Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 octobre 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2013301/8 du 21 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. C....
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a fait droit au moyen selon lequel la Hongrie, et non l'Italie, doit être considérée comme l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. C... ;
- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan né en août 1996, s'est présenté au guichet unique des demandeurs d'asile à Paris le 7 juillet 2020 où il a effectué une demande de protection internationale. La consultation du fichier Eurodac ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités hongroises le 16 juin 2016, par les autorités allemandes le 27 juin 2016 et par les autorités italiennes le 5 et le 26 avril 2017, le préfet de police a saisi les autorités hongroises, les autorités allemandes et les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge le 8 juillet 2020. Les autorités hongroises et les autorités allemandes ont refusé la reprise en charge de M. C..., respectivement le 10 juillet 2020 et le 14 juillet 2020, au motif que les autorités italiennes étaient devenues responsables de la demande d'asile de l'intéressé. Les autorités italiennes ont implicitement accepté la demande de reprise en charge le 23 juillet 2020. Par un arrêté du 19 août 2020, le préfet de police a ordonné le transfert de M. C... vers l'Italie. Par la présente requête, le préfet de police fait appel du jugement du 21 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ". Le chapitre III de ce règlement est intitulé " Critères de détermination de l'Etat responsable ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 18 du même règlement, intégré dans le chapitre V du règlement, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable " : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les critères du chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont susceptibles de fonder une décision de transfert que s'il s'agit d'un transfert en vue d'une première prise en charge, et non en vue d'une reprise en charge. Il en résulte également que l'article 18-1 b) à d) de ce règlement doit être regardé comme figurant au nombre des critères énumérés dans ce règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile auprès d'un ou de plusieurs Etats membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre Etat membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet Etat de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b), c) ou d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, sa situation ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement, qui concernent le cas dans lequel aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du résultat des recherches effectuées par les services du ministre de l'intérieur dans le fichier Eurodac à partir des relevés décadactylaires de M. C..., que celui-ci a déposé le 16 juin 2016 une première demande d'asile auprès des autorités hongroises, puis le 27 juin 2016, une deuxième demande d'asile auprès des autorités allemandes et enfin, le 5 et le 26 avril 2017 deux nouvelles demandes d'asile auprès des autorités italiennes. En ne saisissant ni la Hongrie, ni l'Allemagne d'une requête aux fins de reprises en charge de M. C... mais en décidant d'examiner sa demande d'asile, les autorités italiennes ont reconnu leur responsabilité pour examiner cette demande, mettant ainsi fin au processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande prévu par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces autorités ont de plus implicitement accepté de reprendre en charge M. C... sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 de ce règlement. Par suite, la situation de M. C... ne relève pas des dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 en application desquelles, lorsqu'aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen de cette demande.
6. Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 19 août 2020 au motif que les dispositions du premier alinéa du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 devraient être combinées avec celles du 1 de l'article 18 de ce règlement, de sorte que la Hongrie, et non l'Italie, serait responsable de l'examen de la demande d'asile de M. C....
7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens invoqués par M. C... :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative ".
9. Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardé comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaitre qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
10. La décision de transfert en litige comporte le visa du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers. Elle indique que " il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. C... A... au moyen du système " EURODAC ", effectuée conformément au règlement n° 603/2013 susvisé, que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités italiennes le 5 et le 26 avril 2017, auprès des autorités allemandes le 27 juin 2016 et auprès des autorités hongroises le 16 juin 2016 ". La décision précise que le préfet de police a alors saisi les autorités italiennes le 8 juillet 2020 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18 (1) (d) du règlement n° 604/2013 précité et que celles-ci ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 23 juillet 2020. Ces éléments permettent à l'intéressé de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de police pour déterminer que l'Italie était responsable de l'examen de sa demande d'asile. Elle indique également qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. C..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. C..., l'arrêté du préfet de police ordonnant son transfert aux autorités italiennes n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation, alors même qu'il ne précise pas que les autorités italiennes ont entendu mettre en oeuvre l'article 17 du règlement n° 604/2013 précité.
11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté en cause, que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation de M. C... avant de décider son transfert aux autorités italiennes.
12. En troisième lieu, l'article 4 du règlement n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...).
2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre le 7 juillet 2020 les brochures d'information " A " et " B ", rédigés en langue pachto qu'il a déclaré comprendre et dont les copies versées au dossier comportent sa signature. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 manque en fait et doit être écarté.
14. En quatrième lieu, l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé (...) ".
15. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du résumé de cet entretien, dûment signé par M. C..., que celui-ci a bénéficié d'un entretien individuel le 7 juillet 2020 auprès de la préfecture de police. Cet entretien a été mené par un agent du 12ème bureau de la préfecture de police, identifié par ses initiales, qui doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien conformément aux exigences de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013, alors même que son nom n'est pas précisé dans le résumé d'entretien et que sa signature n'y est pas apposée.
