Procédure devant la Cour :
I- Par une requête enregistrée le 15 décembre 2020 sous le n° 20PA03981, M. A..., représenté par Me Béchiau, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 6 juillet 2020 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge du préfet de police la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, le certificat médical du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été communiqué, les seules pièces produites en première instance étant une fiche de salle et un avis du directeur régional chargé du travail concernant une autre personne ainsi qu'un simple bordereau de transmission de l'avis médical qui ne fait figurer ni le sens de cet avis ni les signatures des médecins du collège ;
- elle méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II. Par une requête enregistrée le 28 décembre 2020 sous le n° 20PA04237, M. A..., représenté par Me Béchiau, demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 18 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de mettre à la charge du préfet de police la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.
La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 17 mars 1992, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 juillet 2020, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2011342/1-1 du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M. A... contre cet arrêté. M. A... demande à la Cour l'annulation de ce jugement (requête n° 20PA03981) et à ce qu'il soit sursis à son éxécution (requête
n° 20PA04237).
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 20PA03981 et 20PA04237 concernent le même jugement du tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 20PA03981 :
3. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.
4. Enfin, dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée, et statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.
5. D'une part, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L.313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article
R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
6. D'autre part aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;
c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège.".
7. Pour prendre la décision contestée du 18 novembre 2020, le préfet de police s'est fondé sur un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 4 juin 2020 aux termes duquel il est atteint d'une pathologie susceptible de l'exposer à des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
8. En réponse au moyen soulevé par M. A... et tiré de ce qu'il n'est pas établi que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait été pris selon une procédure régulière, notamment qu'il ne comportait ni les mentions prévues par l'arrêté du 27 décembre 2016 ni les signatures des médecins, le préfet de police n'a produit en première instance, contrairement à ce que relève le jugement, que le bordereau d'envoi par lequel l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a transmis cet avis. Si ce bordereau comporte l'identité du médecin qui l'a examiné ainsi que celles des médecins du collège, il ne comporte ni leur signature ni les mentions prévues par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précité. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que la décision du préfet de police refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière. Ce vice de procédure a privé l'intéressé d'une garantie et, au surplus, a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision du préfet de police.
9. Ce moyen est de nature à entraîner l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours fixant le pays de destination.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées. Par conséquent, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur la requête n° 20PA04237 :
12. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement du 18 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA04237 aux fins de sursis à exécution de ce jugement.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance exposés par M. A....
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur la requête n° 20PA04237 de M. A....
Article 2 : Le jugement n° 2011342/1-1 du 18 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 6 juillet 2020 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. D..., premier vice-président,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2021.
Le rapporteur, Le président,
J.-F. GOBEILL J. D...
La greffière
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 20PA03981, 20PA04237