Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2015, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1506141 du 4 août 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord
franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié et de l'article 2.3.3 de l'accord cadre du 28 avril 2008 ;
- sa situation relève d'un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il doit bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'une mesure d'éloignement porte atteinte à sa vie privée et familiale ;
- la décision attaquée méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 27 décembre 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
1. Considérant que M. A... est un ressortissant tunisien né le 1er aout 1982 ; que, par un arrêté du 31 juillet 2015, le préfet de Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a fixé le pays de renvoi et l'a placé en rétention administrative ; que M. A... relève régulièrement appel du jugement du 4 août 2015, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2015 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que si M. A... soutient que le jugement attaqué ne fait pas apparaitre les éléments de fait propre à sa situation personnelle, il ressort des motifs du jugement attaqué que le magistrat désigné rappelle la situation personnelle, professionnelle et familiale, de l'intéressé ainsi que sa situation administrative et le déroulement de son interpellation et des entretiens avec les officiers de police judiciaire ainsi que son intervention à l'audience ; que, par suite, le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord
franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié " (...) Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit " ; qu'aux termes de l'article 2 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé à Tunis le 28 avril 2008, et publié par le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 : " 2. 3. 3. Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 de ce même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; qu'indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement ;
4. Considérant que M. A... ne peut utilement invoquer, au soutien de ses conclusions à fin d'annulation, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cet article ne prévoit pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit aux ressortissants étrangers entrant dans son champ d'application ; qu'il ne saurait donc prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur ce fondement ;
5. Considérant, d'une part, que M. A..., qui ne produit que des bulletins de salaire, n'établit pas disposer d'un contrat de travail visé par l'administration, de sorte qu'il ne remplit pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " en vertu des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mai 1988 et de l'article 2.3.3 du protocole susmentionné du 28 avril 2008 ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a été employé, depuis septembre 2011, en qualité de plongeur, puis d'employé polyvalent au sein d'une boulangerie et d'un établissement de restauration rapide et qu'il réside chez sa soeur ; que, par ailleurs, il soutient que son père, malade, aurait besoin de son assistance ; que, toutefois, le requérant ne démontre, par aucun élément de fait cohérent et crédible ou aucun document précis, le caractère indispensable de sa présence auprès de sa soeur et de son père ; qu'il ne justifie, au surplus et d'ailleurs, pas de la situation administrative de son père et de l'état de santé de ce dernier ; qu'en outre, il est célibataire sans enfants et il est arrivé en France à l'âge de 29 ans, ne fait valoir aucune autre forme d'intégration sur le territoire et n'a jamais cherché à régulariser sa situation ; que, par suite, M. A... ne saurait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté attaqué n'a pas ainsi porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetée ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 23 février 2016.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
J. KRULIC
Le greffier,
C. RENE-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03711