Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 13 mai 2016 et le 13 juillet 2016, M. A..., représenté par Me Prigent, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1510740/5-1 du 17 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 2015 en tant que le préfet de police l'a licencié pour insuffisance professionnelle ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de le titulariser, ou, à défaut, de statuer à nouveau sur sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la légalité externe :
- ledit jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le rapporteur public avait également exercé les fonctions de juge des référés et avait à cette occasion motivé son ordonnance en indiquant que faute pour M. A... d'avoir informé sa hiérarchie sur son handicap, le moyen tiré de la discrimination dont il avait fait l'objet ne pouvait qu'être écarté, ces motifs révélant un pré jugement de l'affaire sur le fond qui faisait obstacle à ce qu'il occupe les fonctions de rapporteur public ;
Sur la légalité interne :
- c'est au prix d'une erreur de droit que le tribunal s'est fondé sur la circonstance que la préfecture de police n'ayant été avertie que le 9 janvier 2015 de son handicap, elle n'avait pas à en tenir compte dans sa décision postérieure du 27 mai 2015 ; en jugeant que " le moyen tiré d'une discrimination en raison de son handicap, alors que l'administration ignorait l'existence de ce handicap, doit de même être écarté " le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ; dans le cadre des épreuves de ce concours, il a bénéficié d'un tiers-temps accordé à la suite de l'avis du médecin de la préfecture de police pris sur la base d'une décision de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, dès lors qu'il souffre d'un type d'autisme léger ;
- la décision attaquée est fondée sur des faits matériellement inexacts, et ce alors que la charge de la preuve pèse sur l'administration à qui il appartient d'établir la réalité des critiques qu'elle invoque ; or il a correctement exécuté ses tâches qui consistent essentiellement dans le classement de dossiers ; s'agissant de la numérisation des dossiers qui lui a été confiée à compter du 20 octobre 2014, le rapport final sur sa manière de servir a relevé que " M. A... accomplissait normalement cette tâche " ; s'agissant de la préparation des listes aucune critique ne lui a jamais été faite sur la qualité du travail accompli ; la prolongation de stage a duré 9 mois, et pendant 7,5 mois, soit à partir du moment où les erreurs de classement lui ont été signalées, il a réalisé l'ensemble des tâches qui lui étaient confiées de façon satisfaisante ; c'est à tort que l'administration allègue qu'il a une productivité insuffisante par rapport aux autres agents ; s'agissant de ses difficultés relationnelles son handicap psychomoteur affecte dans une certaine mesure ses relations interpersonnelles dans la mesure où il ne sait pas forcément comment entrer en relation avec ses collègues ou comment réagir ce qui ne signifie pas qu'il ne respecte pas ses collègues ou n'exécute pas les ordres de sa hiérarchie, et ne saurait établir une insuffisance professionnelle ; son supposé manque d'implication est contradictoire avec les évaluations antérieures à l'entretien du 9 janvier 2015 faisant état de sa bonne volonté ;
- la décision attaquée est illégale en ce qu'elle est constitutive d'une discrimination en raison de son handicap en méconnaissance des dispositions de l'article 6 sexies du titre I du statut général des fonctionnaires et la décision prise à la fin d'un stage ne doit pas être empreinte de discrimination sauf à méconnaître la directive 2000-78 du 27 novembre 2000 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ; c'est à partir du moment où il a fait état de son handicap qu'il a fait l'objet d'un acharnement destiné à éviter sa titularisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 décembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai,
- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,
- et les observations de Me Prigent, avocat de M. A....
