Par une requête enregistrée le 31 août 2020, la SCI SPB du Centre, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1803426 du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner la commune de Villeneuve-Saint-Georges à lui verser la somme de 132 388,12 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité fautive du refus de permis de construire qui lui a été opposé le 10 février 2014 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-Saint-Georges la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le caractère illégal du refus du permis de construire est constitutif d'une faute qui ouvre droit à réparation ;
- le lien de causalité est établi avec le préjudice subi ;
- le préjudice, direct et certain, s'établit à 132 388,12 euros dont 94 800 euros au titre de la perte de bénéfice découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière, 28 800 euros au titre du préjudice financier lié à l'immobilisation du capital investi dans le terrain d'assiette du projet et 8 788,12 euros au titre des frais financiers et comprenant la consommation d'eau et le paiement de la taxe foncière.
La requête a été communiquée à la commune de Villeneuve-Saint-Georges qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI SPB du Centre a déposé, le 6 septembre 2013, une demande de permis de construire auprès de la mairie de Villeneuve-Saint-Georges. Par un arrêté du 10 février 2014, le maire a refusé de lui accorder le permis demandé. La SCI SPB du Centre a déféré cette décision devant le tribunal administratif de Melun qui l'a annulée par un jugement n° 1403110 du 17 mars 2017. Réexaminant la demande en exécution du jugement, le maire a accordé le permis sollicité le 31 mars 2017. Le 22 janvier 2018, la SCI SPB du Centre a présenté une demande indemnitaire préalable pour la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de l'illégalité du refus de permis de construire, demande rejetée par le maire de Villeneuve-Saint-Georges le 13 mars 2018. La SCI SPB du Centre a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Villeneuve-Saint-Georges à lui verser la somme de 131 844,12 euros en réparation du préjudice subi du fait du refus initial d'un permis de construire. Par un jugement n° 1803426 du 30 juin 2020 dont elle fait appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
En ce qui concerne la faute :
2. Pour annuler la décision du 10 février 2014 refusant d'accorder un permis de construire à la SCI SPB du Centre, le jugement a relevé, contrairement à cette décision, que le projet, consistant en un immeuble de sept logements, dont six studios et un T2, n'était pas de nature à accroître de manière significative le trafic automobile dans un quartier déjà densément construit et s'insérait, par son volume, son architecture, les matériaux et les couleurs employés, de manière harmonieuse dans le paysage urbain. Cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Villeneuve-Saint-Georges. La SCI SPB du Centre est donc en droit d'obtenir l'indemnisation des préjudices directs et certains qui résultent de cette décision illégale.
En ce qui concerne le lien de causalité :
3. Pour apprécier si la responsabilité de la puissance publique peut être engagée, il appartient au juge de déterminer si le préjudice invoqué est en lien direct et certain avec une faute de l'administration. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs locataires ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.
4. Si la société requérante fait d'abord valoir qu'elle n'a pu percevoir, du 10 mars 2014, date de la décision illégale, au 17 mars 2017, date à laquelle le permis de construire lui a été délivré, les loyers des logements prévus par le projet, la seule évaluation par un cabinet immobilier du montant des loyers n'est pas de nature à établir le caractère direct et certain du préjudice invoqué, dès lors qu'aucun bail n'avait été signé et qu'il n'est pas fait état de démarches en vue des locations, ni même la réalité de ce préjudice dès lors en particulier qu'il n'est pas tenu compte de la durée nécessaire à la réalisation des travaux, non plus que des frais exposés pour ces travaux.
5. La SCI SPB du Centre, qui ne justifie pas des conditions d'acquisition du terrain, en particulier son prix d'achat et la date de son achat, ni des modalités de financement de cet achat n'établit pas la réalité du préjudice allégué lié au coût de l'immobilisation du capital.
6. Enfin, s'agissant des frais d'abonnement et de consommation d'eau et de ceux afférant à l'acquittement de la taxe foncière, il n'est pas établi que ces frais, qui auraient en tout état de cause été acquittés par le propriétaire, entretiendraient, pour leur totalité ou en partie, un lien direct avec l'illégalité du refus de permis de construire.
7. Il résulte de ce qui précède que la SCI SPB du Centre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. La commune de Villeneuve-Saint-Georges n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la SCI SPB du Centre tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des dispositions précitées doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI SPB du Centre est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI SPB du Centre et à la commune de Villeneuve-Saint-Georges.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2021.
Le président,
J. LAPOUZADE.
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02519