Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 janvier 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. D....
Il soutient que :
- sa décision n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D..., ce dernier n'étant pas dans l'impossibilité de poursuivre la prise en charge que nécessite son état de santé dans son pays d'origine ;
- il reprend ses écritures de première instance quant aux autres moyens soulevés par le requérant dans cette instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2021, M. D..., représenté par Me Camus, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mars 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Renaudin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant péruvien, né en octobre 1972, est entré sur le territoire français en 2009 selon ses déclarations. Il s'est vu délivrer le 22 mars 2010, à raison de son état de santé, un titre de séjour régulièrement renouvelé jusqu'au 28 septembre 2013 sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a à nouveau bénéficié d'un titre de séjour sur ce fondement, valable 26 novembre 2015 au 25 novembre 2016, régulièrement renouvelé jusqu'au 11 septembre 2019. M. D... a demandé le renouvellement de ce titre. Par un arrêté du 19 novembre 2019, le préfet de police a refusé ce renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Paris. Par jugement du 22 décembre 2020, dont le préfet de police fait appel, ce tribunal a annulé l'arrêté du 19 novembre 2019 et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :
2. Pour annuler l'arrêté du 19 novembre 2019, les premiers juges ont retenu que le préfet de police avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. D.... Toutefois si l'intéressé fait valoir qu'il est entré en France en 2009, et qu'il est reconnu travailleur handicapé, avec un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, cependant, il n'apporte aucun élément sur ses liens privés et familiaux, ni sur son intégration dans la société française, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, et que, par ailleurs, il n'est pas dépourvu d'attaches au Pérou où résident ses deux filles et où il a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans. Dans ces conditions, le préfet de police, en refusant le renouvellement de son titre de séjour, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
3. Le préfet de police est par conséquent fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision du 19 novembre 2019 au motif d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision attaquée :
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 21 octobre 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier d'un traitement approprié. Toutefois, M. D... produit plusieurs certificats médicaux des années 2014 et 2019, émanant de l'hôpital Bichat à Paris, précisant qu'il y est suivi pour une infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) depuis mai 2009, que son traitement a été modifié à deux reprises, notamment en raison d'intolérances médicamenteuses, et qu'il prend un traitement antirétroviral sous la forme de la spécialité Biktarvy depuis mars 2019. M. D... produit le courrier du praticien qui le suit à l'hôpital Bichat en date du 17 novembre 2020 certifiant le maintien du traitement par Biktarvy pour l'intéressé compte tenu de son adaptation à son état de santé et de son bénéfice. Il produit par ailleurs, sans être contredit par le préfet de police, un courrier du 20 décembre 2019 du laboratoire Gilead indiquant que leur spécialité Biktarvy n'est, à ce jour, pas disponible au Pérou. Le préfet de police n'apporte aucun élément précis au dossier susceptible de démontrer que M. D... pourrait bénéficier au Pérou d'un traitement équivalent à celui du Biktarvy et garantissant à l'intéressé les mêmes conditions de tolérance. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de l'examen de ses demandes de titre de séjour antérieures, le médecin chef du service médical de la préfecture de police, en 2010 comme en 2015, a mentionné que l'intéressé ne pouvait avoir accès dans son pays d'origine à un traitement approprié, la décision attaquée méconnaît l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 novembre 2019 et lui a enjoint de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", conséquence nécessaire du motif d'annulation retenu. Sa requête doit dès lors être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. D..., Me Camus, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés lors de l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera au conseil de M. D..., Me Camus, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... D....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. C..., premier vice-président,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Renaudin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
J. C...La greffière,
M. B...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA00329 5