Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement du dossier d'appel enregistré à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 novembre 2017, le 26 octobre 2018 et le 18 décembre 2018, la SCI Les Herbes Roses, représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500925 du 21 juillet 2017 du tribunal administratif de La Réunion en tant qu'il a annulé l'arrêté de permis de construire du 28 août 2015 ;
2°) de mettre à la charge de M. D... et Mme H...-D... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SCI Les Herbes Roses soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 6.2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Louis, compte tenu du statut juridique du chemin des Herbes Roses, qui est un chemin d'exploitation, de l'état de cette voie et du fait que l'alignement doit être fixé non à la limite de l'emprise goudronnée mais, comme du côté opposé, à 2,55 m de l'axe de la voie ;
- la construction respecte les règles d'implantation en bordure de voie, conformément au dossier de permis de construire.
Par des mémoires en défense enregistrés le 18 juillet 2018 et le 6 décembre 2018, M. D... et Mme H...-D..., représentés par Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros, chacune, soit mise à la charge de la SCI Les Herbes Roses et de la commune de Saint-Louis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la SCI Les Herbes Roses se borne à soulever les mêmes moyens qu'en première instance, sans critiquer le jugement ; sa requête est irrecevable ;
- c'est à juste titre que le tribunal a jugé que l'article UC 6 était méconnu.
La requête a été communiquée à la commune de Saint-Louis, qui n'a pas présenté de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G... ;
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 28 août 2015, le maire de la commune de Saint-Louis a délivré à la société civile immobilière (SCI) Les Herbes Roses un permis de construire pour la réalisation d'un bâtiment d'un étage sur rez-de-chaussée comprenant deux logements d'habitation sur une parcelle cadastrée EK 219 située au 10, chemin des Herbes Roses à La Rivière. M. D..., Mme H...-D... et Mme C... ont saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 21 juillet 2017, le tribunal, après avoir donné acte du désistement de Mme C..., a annulé l'arrêté du 28 août 2015 du maire de la commune de Saint-Louis. Par une requête enregistrée le 13 novembre 2017, la SCI Les Herbes Roses demande à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il annulé le permis de construire dont elle était bénéficiaire.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article UC 6.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Louis : " Les dispositions du présent article s'appliquent aux voies et emprises publiques ou privées ouvertes à la circulation générale (automobile, piéton, cycle), existantes ou projetées par un emplacement réservé inscrit au document graphique. Les servitudes de passage ne constituent pas des voies privées, à l'exception de celles qui desservent plus de 5 logements. L'alignement désigne la limite entre le domaine public et la propriété privée. Lorsqu'il existe un emplacement réservé pour la création ou l'élargissement d'une voie, il convient de prendre en compte la limite extérieure de cet emplacement réservé. A défaut d'emplacement réservé ou d'emprise de voie publique, il convient de prendre en compte la limite physique d'emprise de la voie constatée au moment du dépôt du permis de construire ". Aux termes de l'article UC 6.2 du même règlement : " Les constructions doivent être implantées en retrait de la voie, avec une distance comptée horizontalement et perpendiculairement de tout point de la façade au point le plus proche de la voie, au moins égale à 4 mètres ".
3. Il résulte de leurs termes mêmes que les dispositions précitées des articles UC 6.1 et UC 6.2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Louis s'appliquent à toutes les voies et emprises publiques ou privées ouvertes à la circulation générale existantes, à l'exception des servitudes de passage qui desservent moins de cinq logements. Elles s'appliquent donc au chemin des Herbes Roses, au droit duquel la construction objet du permis de construire s'inscrit, dès lors qu'il dessert plusieurs parcelles destinées à l'habitation comprenant au total près de trente logements et est ouvert à la circulation publique, y compris aux différents services publics. Ce chemin ne constitue au demeurant pas un chemin d'exploitation au sens de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime, mais une voie privée ouverte à la circulation publique, dans la mesure où il ne fait pas partie du domaine public viaire de la commune de Saint-Louis mais appartient à des personnes privées. Par ailleurs, le chemin des Herbes Roses ne faisant pas partie du domaine public, la SCI Les Herbes Roses ne peut utilement se prévaloir d'un alignement, qui désigne la limite entre le domaine public et la propriété privée.
