Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 28 juillet 2020, M. A... C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1900973/6-2 du 14 juin 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du préfet de police du 10 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 2 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil, à condition qu'il renonce à l'indemnité fixée par l'Etat, de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle a été prise en infraction aux dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle aurait dû être précédée de la convocation de la commission du titre de séjour en application des articles L. 312-2 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code précité ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 1er octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les observations de Me Clerc, avocat de M. B....
Une note en délibéré a été présentée le 13 janvier 2021 pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 29 août 2013, le préfet de police a retiré le titre de séjour de M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 2 septembre 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé la décision d'obligation de quitter le territoire et a renvoyé à une formation collégiale pour la décision de retrait. Par un jugement du 21 février 2014, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de retrait de titre de séjour. Le 11 janvier 2017, le préfet de police a refusé d'admettre au séjour M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 10 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de l'intéressé. Par une décision du 10 octobre 2018, le préfet de police a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par un jugement n° 1900973/6-2 du 14 juin 2019, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
2. Pour refuser d'octroyer un titre de séjour à M. B... sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police a relevé, s'agissant de sa situation professionnelle, que le seul fait de disposer d'un contrat de travail ne peut constituer un motif exceptionnel, qu'il ne justifie pas d'une ancienneté de travail et qu'il ne produisait aucun bulletin de salaire, et s'agissant de sa vie privée et familiale, qu'il se déclare célibataire, sans charge de famille en France et non dépourvu d'attaches familiales au Mali où réside sa mère. Dans ces conditions, le préfet de police, qui n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments de la situation de l'intéressé, a suffisamment motivé sa décision.
3. Il ne ressort pas des termes de la décision qu'elle serait entachée d'un défaut d'examen de la situation de M. B....
4. Aux termes de l'article L.114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations ". M. B... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions, dès lors que le préfet de police a rejeté sa demande, non pas en raison de son caractère incomplet, mais du fait qu'il n'établissait pas que sa situation relevait de l'admission exceptionnelle au séjour.
5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
6. Il ressort des pièces du dossier qu'avant de refuser le séjour à M. B... par la décision du 11 janvier 2017, le préfet de police, qui avait considéré qu'il résidait en France habituellement depuis plus de dix ans, avait saisi la commission du titre de séjour qui avait rendu un avis le 26 juin 2016. Dans ces conditions, le réexamen de la situation de M. B... suite à l'annulation de la décision par un jugement du 10 novembre 2017 ne faisait pas obligation au préfet de police de saisir à nouveau cette commission dès lors qu'il s'agissait de la même demande. En tout état de cause, et à supposer même que M. B... ait pu faire état d'un élément nouveau, à savoir la promesse d'embauche dont il était titulaire en février 2018, l'omission de convocation de la commission du titre de séjour n'a privé le requérant d'aucune garantie et n'a pas eu d'influence sur la décision contestée, dès lors que la commission avait déjà relevé qu'il disposait d'une promesse d'embauche du 27 juin 2016 et avait opposé au requérant le caractère récent, et toujours récent à la date de la décision, de la fraude documentaire.
7. Si M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis l'année 2003, qu'il a travaillé entre 2009 et 2013, qu'il dispose d'une promesse d'embauche en qualité de carreleur et que résident en France de nombreux membres de sa famille, dont ses frères et soeurs, ces seules circonstances ne sauraient toutefois constituer des circonstances exceptionnelles ou des motifs humanitaires de nature à entacher la décision attaquée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 précité.
8. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire, sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Mali, où réside sa mère. Dans ces conditions, et quand bien même des membres de sa famille, dont ses frères et soeurs, résident en France, la décision de refus de séjour n'a pas méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11.
10. Il ne ressort pas de ce qui précède que la décision serait grevée d'erreur manifeste d'appréciation.
11. Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ".
12. M. B... ne remplissant pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code, le préfet n'avait pas à consulter la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...)".
14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
15. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse serait entachée, sur ce point, d'une erreur manifeste d'appréciation. Le moyen doit donc être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative ;
- M. E..., premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.
Le Président,
S. DIÉMERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03673