Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me Neraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 septembre 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert ;
2°) d'annuler cet arrêté du 16 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- La décision contestée est incompatible avec les mesures sanitaires prises par les autorités françaises et espagnoles ;
- les stipulations de l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 ont été méconnues ; ses empreintes ont été prises sans que lui soit délivré les informations sur la collecte de ses données personnelles ;
- elle n'a reçu les informations prévues à l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 qu'à l'issue de son entretien ;
- il n'est pas établi que les stipulations de l'article 5 du même règlement ont été respectées ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 dès lors qu'elle est une jeune femme isolée victime de violences en Guinée et lors de son parcours migratoire et qu'elle souffre de problèmes de santé ;
- le préfet qui ne disposait d'aucun document médical la concernant n'a pas procédé à un examen correct de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B..., dont le transfert a été exécuté le 14 septembre 2020, ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me Dahani, substituant Me Neraudau, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante guinéenne, relève appel du jugement du 2 septembre 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens invoqués par Mme B..., tirés du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale par le préfet, de la méconnaissance des stipulations de l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 et du non-respect des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, que l'intéressée réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'informations prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vue remettre le 4 mai 2020, soit un mois avant l'entretien individuel dont elle a bénéficié à la préfecture de la Loire-Atlantique, le 4 juin suivant, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue française. L'intéressée a attesté, sur le compte-rendu de l'entretien, que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis dans une langue qu'elle comprenait. Il ressort, en outre, de ce document qu'à cette occasion, elle a pu rappeler les étapes de son parcours migratoire ainsi que les modalités de son arrivée en Espagne et faire état de ses problèmes de santé et de sa situation familiale et a déclaré comprendre la procédure engagée. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
7. Mme B... se borne en appel à soutenir qu'elle est atteinte de paludisme, qu'elle souffre de maux de ventre et de problèmes oculaires sans apporter aucun justificatif médical autre qu'une convocation au centre hospitalier universitaire de Nantes pour une consultation prévue le 18 août 2020. Elle n'établit pas que ces pathologies nécessiteraient une prise en charge ou un traitement médicamenteux faisant obstacle à son transfert vers l'Espagne, pays qui dispose d'un système de soins comparable à celui de la France et où elle a d'ailleurs pu y consulter un médecin dès son arrivée. En outre, la seule circonstance qu'elle est accompagnée de ses seuls enfants, âgées de 7 et 2 ans, ne suffit pas à attester d'une vulnérabilité particulière rendant risqué son transfert en Espagne. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités espagnoles, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. En quatrième lieu, les considérations relatives au contexte de pandémie du fait du virus de la Covid-19 sont, contrairement à ce que soutient Mme B..., sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté mais relèvent de son exécution, le préfet disposant en tout état de cause, selon les cas, d'un délai de six à dix-huit mois pour ce faire. Dans ces conditions, la circonstance que les autorités françaises et espagnoles ont adopté des mesures de confinement et de couvre-feu est sans incidence sur la légalité de l'arrêté portant transfert, alors au surplus que les autorités espagnoles ont explicitement accepté le transfert de l'intéressée le 11 juin 2020.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
10. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme M'Mah Youla B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2021
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03577