- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- et les observations de Me Untermaier, avocat, de la SAS RES.
Considérant ce qui suit :
1. Le 13 avril 2016, la société SAS RES a déposé auprès des services préfectoraux de Seine-et-Marne une demande d'autorisation unique, en application de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement pour un projet de construction et d'exploitation de six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Choisy-en-Brie. Sa demande, complétée le 20 mai 2016, a été déclarée complète sur la forme par un courrier du
23 mai 2016. Le dossier a ensuite été soumis à une consultation administrative et à une enquête publique, qui s'est tenue du 2 janvier au 1er février 2017. Par un arrêté du 20 avril 2017, le préfet de Seine-et-Marne a sursis à statuer sur la demande de la société requérante pour une période de deux ans, au motif que la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Choisy-en-Brie apparaissait suffisamment avancé pour lui permettre d'apprécier que la réalisation du projet porté par la société requérante aurait été de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme. Le 28 juin 2018, le conseil communautaire de la communauté de communes des Deux Morin a adopté une délibération approuvant plan local d'urbanisme de la commune de Choisy-en-Brie. En se fondant sur l'article A 1 du règlement de ce plan local d'urbanisme, interdisant l'implantation d'éoliennes en zone A, le préfet de Seine-et-Marne a, par un arrêté du 31 juillet 2019, rejeté la demande d'autorisation sollicitée comme non conforme au règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Choisy-en-Brie.
2. La société requérante demande à la Cour, compétente en premier ressort en vertu du 2° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, de prononcer l'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
En ce qui concerne le cadre juridique du litige :
3. D'une part, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / (...) 2° Les demandes d'autorisation au titre (...) de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; (...) ".
4. D'autre part, les dispositions suivantes de de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, sont applicables au présent litige. Son article 1er dispose que : " I. - À titre expérimental, et pour une durée de trois ans, sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, (...) à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement. " Aux termes de son article 2 : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique " dans le présent titre. / Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, (...). " Son article 4 dispose que : " Sous réserve de la présente ordonnance, les projets mentionnés à l'article 1er restent soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du code de l'environnement et, le cas échéant : / (...) / 3° Lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire, aux dispositions du chapitre VI du titre IV du livre Ier, du chapitre Ier, du chapitre II, de la section 1 du chapitre V du titre II et du chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l'urbanisme. " Aux termes enfin de son article 8 : " I. _ Les décisions mentionnées aux articles 2 (...) sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. / (...) ./ II. _ Le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre les décisions mentionnées au I, se prononce au regard des dispositions législatives et réglementaires (...) du code de l'urbanisme, (...) ou du titre Ier du livre IV du code de l'environnement, ou des dispositions prises sur leur fondement, en vigueur à la date des décisions contestées. (...)".
5. Enfin, aux termes de l'article 12 du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " (...) / II. - Le représentant de l'État dans le département peut rejeter la demande pour l'un des motifs suivants : / (...) / 3° Le projet est contraire aux règles qui lui sont applicables. / Ce rejet est motivé. ".
En ce qui concerne l'illégalité par voie d'exception de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Choisy-en-Brie :
6. La société requérante soutient que l'arrêté attaqué est illégal, dès lors qu'il a été pris sur le fondement de la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes des Deux Morin en date du 28 juin 2018 portant révision du plan local d'urbanisme de la commune de Choisy-en-Brie, elle-même illégale, parce que, en premier lieu, le rapport et les conclusions du commissaire-enquêteur sont insuffisantes, notamment par l'absence d'analyse réelle des avis émis par les personnes publiques associées, et méconnaissent ainsi les articles
L. 123-1 et R. 123-19 du code de l'environnement, en deuxième lieu, l'interdiction générale des éoliennes en zones A et N du règlement du plan local d'urbanisme méconnait l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme, cette règle n'ayant été édictée que dans le seul but de s'opposer à un projet déterminé, et n'est pas justifiée par un motif d'urbanisme lié aux nuisances susceptibles d'être générées par l'implantation d'éoliennes et, en troisième lieu, elle est entachée de détournement de procédure, dès lors que la procédure de révision n'a été utilisée qu'à fin de s'opposer à un projet déterminé.
7. En premier lieu, en vertu de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un plan local d'urbanisme peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause, lorsque le vice de forme concerne, notamment, la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique.
8. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. / Le commissaire enquêteur (...) transmet à l'autorité compétente pour organiser l'enquête l'exemplaire du dossier de l'enquête déposé au siège de l'enquête, accompagné du ou des registres et pièces annexées, avec le rapport et les conclusions motivées. (...)". En application de ces dispositions, le commissaire enquêteur, sans être tenu de répondre à chacune des observations recueillies, doit indiquer au moins sommairement et en livrant un avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de son avis.
9. D'une part, et alors qu'aucun texte législatif ou réglementaire non plus qu'aucun principe général du droit n'impose aux commissaires enquêteurs d'analyser ou de donner son avis sur le contenu des avis des personnes publiques associées, le rapport du commissaire enquêteur mentionne expressément, parmi les personnes publiques associées, la mission régionale d'appui à l'autorité environnementale et la commission de l'eau, au titre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux des Deux Morin ; il a ainsi tenu compte après leur analyse des avis émis par ces personnes publiques associées.
