Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 mai et 16 novembre 2015, la société des Galeries Lafayette, représentée par Me Guillot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 26 mars 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2013 du maire de Paris et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 22 janvier 2014 contre cet arrêté.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché de plusieurs erreurs de droit ;
- l'arrêté du 25 novembre 2013 est insuffisamment motivé en méconnaissance des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- il a été pris à la suite d'une procédure irrégulière, dans la mesure où il n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire en méconnaissance de l'article 24 de la loi du
12 avril 2000 ;
- il a méconnu l'article E 1.3 du règlement local de la publicité, des enseignes et pré-enseignes, dès lors qu'il n'a pas été vérifié que l'enseigne en cause présente un intérêt historique, artistique ou pittoresque, son absence de qualité esthétique, qui n'est au demeurant pas établie, ne pouvant pas lui être opposée.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 8 septembre 2015 et 4 novembre 2016, la ville de Paris, représentée par la SCP Hélène Didier et François Pinet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société des Galeries Lafayette de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nguyên Duy,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de Me Guillot, avocat de la société des Galeries Lafayette, et de
Me Rigaudière, avocat de la ville de Paris.
1. Considérant que, par courrier du 12 août 2013, le maire de Paris a demandé à la société des Galeries Lafayette de déposer l'enseigne lumineuse " Galeries Lafayette ", d'une longueur de 12 mètres et d'une hauteur de 2 mètres, installée au 6ème étage de l'immeuble sis
1, rue Lafayette à Paris, dans un délai d'un mois, au motif que l'enseigne a été maintenue sur site inscrit et en zone de publicité restreinte A au-delà des trois mois suivants la cessation des activités de la société dans cet immeuble, en méconnaissance des dispositions de l'article E1-3 de l'arrêté du 7 juillet 2011 du maire de Paris portant règlement local de la publicité, des enseignes et pré-enseignes ; qu'à la suite du constat du maintien de ce dispositif par procès-verbal dressé le 12 novembre 2013, le maire de Paris a, par arrêté du 25 novembre 2013, mis en demeure la société requérante de supprimer l'enseigne en cause et de remettre les lieux en l'état, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ; que, par courrier du 22 janvier 2014, la société requérante a formé un recours gracieux contre cette mise en demeure ; qu'en l'absence de réponse à ce recours, la société des Galeries Lafayette a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2013 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; que le tribunal a rejeté cette demande par jugement du 26 mars 2015 contre lequel la société des Galeries Lafayette interjette régulièrement appel ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que, dans l'hypothèse où les premiers juges auraient commis, comme le soutient la requérante, des erreurs de droit susceptibles d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ces erreurs resteraient, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du
25 novembre 2013 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable, doivent être motivées les " décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police " ; qu'en vertu de l'article 3 de la même loi, la motivation doit " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour mettre en demeure la société des Galeries Lafayette de supprimer l'enseigne litigieuse, l'arrêté du 25 novembre 2013 relève que la société a maintenu celle-ci, " malgré la cessation de son activité dans l'immeuble au 1 rue La Fayette à Paris 9ème, en site inscrit, zone de publicité PRA ", alors que l'article E1.3 du règlement municipal de la publicité, des enseignes et préenseignes stipule que " les enseignes doivent être déposées par la personne qui exerçait l'activité signalée et les lieux remis en état dans les trois mois de la cessation de cette activité " ; qu'en plus de viser le chapitre relatif à la publicité, aux enseignes et pré-enseignes du titre VIII du livre V du code de l'environnement et l'arrêté municipal du 7 juillet 2011 portant règlement local de la publicité, des enseignes et des préenseignes, l'arrêté attaqué mentionne la lettre du 12 août 2013 d'avertissement préalable à la mise en demeure, que la société requérante ne conteste pas avoir reçue, ainsi que le procès-verbal d'infraction du 12 novembre 2013 qui était également joint au courrier d'envoi de l'arrêté contesté ; que, dans ces conditions, l'arrêté litigieux doit être regardé comme comportant l'ensemble des circonstances de droit et de fait permettant à la société des Galeries Lafayette de comprendre les motifs de la décision du maire de Paris, quand bien même il ne viserait pas précisément l'article L. 581-27 du code de l'environnement et ne citerait pas dans son intégralité l'article E 1.3 du règlement du 7 juillet 2011 ;
