Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2018, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 10 janvier 2018 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 10 août 2017.
Elle soutient que :
- sur la régularité de l'ordonnance attaquée, le tribunal ne pouvait opposer à la présentation des pièces jointes à sa demande introductive d'instance, à peine d'irrecevabilité, les conditions d'indexation prévues aux articles R 414-3 du code de justice administrative. L'obligation de répertorier les pièces par des signets sous peine d'irrecevabilité, qui ressort des dispositions de l'article R 414-3 du code de justice administrative est manifestement illégale comme contrevenant au droit au procès équitable au sens du point 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ainsi qu'à l'égalité devant la Justice. En effet ces dispositions instituent une différence de traitement dès lors que leur application entraîne pour le requérant l'irrecevabilité de la requête, alors qu'elle n'entraîne à l'égard du défendeur que la mise à l'écart des écritures correspondantes, en application de l'article R 611-8-2 du code de justice administrative.
- sur la légalité de la décision du de l'inspecteur du travail du 10 août 2017
. l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n° 2, n'était pas compétent dès lors que la décision en litige, qui produit ses effets sur l'ensemble du territoire de la Vendée, aurait dû être prise par le directeur départemental du travail ;
. les éléments contrôlés par l'inspecteur du travail, qui ne rendent pas compte de la situation de l'entreprise, ne peuvent justifier une décision générale pour l'ensemble des salariés de la Vendée ;
. les relevés de connexion et déconnexion ne permettent pas de démontrer que l'horaire de travail ne serait pas conforme à l'horaire collectif ;
. en tout état de cause l'inspectrice du travail ne peut exiger de l'entreprise la réalisation d'un relevé qui existe d'ores et déjà sans avoir au préalable analysé les documents de l'entreprise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2018 la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable ainsi que l'a apprécié le premier juge ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée.
Considérant ce qui suit :
Les faits, la procédure :
1. Par demande enregistrée le 16 octobre 2017 auprès du tribunal administratif de Nantes la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée a demandé l'annulation de la décision du 10 août 2017 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n°2 de Vendée lui avait fait obligation d'assurer l'enregistrement, chaque jour, sur un document prévu à cet effet ou sur un support informatique, des heures de début et de fin de chaque période de travail, pour chaque salarié affecté dans l'ensemble des agences et établissements de la caisse de Crédit Agricole Mutuel Loire-Atlantique Vendée du département de la Vendée, ainsi que pour les salariés itinérants.
2. La Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée relève appel de l'ordonnance du 10 janvier 2018 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande pour irrecevabilité, au motif de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Sur la portée des obligations résultant de l'article R. 414-3 du code de justice administrative :
3. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. (...) ". L'article R. 414-1 du même code dispose : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant. (...) ". Enfin aux termes des dispositions de l'article R. 414-3 du même code, dans leur rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1 et R. 412-2, les requérants sont dispensés de produire des copies de leur requête et des pièces qui sont jointes à celle-ci et à leurs mémoires. / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. / Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d'effet, de voir ses écritures écartées des débats. / Si les caractéristiques de certaines pièces font obstacle à leur communication par voie électronique, ces pièces sont transmises sur support papier, dans les conditions prévues par l'article R. 412-2. L'inventaire des pièces transmis par voie électronique en fait mention ".
4. Ces dispositions organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé. Cet inventaire doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite.
5. Ces dispositions imposent également, eu égard à la finalité mentionnée au point 4, de désigner chaque pièce dans l'application Télérecours au moins par le numéro d'ordre qui lui est attribué par l'inventaire détaillé, que ce soit dans l'intitulé du signet la répertoriant dans le cas de son intégration dans un fichier unique global comprenant plusieurs pièces ou dans l'intitulé du fichier qui lui est consacré dans le cas où celui-ci ne comprend qu'une seule pièce. Dès lors, la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.
Sur la conventionnalité de l'article R. 414-3 du code de justice administrative :
6. Aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours.".
7. La Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée fait valoir devant la cour que les dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative sont incompatibles avec le droit au procès équitable garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, dès lors que leur méconnaissance entraîne pour le requérant, qui n'est pourtant pas tenu de joindre à sa demande d'autres pièces que la décision attaquée, l'irrecevabilité de la requête, alors qu'à l'égard du défendeur, l'inobservation des modalités d'indexation des pièces jointes n'entraîne pas d'autre conséquence, en application de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, que la mise à l'écart des écritures correspondantes.
8. D'une part les dispositions citées au point 3, relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique, ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions. Elles définissent ainsi un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice.
9. D'autre part, s'agissant de la sanction d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, l'inobservation de ces dispositions n'est susceptible d'entraîner le rejet de la requête qu'après notification à l'auteur du recours d'une invitation à régulariser dans un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours, en application des dispositions précitées de l'article R. 612-1 du code de justice administrative.
10. Ainsi, compte tenu de l'objectif poursuivi par les dispositions ici en cause et des garanties qu'elles prévoient au profit des requérants, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée n'est pas fondée à soutenir que l'obligation d'indexation des pièces jointes, telle qu'elle résulte des dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative, et dont les modalités d'application ont été précisées par la décision du Conseil d'Etat n° 418233 du 5 octobre 2018, méconnaîtraient l'égalité des parties au procès ou le droit au procès équitable, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'application des dispositions de l'article R. 414-3 à la demande de première instance de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée :
11. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée a présenté au tribunal administratif de Nantes une demande dont les pièces jointes n'étaient pas répertoriées par un signet désignant chacune de ces pièces conformément à l'inventaire dressé, dès lors que le mémoire ne présentait que deux signets correspondant à l'ensemble des onze pièces jointes à la demande. En réponse à l'invitation que lui en a été faite par le greffe, aux termes d'une demande qui lui précisait que la requête serait considérée comme irrecevable à défaut de régularisation dans un délai de quinze jours, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée a présenté un nouveau mémoire, enregistré le 2 novembre 2017, matérialisé par un fichier dans lequel l'ensemble des pièces jointes n'était répertorié que par un unique signet correspondant à l'ensemble des onze pièces jointes. Dès lors le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nantes a pu à bon droit considérer qu'à défaut pour l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce de comporter au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé, la demande présentée par la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée devait être rejetée comme manifestement irrecevable en raison du non-respect par son auteur des dispositions du code de justice administrative mentionnées au point 3.
12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance, il y a lieu de rejeter la demande de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01062