16. En cinquième lieu, d'une part, il résulte de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride que, lorsque l'autorité administrative saisie d'une demande de protection internationale estime, au vu de la consultation du fichier Eurodac prévue par le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac, que l'examen de cette demande ne relève pas de la France, il lui appartient de saisir le ou les États qu'elle estime responsable de cet examen dans un délai maximum de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. À défaut de saisine dans ce délai, la France devient responsable de cette demande. Selon l'article 25 du même règlement, l'État requis dispose, dans cette hypothèse, d'un délai de deux semaines
au-delà duquel, à défaut de réponse explicite à la saisine, il est réputé avoir accepté la reprise en charge du demandeur.
17. D'autre part, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, a notamment créé un réseau de transmissions électroniques entre les États membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande et la Norvège, dénommé " Dublinet ", afin de faciliter les échanges d'information entre les États, en particulier pour le traitement des requêtes de prise en charge ou de reprise en charge des demandeurs d'asile. Selon l'article 19 de ce règlement, chaque État dispose d'un unique " point d'accès national ", responsable pour ce pays du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes et qui délivre un accusé de réception à l'émetteur pour toute transmission entrante. Selon l'article 15 de ce règlement : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Le 2 de l'article 10 du même règlement précise que : " Lorsqu'il en est prié par l'État membre requérant, l'État membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse ".
18. En vertu de ces dispositions, lorsque le préfet est saisi d'une demande d'enregistrement d'une demande d'asile, il lui appartient, s'il estime après consultation du fichier Eurodac que la responsabilité de l'examen de cette demande d'asile incombe à un État membre autre que la France, de saisir la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, qui gère le " point d'accès national " du réseau DubliNet pour la France. Les autorités de l'État regardé comme responsable sont alors saisies par le point d'accès français, qui archive les accusés de réception de ces demandes. Les demandes émanant des préfectures sont, en principe, transmises le jour même aux autorités des autres États membres si elles parviennent avant 16 heures 30 au point d'accès national et le lendemain si elles y parviennent après cette heure. En outre, si les préfectures n'avaient pas directement accès aux accusés de réception archivés par le point d'accès national, elles peuvent désormais y accéder directement.
19. La décision de transfert d'un demandeur d'asile vers l'État membre responsable au vu de la consultation du fichier Eurodac ne peut être prise qu'après l'acceptation de la reprise en charge par l'État requis, saisi dans le délai de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. A cet égard, s'il est nécessaire que les autorités françaises aient effectivement saisi les autorités de l'autre État avant l'expiration de ce délai de deux mois et que les autorités de cet État aient, implicitement ou explicitement, accepté cette demande, la légalité de la décision de transfert prise par le préfet ne dépend pas du point de savoir si les services de la préfecture disposaient matériellement, à la date de la décision du préfet, des pièces justifiant de l'accomplissement de ces démarches.
20. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise alors que l'État requis n'a pas été saisi dans le délai de deux mois ou sans qu'ait été obtenue l'acceptation par cet État de la prise en charge de l'intéressé. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur ce point au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance.
21. Il résulte des dispositions précitées du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau " Dublinet ", par le point d'accès national de l'État requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise en charge est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier " Eurodac " et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'État requis de son acceptation implicite de reprise en charge.
22. Il ressort des pièces produites en première instance que le préfet de police a été informé par un courrier du directeur de l'asile du 7 juillet 2020 que les empreintes de M. C... figuraient dans le fichier Eurodac comme ayant déjà été relevées en Italie le 5 et
le 26 avril 2017. Le préfet de police a également produit devant le tribunal administratif un accusé de réception Dublinet émis par le point d'accès national italien en date du 8 juillet 2020 concernant la demande de reprise en charge de M. C... et comportant le numéro FRDUB29930385388-750 de référence de son dossier " Dublinet ". En outre, a été produit le constat d'accord implicite des autorités italiennes du 23 juillet 2020, qui mentionne également la référence du dossier en France de l'intéressé. Dans ces conditions, le préfet de police établit que les autorités italiennes ont été saisies d'une requête aux fins de reprise en charge de M. C... le 8 juillet 2020, soit dans les délais prévus par l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
23. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ".
24. Si l'Italie est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles une demande d'asile est traitée par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. L'allégation selon laquelle, dans ce pays, les demandes d'asile ne seraient pas traitées actuellement dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, n'est assortie d'aucun élément personnel et concret, le requérant se fondant uniquement sur des rapports d'organisations internationales sans se prévaloir de considérations particulières permettant d'établir que son dossier serait traité par les autorités italiennes d'une manière qui ne répondrait pas à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
25. En septième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
26. Ainsi qu'il a été dit au point 24, M. C... n'établit pas, par la seule référence à des rapports d'organisations internationales, que sa demande d'asile serait traitée par les autorités italiennes d'une manière qui ne répondrait pas à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ou qui l'exposerait à subir des traitements inhumains et dégradants en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le préfet police n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de compétence prévue à l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013, ni méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
27. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 août 2020 et lui a enjoint de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la notification du jugement. La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris doit en conséquence être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2013301/8 du 21 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2021.
Le président,
J. LAPOUZADE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA03043 2