Par une requête enregistrée le 10 janvier 2019, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 8 novembre 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 30 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, au préfet du Morbihan de l'admettre au séjour au titre de l'asile à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté portant transfert en Italie est insuffisamment motivé au regard de son état de santé et de ses conditions d'accueil en Italie ; il est insuffisamment motivé en droit ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation et n'a pas tiré les conséquences de son état de santé incompatible avec un transfert en Italie ; il ne s'est pas conformé aux termes de la circulaire du ministre de l'intérieur du 1er avril 2011 ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des stipulations des articles 17 et 3-2 du règlement du 26 juin 2013 ;
- il est contraire aux dispositions des articles 3, 5, 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 10 du règlement du 2 septembre 2003.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2019, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 8 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le préfet du Morbihan a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens tirés de ce que le préfet du Morbihan aurait insuffisamment motivé ses arrêtés, n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. A...et aurait méconnu les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, que le requérant réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
4. Si M. A...fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, les documents qu'il produit à l'appui de ces allégations ne permettent pas d'établir que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie au regard de son état de santé. Si l'intéressé souffre depuis deux ans du genou et notamment d'une chondropathie, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette pathologie aurait des incidences en termes de mobilité et qu'elle nécessiterait un suivi médicamenteux autre que la prise d'antalgiques ou d'anti-inflammatoires. De même, il n'est pas établi que la consultation ophtalmologique dont il fait état aurait révélé un problème de santé nécessitant une intervention chirurgicale. En outre, le requérant n'établit pas que ces pathologies ne pourraient être soignées en Italie et l'empêcheraient d'être transféré vers ce pays. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant sa remise aux autorités italiennes, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté (...) ".
6. Si une mesure d'assignation à résidence de la nature de celle qui a été prise à l'égard du requérant apporte des restrictions à l'exercice de certaines libertés, en particulier la liberté d'aller et venir, elle ne présente pas, compte tenu de sa durée et de ses modalités d'exécution, le caractère d'une mesure privative de liberté au sens de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. A...ne peut utilement se prévaloir de cet article pour contester la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre.
7. En quatrième lieu, M. A...ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui sont applicables aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits ou obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale mais non sur des mesures de police administrative. Par ailleurs, si les stipulations de l'article 13 de cette même convention dispose que " toute personne dont les droits et libertés sont reconnus dans la présente convention a droit à un recours effectif devant une instance nationale ", M. A...a usé de ce droit en présentant son recours devant la juridiction administrative. Il n'est dès lors pas fondé à invoquer la violation de ces stipulations.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 10 du règlement susvisé de la Commission du 2 septembre 2003, relatif au transfert suite à une acceptation implicite : " 1. Lorsque, en vertu de l'article 18, paragraphe 7, ou de l'article 20, paragraphe 1, point c), du règlement (CE) no 343/2003, selon le cas, l'Etat membre requis est réputé avoir acquiescé à une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, il incombe à l'Etat membre requérant d'engager les concertations nécessaires à l'organisation du transfert. 2. Lorsqu'il en est prié par l'Etat membre requérant, l'Etat membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse (...) ". La méconnaissance de l'obligation instituée par le 2 de cet article, qui incombe à l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, en l'espèce les autorités italiennes, est sans incidence sur la légalité de la décision de remise dès lors que cet Etat membre doit être regardé, en vertu du 1 du même article, comme ayant implicitement accepté la demande formulée par les autorités françaises. Le moyen tiré de la violation du 2 de l'article 10 du règlement du 2 septembre 2003 doit dès lors être écarté comme inopérant.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
10. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A...et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00121