Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 9 juillet 2014 et
6 novembre 2015, M. A..., représenté par Me Daudé, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300654/7-2 du 29 avril 2014 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du ministre de la justice du 7 septembre 2012 ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de cinq euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a un motif légitime pour solliciter le changement de son nom lié au désintérêt affectif de son père dès sa naissance et à la rupture des liens depuis le divorce de ses parents ; que ce désintérêt est attesté par la condamnation pénale de son père pour abandon de famille confirmée par la Cour d'appel de Paris le 9 mars 2005 ainsi que par les témoignages de sa soeur et de sa grand-mère maternelle ; qu'une psychologue a attesté que ce rejet brutal et soudain lui a causé un grave traumatisme psychologique ; que cet abandon a eu des répercussions sur ses études et sa santé ;
- depuis sa majorité, il use du nom Bogajewski de manière constante et permanente tant dans sa vie personnelle que professionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Amat,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me Daude avocat de M.A....
1. Considérant que M.A..., né le 10 novembre 1985, a sollicité du garde des sceaux ministre de la justice l'autorisation de changer de nom et de substituer à son nom patronymique celui de " Bodajewski " ; que par décision du 7 septembre 2012 le garde des sceaux a refusé de faire droit à cette demande ; que M. A...relève appel du jugement du 29 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. Le changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret " ;
3. Considérant, en premier lieu, que des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ;
4. Considérant que M.A..., à l'appui de sa demande tendant à substituer à son patronyme paternel le nom de sa mère, fait état du désintérêt affectif et matériel dont aurait fait preuve à son égard son père avec lequel il n'entretiendrait plus aucun lien depuis qu'il a atteint l'âge de douze ans ; qu'il fait valoir que ce désintérêt est attesté notamment par la condamnation pénale pour abandon de famille prononcée à l'encontre de son père par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 30 juin 2004 confirmé par la Cour d'appel de Paris le 9 mars 2005 et les témoignages de sa grand-mère maternelle et de sa soeur ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les parents de M. A...sont séparés depuis 1994 et divorcés depuis le 9 octobre 2002 ; que le père de M.A..., qui n'a pas été déchu de l'autorité parentale, a cessé toute relation avec son fils en 1999 alors que le requérant était âgé non pas de douze ans mais de quatorze ans ainsi qu'il ressort des énonciations de l'arrêt précité de la cour d'appel de Paris ; qu'il n'a pas versé régulièrement et dans sa totalité la pension alimentaire pour l'entretien et l'éducation de ses enfants à compter du mois de novembre 2001 ; que, toutefois, ces circonstances ne présentent pas un manquement suffisamment grave du père de M. A..., qui a exercé occasionnellement son droit de visite et d'hébergement ainsi qu'il ressort de l'attestation rédigée par la grand-mère maternelle du requérant, à ses devoirs parentaux pour caractériser l'intérêt légitime requis pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi, sauf circonstances exceptionnelles ; qu'en outre, la seule attestation rédigée le 6 février 2014 par MmeC..., psychologue, compte tenu de son caractère ponctuel et isolé ne permet pas d'attester du traumatisme psychologique que le requérant aurait subi du fait du désintérêt affectif de son père ; qu'il s'ensuit que le ministre de la justice n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 61 du code civil en refusant d'autoriser le changement de nom du requérant ;
6. Considérant, en second lieu, que M. A...fait valoir qu'il utilise comme nom d'usage celui de sa mère depuis 2003 dans tous les actes de sa vie personnelle, universitaire et professionnelle ; que, toutefois, la possession d'état dont il entend se prévaloir ne présente pas un caractère suffisamment ancien et constant pour justifier le changement de nom sollicité ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diemert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
Le rapporteur,
N. AMATLa présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
F. TROUYETLa République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA02978