10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a consacré huit pages de son rapport à répondre aux trente-neuf observations, qu'il a classées et résumées en sept thèmes, présentées au cours de l'enquête publique. Ces observations ont toutes été examinées par le commissaire enquêteur et portées à la connaissance du président de la communauté de communes dans le procès-verbal de synthèse ; il a, en outre, réservé six pages de son rapport à l'énoncé de ses conclusions et avis dans lesquels, après avoir souligné les particularités du territoire de la commune de Choisy-en-Brie et examiné la compatibilité du projet de plan local d'urbanisme de la commune avec lesdites particularités, il a émis un avis favorable à ce projet assorti d'une recommandation et d'une réserve. À propos de la question des éoliennes, le commissaire enquêteur a rappelé, dans son rapport, que l'implantation d'un parc éolien avait déjà fait l'objet d'une opposition farouche du public eu égard aux effets néfastes prévisibles de ce projet, et a rappelé qu'un avis défavorable avait été émis par la commission d'enquête consacrée à ce sujet.
11. La méconnaissance des dispositions précitées du code de l'environnement n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.
12. En l'espèce, dans la mesure où une enquête publique avait été menée un an auparavant sur le projet de la société requérante, et alors qu'il résulte de l'instruction que l'attention du public lors de la révision du plan local d'urbanisme a porté notamment sur la question de l'implantation d'éoliennes, au regard de la position exprimée par les auteurs du PLU sur cette question, l'éventuelle insuffisance du rapport du commissaire enquêteur quant à son avis personnel sur cette question n'a pas été de nature à exercer une quelconque influence sur la décision prise. En conséquence, le moyen doit être écarté.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. " L'article L. 101-1 de ce code dispose que : " Le territoire français est le patrimoine commun de la Nation. / Les collectivités publiques en sont les gestionnaires et les garantes dans le cadre de leurs compétences. (...) ". L'article L. 101-2 du même code dispose que : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : /
1° L'équilibre entre : / a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; / b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / d) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ; / (...) ; / 2° La qualité urbaine, architecturale et paysagère, notamment des entrées de ville ; / (...) 6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; / (...) ". L'article L. 101-3 de ce code dispose enfin que : " La réglementation de l'urbanisme régit l'utilisation qui est faite du sol, en dehors des productions agricoles, notamment la localisation, la desserte, l'implantation et l'architecture des constructions. / (...) ".
14. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Choisy-en-Brie qui interdisent l'implantation d'installations de production d'énergie éolienne sont de portée générale, dès lors que cette interdiction s'applique tant à la zone A, où elle présentait son projet, qu'à la zone N et que le règlement interdit également pour les zones UA-UB les éoliennes sur mâts " sauf si leurs caractéristiques et leur localisation ne portent pas atteinte aux commodités du voisinage ". Ces dispositions, qui traduisent au demeurant la volonté exprimée par les auteurs du plan d'aménagement et de développement durable de garantir l'intégrité des paysages, au regard notamment des implantations de nature industrielle, n'ont ainsi pas pour objet d'interdire spécifiquement le projet présenté par la société requérante, mais plus généralement tout projet équivalent, comme l'expose d'ailleurs le rapport de présentation du plan local d'urbanisme qui rappelle que la topographie des lieux empêche de masquer à la vue des habitants des installations éoliennes. Il ressort ainsi des pièces du dossier qu'il n'est jamais rentré dans les objectifs des autorités élues de la commune de Choisy-en-Brie de permettre l'installation sur son territoire de quelque projet éolien que ce soit.
15. L'interdiction critiquée se fonde ainsi expressément sur des motifs d'urbanisme, non sérieusement critiqués par la société requérante, et tirés des possibles atteintes, par la présence d'éoliennes, aux aspects visuels et paysagers typiques de la Brie, de l'absence d'intégration harmonieuse aux abords immédiats de la commune, des éventuelles incidences sur les vues directes depuis l'église Saint-Pierre et Saint-Paul, classée monument historique, ainsi que sur les vues plus lointaines depuis Provins, cité médiévale inscrite au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO, et enfin sur la dévaluation des biens immobiliers déjà constatée dans le bourg de la commune. De tels motifs sont de nature à fonder une interdiction d'implantation des éoliennes sur le fondement des dispositions législatives précitées, et notamment des 1° et 2° de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme. Le moyen n'est pas fondé et doit donc être écarté.
16. En troisième lieu, la société requérante soutient que la procédure de révision du plan local d'urbanisme contesté est entachée d'un détournement de procédure, cette révision n'ayant été engagée que dans le but de contrecarrer son projet.
17. Toutefois, la procédure de révision du plan local d'urbanisme de la commune de Choisy-en-Brie a été engagée par délibération du conseil municipal de la commune le 21 novembre 2014, soit bien antérieurement au dépôt, par la société requérante le 13 avril 2016, de la demande d'autorisation unique pour un projet de construction et d'exploitation d'un parc éolien, le moyen tiré du détournement de procédure manque en fait et doit donc être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté préfectoral attaqué serait illégal du fait de l'illégalité affectant la délibération approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Choisy-en-Brie. Ses conclusions d'annulation dudit arrêté doivent donc être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
19. Le rejet des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de la requête tendant au prononcé d'une injonction sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais du litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société S.A.S. RES, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État sur ce fondement doivent donc être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société S.A.S. RES est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société S.A.S. RES et au ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. B..., président-assesseur,
- M. Doré, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2021.
Le président,
J. LAPOUZADE
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03082