En ce qui concerne le moyen tiré du vice de procédure :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi (...) du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'avant de mettre en demeure la société des Galeries Lafayette de supprimer l'enseigne litigieuse par arrêté du 25 novembre 2013, le maire de Paris lui a adressé un avertissement préalable, par courrier du 12 août 2013 lui indiquant les raisons pour lesquelles l'enseigne litigieuse était en infraction avec l'article E 1.3 du règlement municipal de la publicité, des enseignes et préenseignes, lui demandant de déposer le dispositif dans un délai d'un mois à compter de la réception et précisant que, passé ce délai, des poursuites administratives et pénales pourraient être engagées à son encontre ; que l'arrêté de mise en demeure attaqué a été édicté par le maire de Paris le 25 novembre 2013 après que, le 12 novembre 2013, un procès-verbal d'infraction constatant l'absence de dépose de l'enseigne litigieuse eut été dressé par un agent de la ville de Paris ; qu'ainsi, la société requérante, contrairement à ce qu'elle soutient, a été informée, plus de trois mois avant l'édiction de l'arrêté du 25 novembre 2013, des griefs relevés à son encontre et de la mesure que le maire de Paris envisageait de prendre en conséquence, et a donc bénéficié d'un délai suffisant pour présenter utilement ses observations, les dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'imposant pas à l'administration d'informer l'intéressée de sa faculté de présenter des observations écrites ; que, dès lors, le moyen tiré du non respect de la procédure contradictoire instituée par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être écarté comme manquant en fait, la société requérante ne pouvant sérieusement soutenir que la lettre du 12 août 2013 aurait dû elle-même être précédée d'une procédure contradictoire, ni qu'elle aurait dû être préalablement informée de l'établissement d'un procès-verbal d'infraction ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article E 1-3 de l'arrêté du 7 juillet 2011 :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 581-27 du code de l'environnement : " Dès la constatation d'une publicité, d'une enseigne ou d'une pré-enseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l'infraction ou son amnistie, l'autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou pré-enseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux. Cet arrêté est notifié à la personne qui a apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure la publicité, l'enseigne ou la pré-enseigne irrégulière. Si cette personne n'est pas connue, l'arrêté est notifié à la personne pour le compte de laquelle ces publicités, enseignes ou pré-enseignes ont été réalisées " ; qu'aux termes de l'article E 1-3 de l'arrêté du 7 juillet 2011 du maire de Paris portant règlement municipal de la publicité, des enseignes et pré-enseignes : " Les enseignes doivent être déposées par la personne qui exerçait l'activité signalée et les lieux remis en état dans les trois mois de la cessation de cette activité, sauf lorsqu'elles présentent un intérêt historique, artistique ou pittoresque. " ;
8. Considérant qu'il n'est pas contesté qu'en 1999, la société des Galeries Lafayette a cessé toute activité dans l'immeuble situé 1 rue Lafayette à Paris ; que si la société requérante fait valoir que ce dernier a accueilli le premier magasin ouvert en 1894 par les Galeries Lafayette et a toujours depuis lors été surmonté d'une enseigne au nom de la société éponyme qui participerait à la mise en valeur des lieux et à la notoriété de la capitale, il ressort toutefois des pièces du dossier que le dispositif lumineux installé depuis 1978, d'une facture banale, ne revêt aucune qualité esthétique particulière et n'est pas non plus, contrairement aux enseignes de 1899 ou de 1927, représentatif d'un courant de style, si bien que n'est pas caractérisée l'existence d'un intérêt artistique ou pittoresque justifiant son maintien ; que la circonstance que l'enseigne en cause est établie sur le site historique du grand magasin " Galeries Lafayette " et renforce le " signal " adressé aux visiteurs du " quartier parisien des grands magasins " par l'enseigne installée sur le magasin actuel de la même marque sis à l'angle du boulevard Hausmann et de la rue de la Chaussée d'Antin ne lui confère pas un intérêt historique au sens des mêmes dispositions ; que, par suite, le maire de Paris n'a commis aucune erreur d'appréciation en mettant la société requérante en demeure de déposer ladite enseigne en application des dispositions précitées de l'article E 1.3 de son arrêté du 7 juillet 2011 portant règlement municipal de la publicité, des enseignes et pré-enseignes ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société des Galeries Lafayette n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société des Galeries Lafayette la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la ville de Paris pour sa défense en appel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société des Galeries Lafayette est rejetée.
Article 2 : La société des Galeries Lafayette versera la somme de 2 000 euros à la ville de Paris en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société des Galeries Lafayette et au maire de Paris.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er décembre 2016.
Le rapporteur,
P. NGUYÊN DUY La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 15PA01923