4. Ainsi, contrairement à ce que soutient la SCI Les Herbes Roses, les dispositions de l'article UC 6 du règlement de la commune de Saint-Louis sont applicables au projet, et l'implantation des constructions doit être déterminée en prenant en compte " la limite physique d'emprise de la voie constatée au moment du dépôt du permis de construire ", conformément à l'article UC 6.1. En l'espèce, la construction doit être implantée en retrait du chemin des Herbes Roses, avec une distance comptée horizontalement et perpendiculairement de tout point de la façade au point le plus proche de la voie, au moins égale à 4 mètres, en application de l'article UC 6.2, le projet ne relevant pas des exceptions prévues par ailleurs à l'article UC 6.3. A cet égard, dès lors qu'il convient de prendre en compte la limite physique d'emprise de la voie constatée au moment du dépôt du permis de construire, la SCI Les Herbes Roses ne peut utilement soutenir que cette emprise serait instable, compte tenu de l'absence de système d'écoulement des eaux pluviales. Au demeurant, une " instabilité " telle qu'elle aurait un impact sur l'appréciation de la distance de 4 mètres mentionnée à l'article UC 6.2 n'est pas établie par les pièces du dossier. Elle ne peut pas plus utilement soutenir que la voie empièterait sur sa propriété, dès lors que la circonstance qu'une partie de la voie privée soit située sur sa parcelle est sans incidence sur l'appréciation de l'emprise physique de cette voie.
5. L'autorité administrative saisie d'une demande de permis de construire peut relever les inexactitudes entachant les éléments du dossier de demande relatifs au terrain d'assiette du projet, notamment sa surface ou l'emplacement de ses limites séparatives, et, de façon plus générale, relatifs à l'environnement du projet de construction, pour apprécier si ce dernier respecte les règles d'urbanisme qui s'imposent à lui. En revanche, le permis de construire n'ayant d'autre objet que d'autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, elle n'a à vérifier ni l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu'elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande tels que limitativement définis par les dispositions des articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme, ni l'intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande d'autorisation.
6. Il ressort des pièces du dossier que la SCI Les Herbes Roses a produit à l'appui de sa demande de permis de construire un plan de masse qui indique que la construction projetée est implantée en retrait du chemin des Herbes Roses, avec une distance comptée horizontalement et perpendiculairement de tout point de la façade au point le plus proche de la voie, égale à 4 mètres. Toutefois, il ressort d'une note explicative établie par un géomètre-expert le 24 septembre 2014 à la demande de la SCI Les Herbes Roses que l'emprise du chemin des Herbes Roses matérialisée dans le plan de masse correspond non pas aux bords existants de l'emprise de cette voie mais à une largeur définie à partir de la distance entre deux façades existantes sur les parcelles EK 465 et EK 295 en vue de la reporter en façade de la parcelle EK 219, sur laquelle est implantée la construction projetée. Il ressort d'ailleurs du plan topographique venant à l'appui de cette note que l'emprise de la voie mentionnée dans le dossier ne correspond pas plus aux mentions cadastrales qui font état, au droit de la parcelle EK 219, d'une largeur plus importante, dont il n'est pas sérieusement contesté, la requérante se bornant à invoquer une " instabilité " des bordures de la voie, qu'elle correspond à la limite physique de la voie à la date du permis de construire. Ces données sont en outre corroborées par les relevés établis par un géomètre-expert à la demande des intimés, qui font apparaitre que l'implantation de la voie portée sur le plan de masse ne correspond pas aux bords de la chaussée existants à la date du permis de construire. Face à ces éléments, la SCI Les Herbes Roses n'apporte aucun élément relatif à la limite physique d'emprise de la voie, réelle et constatée au moment du dépôt du permis de construire.
7. Il ressort ainsi des documents mentionnés au point précédent que, contrairement aux mentions du plan de masse, la construction projetée est implantée, en tout point de la façade, à une distance comptée horizontalement et perpendiculairement inférieure à 4 mètres du point le plus proche de la limite physique du chemin des Herbes Roses, la requérante ne pouvant utilement se prévaloir de documents postérieurs à la réalisation de la construction, qui ne traduisent pas la situation à la date de dépôt du permis de construire.
8. Il résulte de ce qui précède que, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, le dossier de demande de permis de construire était entaché d'inexactitudes délibérées qui ont faussé l'appréciation du maire de la commune de Saint-Louis quant à la légalité de la construction projetée au regard des dispositions de l'article UC 6 du règlement du plan local d'urbanisme, un tel vice n'étant, dans les circonstances de l'espèce, pas susceptible d'être régularisé en application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. La SCI Les Herbes Roses n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de La Réunion a, en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, retenu cet unique moyen pour annuler le permis de construire contesté.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par les intimés, que la SCI Les Herbes Roses n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 28 août 2015 du maire de la commune de Saint-Louis.
Sur les frais liés au litige :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de de M. D... et Mme H...-D..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI Les Herbes Roses demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu de mettre à charge de la SCI Les Herbes Roses, qui est la partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais que M. D... et Mme H...-D... ont exposés. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la commune de Saint-Louis.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Les Herbes Roses est rejetée.
Article 2 : La SCI Les Herbes Roses versera à M. D... et Mme H...-D... la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de M. D... et Mme H...-D... tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Saint-Louis en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Les Herbes Roses, à M. D... et Mme H...-D... et à la commune de Saint-Louis.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme F..., présidente de chambre,
- M. Legeai, premier conseiller,
- M. G..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.
Le rapporteur,
F. G...La présidente,
S. F...Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au préfet de la région Réunion, préfet de La Réunion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA23539