et de master 2, mention " réseaux et télécommunications " au titre des années universitaires 2016-2017 et 2017-2018. Toutefois, l'administration soutient, sans être contredite, que l'intéressé a produit à l'appui de sa demande un certificat de scolarité pour une réorientation en première année de licence de " langues, littératures et civilisations étrangères et régionales " (LLCER)-parcours anglais au titre de l'année universitaire 2018-2019, que le relevé de notes produit au dossier indique qu'il a obtenu, au premier semestre, des notes de 0 sur 20 et relève plusieurs absences injustifiées. M. A... n'a pas acquis le premier semestre de l'année 2018-2019 pour cause de défaillance. Il n'établit pas davantage avoir acquis cette première année de licence et avoir été admis en deuxième année. Le requérant ne produit aucun élément pour justifier cet échec. En outre, M. A... ne fait valoir aucune inscription au sein d'un cursus d'études supérieures ou dans un établissement d'enseignement ou de formation initiale au titre de l'année 2019-2020. Si l'intéressé produit une convention de formation professionnelle dans le cadre d'un stage de préparation à l'installation, à destination de créateurs ou repreneurs d'entreprises, conclue auprès de la chambre de métiers et de l'artisanat du Finistère le 8 avril 2019, cette inscription à une formation d'une durée de cinq jours organisée par la chambre de commerce et d'industrie ne saurait être regardée comme la délivrance d'un diplôme et ne peut donc être considérée comme une inscription au sein d'un établissement d'enseignement ou de formation professionnelle au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, ces éléments ne sont pas de nature à faire regarder la décision du préfet du Finistère rejetant la demande de renouvellement du titre de séjour de M. A... en qualité d'étudiant, en l'absence de progression et de sérieux des études poursuivies, comme entachée d'une erreur d'appréciation[GO1].
En ce qui concerne le refus de délivrance du titre de séjour portant la mention " commerçant " :
6. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes du c) de l'article 7 du même accord : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ".
7. M. A... justifie avoir été nommé président d'une société par actions simplifiées unipersonnelle " K. Clean " par l'assemblée générale ordinaire le 14 mai 2019. Il produit en ce sens un budget prévisionnel de cette société des années 2019 à 2021 ainsi que les statuts établis et signés le 14 mai 2019. Toutefois, il est constant que le requérant n'a pas fourni toutes les pièces nécessaires pour solliciter un certificat de résidence portant la mention " commerçant " en application des dispositions des articles 5 et 7 c) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, notamment une inscription au registre du commerce. Le requérant ne saurait utilement soutenir que le préfet ne peut uniquement vérifier, dans le cadre de son contrôle, qu'il serait susceptible de retirer des ressources suffisantes de son activité commerciale, dès lors que la demande du requérant est une première demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 5 de l'accord franco-algérien précité, M. A... ayant sollicité le 27 novembre 2018 un changement de statut pour se voir délivrer un premier certificat de résident portant la mention " commerçant ". Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision[GO2] du préfet du Finistère rejetant sa demande de délivrance du titre de séjour portant la mention " commerçant " serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation[P3].
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'obligation de quitter le territoire attaquée, M. A..., âgé de 26 ans, est né, a grandi et a vécu hors du territoire national jusqu'à son arrivée en France le 30 août 2015, où il ne séjourne que depuis quatre ans en qualité d'étudiant. M. A... ne fait état que de la présence d'un cousin en France et n'établit pas en outre qu'il ne disposerait pas d'attaches familiales dans son pays d'origine. Les différents éléments produits ne sont pas de nature à prouver que l'intéressé a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision en cause n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet du Finistère n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de[GO4] l'arrêté du 13 novembre 2019 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination vers lequel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles relatives aux frais liés au litige, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er: La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 janvier 2021.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
O. GASPON
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
[GO1]On ne fait plus de contrôle normal sur le sérieux '
FP : contrôle normal à priori - Voir CAA de Paris n° 19PA02909
[GO2]Le jugement attaqué '
[P3]Contrôle restreint à priori sur ce point Voir CAA Paris N° 20PA01490
[GO4]Idem : n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué... ( ')
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N°20NT01129