Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Noirel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur d'appréciation ;
S'agissant de l'interdiction de retour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Renaudin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M B..., ressortissant sri lankais, né en octobre 1991, est entré sur le territoire français en 2013 selon ses déclarations. Il a été interpellé le 6 octobre 2020 lors d'un contrôle de police qui a révélé sa situation irrégulière en France. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... fait appel du jugement du 8 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, (...) à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. ".
3. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne également les éléments de fait relatifs à la situation de M. B... qui motivent l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français, principalement qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et que son admission au séjour en qualité de réfugié a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 janvier 2017. Il indique, en outre, que l'intéressé exerce illégalement une activité non déclarée et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'il est célibataire et sans enfant. Si le requérant fait valoir qu'il n'est pas fait mention de ses attaches familiales, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait fait état de la présence de son père en France antérieurement à l'édiction de l'arrêté contesté. Par suite, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent et est donc suffisamment motivé.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. M. B... se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France, de son insertion professionnelle et de la présence de son père en France avec qui il vit. Toutefois, il est constant que le requérant est célibataire et sans charge de famille. S'il soutient que sa mère est décédée et qu'il est dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, il n'apporte aucun élément tendant à le démontrer, et il est constant qu'il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 22 ans dans son pays. M. B... ne justifie pas de l'intensité de sa vie sociale en France. La circonstance qu'il travaille en qualité de cuisinier depuis mars 2019, soit depuis seulement un an et demi à la date de l'arrêté contesté, ne suffit pas à démontrer une intégration particulière. Par suite, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".
7. M. B... soutient que le risque de soustraction à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ne saurait être caractérisé dès lors qu'il dispose d'un passeport, d'un contrat de travail, d'une adresse et qu'il ne s'est jamais soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Toutefois, si l'intéressé produit pour la première fois en appel son passeport, il ressort du procès-verbal de son audition par les services de police le 6 octobre 2020 qu'il n'était pas en possession d'une pièce d'identité ou de voyage en cours de validité. Il ressort également de ce procès-verbal qu'il a déclaré vouloir se maintenir sur le territoire français. M. B... pouvait donc être regardé comme risquant de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français en application des dispositions des f) et h) précités du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet s'est fondé pour prendre sa décision de n'accorder aucun délai de départ volontaire. Si par ailleurs, le préfet a également retenu que M. B... s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement, mais ne l'établit pas par les pièces versées au dossier, alors que cette circonstance est contestée par l'intéressé, en tout état de cause, il aurait pris la même décision en se fondant sur les deux motifs invoqués précédemment. Par suite, en lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a ni méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, nonobstant la circonstance que ce dernier justifierait, comme il le soutient, d'une adresse stable depuis plusieurs années.
8. En second lieu, eu égard à la situation privée et familiale du requérant rappelée au point 5, la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. En premier lieu, l'interdiction de retour mentionne le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel elle se fonde, et fait état de la situation personnelle et familiale de l'intéressé, de la durée de son séjour en France et de la circonstance qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement. L'interdiction de retour est ainsi suffisamment motivée.
11. En deuxième lieu, les circonstances que M. B... travaille depuis l'année 2019 sous couvert d'un contrat à durée déterminée, qu'il habite chez son père ou qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine, selon ses allégations, ne constituent pas des circonstances humanitaires de nature à faire obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, l'interdiction de retour sur le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni n'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2020. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. C..., premier vice-président,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Renaudin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
J. C...La greffière,
M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA00152 6