1. Considérant que M. A... a été admis au concours externe d'adjoint administratif de 1ère classe de la préfecture de police au titre de l'année 2013 ; qu'il a été affecté en qualité de fonctionnaire stagiaire au 6ème bureau de la direction de la police générale à compter du 1er septembre 2013 ; qu'il a fait l'objet d'une première prolongation de stage pour une durée de six mois à compter du 1er septembre 2014, puis d'une nouvelle prolongation de stage pour une durée de trois mois à compter du 1er mars 2015 ; que M. A... a été affecté à compter du 1er septembre 2014 au 9ème bureau de la direction de la police générale ; que, le 17 avril 2015, la commission administrative paritaire a émis un avis favorable à la proposition de l'administration de refus de titularisation de l'intéressé ; que, par arrêté du 27 mai 2015, le préfet de police a mis fin au stage de M. A... pour insuffisance professionnelle ; que par jugement n° 1510740/5-1 du 17 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressé d'annulation de cet arrêté ; que, par la présente requête M. A... relève régulièrement appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs (...) prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés [au] 1° (...) de l'article L. 323-3 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 5212-13 du code du travail, qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 323-3 de ce code : " Bénéficient de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 5212-2 : / 1° Les travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles (...) " ; qu'il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
3. Considérant que M. A... soutient que le jugement contesté a considéré à tort que l'arrêté attaqué du 27 mai 2015 mettant fin à son stage pour insuffisance professionnelle n'était pas illégal, alors que cette décision est constitutive d'une discrimination en raison de son handicap en méconnaissance des dispositions susvisées de l'article 6 sexies du titre I du statut général des fonctionnaires ; qu'il fait valoir, en outre, que la décision prise à la fin d'un stage ne doit pas être empreinte de discrimination sauf à méconnaître la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 et qu'à partir du moment où il a fait état de son handicap il a fait l'objet d'un acharnement ayant pour objectif d'éviter sa titularisation ; que dans le cadre des épreuves de ce concours, il a bénéficié d'un tiers-temps accordé à la suite de l'avis du médecin de la préfecture de police pris sur la base d'une décision de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, dès lors qu'il souffre d'un type d'autisme léger ; qu'en effet l'intéressé a été reconnu travailleur handicapé par une décision du 20 novembre 2012 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Paris ; qu'il a informé l'administration de sa qualité de travailleur handicapé au moment de son inscription au concours, à l'appui de sa demande d'un tiers-temps, qui lui a été accordé sur avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police ; qu'il a informé son évaluateur de sa qualité de travailleur handicapé le 9 janvier 2015, soit presque 5 mois avant l'arrêté contesté du 27 mai 2015, alors qu'il avait ensuite confirmé cet état de fait par note adressée le 3 février 2015 au directeur des ressources humaines de la préfecture de police, et qu'il a été reçu par le médecin de prévention le 16 février 2015, la préfecture de police ne pouvant pas ignorer son handicap ; que, de plus, il fait valoir qu'il a correctement exécuté ses tâches qui consistent essentiellement dans le classement de dossiers ; que s'agissant de la numérisation des dossiers qui lui a été confiée à compter du 20 octobre 2014, le rapport final sur sa manière de servir a relevé que " M. A... accomplissait normalement cette tâche " ; que s'agissant de la préparation des listes aucune critique ne lui a jamais été faite sur la qualité du travail accompli ; que la prolongation de stage a duré 9 mois, et pendant 7,5 mois, soit à partir du moment où les erreurs de classement lui ont été signalées, il a réalisé l'ensemble des tâches qui lui étaient confiées de façon satisfaisante ; que si l'administration soutient qu'il a une productivité insuffisante par rapport aux autres agents et a un taux d'erreurs important, en l'absence de référence relative à la productivité des agents de la même catégorie et du même service, elle ne l'établit pas, alors qu'en revanche, l'intéressé produit des documents à l'appui de la quantité et de la qualité de son travail ; que son supposé manque d'implication est, d'ailleurs, contradictoire avec les évaluations antérieures à l'entretien du 9 janvier 2015 faisant état de sa bonne volonté ; que si l'administration reproche à M. A... une inaptitude à travailler en contact avec le public, il est constant que l'intéressé n'était pas affecté sur une tâche directement au contact du public ; que, d'ailleurs, s'agissant de ses difficultés relationnelles son handicap psychomoteur affecte ses relations interpersonnelles dans la mesure où il ne sait pas forcément comment entrer en relation avec ses collègues ou comment réagir ce qui ne signifie pas qu'il ne respecte pas ses collègues ou n'exécute pas les ordres de sa hiérarchie, et ne saurait établir une insuffisance professionnelle ; qu'il ressort, ainsi, des pièces du dossier que le manque de réactivité et les difficultés relationnelles reprochées à M. A... résultent directement de la pathologie dont il souffre, pour laquelle il a été reconnu travailleur handicapé, et dont l'administration était informée ; que, par suite, le moyen de M. A... tiré d'une discrimination en raison de son handicap, doit être accueilli ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué du Tribunal administratif de Paris ayant rejeté la demande de M. A..., d'annuler l'arrêté du 27 mai 2015 en tant que le préfet de police l'a licencié pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre au préfet de police de statuer à nouveau sur sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin à ce stade d'assortir cette injonction d'une astreinte, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1510740/5-1 du 17 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 27 mai 2015 du préfet de police est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de statuer à nouveau sur la situation de M. A... et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Une somme de 3 000 euros est mise à la charge de l'Etat à verser à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au préfet de police. Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
M. Legeai, premier conseiller,
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
A. LEGEAI
Le président,
J. KRULIC
Le greffier,
C. RENE-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
N° 16PA01628