Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 mars 2014, et un mémoire en réplique, enregistré le
3 août 2015, la ville de Paris, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1213080/7-1, 1216166/7-1 du 9 janvier 2014 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 117-119 avenue de Flandres ;
3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 117-119 avenue de Flandres la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable dès lors que le SDC n'avait pas formé le recours préalable prévu par l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme contre l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France sur un projet qui s'inscrit dans le champ de visibilité d'un édifice protégé ;
- le syndic ne disposait pas de mandat de l'assemblée générale des propriétaires pour agir, ni à la date d'introduction de la requête, ni à celle à laquelle prenait fin le délai de recours contentieux ;
- le projet méconnaissait les dispositions de l'article UG 11.5 du règlement du PLU ;
- l'avis émis par l'architecte des bâtiments de France était un avis conforme et le maire n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en considérant qu'il était lié par cet avis.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2014, et un second mémoire enregistré le 28 janvier 2016, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 117-119 avenue de Flandres, représenté par MeB..., demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de la ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande était recevable ;
- la décision de non-opposition était insuffisamment motivée ;
- les travaux projetés respectent le PLU et les dispositions protégeant l'immeuble ;
- le maire n'était pas tenu par l'avis de l'architecte des bâtiments de France.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pellissier, président,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me Carre, avocat de la ville de Paris ;
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 117-119 rue de Flandres a déposé le 23 février 2012 une demande préalable pour des travaux de démolition - reconstruction des passages couverts, situés au rez-de-chaussée et à l'entresol sur cour, de cette copropriété de 750 logements construite en 1961. Par arrêté du 25 avril 2012, implicitement confirmé sur recours gracieux des 1er et 21 juin 2012, le maire de Paris s'est opposé aux travaux projetés aux motifs, d'une part, que l'architecte des bâtiments de France, saisi en application du code du patrimoine, avait émis le 19 mars 2012 un avis défavorable qui s'imposait à lui dès lors que les travaux nuisent à un monument historique protégé situé à proximité, d'autre part, que les travaux ne respectent pas les dispositions de l'article UG 11-5 1° du règlement du plan d'occupation des sols. La ville de Paris relève régulièrement appel du jugement du 9 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 25 avril 2012 et les décisions implicites de rejet des recours gracieux et mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. L'article L. 621-31 du code du patrimoine dispose : " Lorsqu'un immeuble est (...) situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrit, il ne peut faire l'objet (...) d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition (...) d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable (...) ". L'article L. 621-32 prévoit que le permis de construire, de démolir ou l'absence d'opposition à déclaration préalable tient lieu d'autorisation " si l'architecte des bâtiments de France a donné son accord ". Ce même article dispose qu'en cas de désaccord avec l'avis émis par l'architecte des bâtiments de France, le maire, d'une part, ou le pétitionnaire " à l'occasion du refus d'autorisation ou de l'opposition à déclaration préalable " peuvent saisir le préfet de région qui émet un avis, explicite ou implicite, se substituant à celui de l'architecte des bâtiments de France. L'article R. 424-14 du code de l'urbanisme organise la saisine du préfet de région en prévoyant : " Lorsque le projet n'est pas situé dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ou une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur une opposition de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. / Le préfet de région adresse notification de la demande dont il est saisi au maire et à l'autorité compétente en matière de permis (...) / Si le préfet de région (...) infirme l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, le maire ou l'autorité compétente doit statuer à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception du nouvel avis ou suivant la date à laquelle est intervenue l'admission tacite du recours ".
3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la personne qui projette des travaux concernant un immeuble situé dans le champ de visibilité et le périmètre de protection d'un monument historique n'est recevable à contester devant le juge la décision d'opposition à déclaration préalable prise par un maire à la suite d'un avis négatif de l'architecte des bâtiments de France que si elle a, au préalable, saisi le préfet de région d'une contestation de cet avis selon la procédure spécifique prévue par les articles L. 621-31 du code de patrimoine et R. 424-14 du code de l'urbanisme.
4. L'immeuble du 117-119 avenue de Flandres est situé dans le périmètre de protection de l'accès de la station de métro Crimée, immeuble classé au titre des monuments historiques. Les travaux de construction et démolition faisant l'objet de la demande nécessitaient l'accord de l'architecte des bâtiments de France compétent. Celui-ci, dûment saisi le 23 février 2012 par les services instruisant la demande, a émis le 19 mars 2012 un avis défavorable. Cet avis, qui mentionne le monument historique " accès métro Crimée " comme " immeuble lié au dossier ", ne se fonde pas sur l'atteinte portée à ce monument historique mais seulement, au titre des pouvoirs généraux de conseil des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, sur des considérations architecturales relatives à l'immeuble modifié. Cet avis n'indique pas, cependant, que les travaux projetés ne portent pas atteinte au monument historique, ou bien que l'architecte des bâtiments de France considère qu'il n'a pas à donner " d'avis conforme ", par exemple parce que l'immeuble bien que situé dans le périmètre de protection est en réalité hors du champ de visibilité du monument. Dans ces conditions, le maire de Paris ne pouvait que considérer que l'avis défavorable rendu le 19 mars 2012 par l'architecte des bâtiments de France, qui d'ailleurs vise le monument historique protégé, constituait un refus de l'accord nécessaire au regard des dispositions de l'article L. 621-32 du code du patrimoine et qu'il devait, de ce fait, faire opposition à la déclaration de travaux.
5. La décision d'opposition à déclaration de travaux du 25 avril 2012 a été ainsi rendue à la suite d'un avis négatif de l'architecte des bâtiments de France qui s'imposait au maire. L'immeuble n'est pas, contrairement à ce qui est soutenu en défense, situé dans une " aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine " ou une " zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager " et l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme était donc applicable. Dès lors, comme il a été dit au point 3, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 117-119 avenue de Flandres ne pouvait saisir directement le juge administratif de cette décision mais devait, au préalable, contester auprès du préfet de région l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France. La circonstance que ce recours préalable obligatoire n'a pas été mentionné dans la décision d'opposition du 25 avril 2012 a pour seule conséquence que le délai de deux mois que fixe l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme pour contester l'avis de l'architecte n'a pas couru mais ne saurait rendre recevable le recours exercé directement contre la décision d'opposition prise par le maire.
6. Il résulte de ce qui précède que la ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement litigieux, le tribunal administratif, au lieu de rejeter comme irrecevable la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 117-119 avenue de Flandres, a annulé l'arrêté du 25 avril 2012 portant opposition à déclaration de travaux et les décisions implicites de rejet des recours gracieux et mis à la charge de la ville de Paris la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, supporte les frais de procédure exposés par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 117-119 avenue de Flandres en première instance et en appel. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ce syndicat la somme que demande la ville de Paris au titre des frais de procédure qu'elle a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°S 1213080/7-1, 1216166/7-1 du 9 janvier 2014 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 117-119 avenue de Flandres devant le tribunal administratif et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la ville de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Paris et au syndicat des copropriétaires de l'immeuble 117-119 avenue de Flandres.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
Le président-assesseur,
S. DIEMERT
Le président de chambre,
rapporteur,
S. PELLISSIER Le greffier,
F. TROUYET La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA01078