Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 mai 2018, M. C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1703755 du 11 mai 2017 du premier vice-président du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er mai 2017 du préfet du Val-de-Marne portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de supprimer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa demande de première instance comme sa requête d'appel ne sont pas tardives ;
- l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ne rendait pas sans objet sa demande d'annulation ; c'est à tort que le tribunal a constaté un non-lieu à statuer ;
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle ne pouvait être prise sur le fondement du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car il ne constitue pas une menace actuelle pour l'ordre public ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa vie personnelle et familiale ;
- la décision de refus d'octroi de délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police ne justifiant pas d'une urgence ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi sera annulée en conséquence de l'annulation de de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est fixée à trois ans.
Par un courrier du 22 mai 2019, le préfet du Val-de-Marne a été mis en demeure, en application de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, de produire ses observations en défense dans le délai de 15 jours.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du président de la Cour administrative d'appel de Paris du 27 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M. C..., ressortissant roumain né en juillet 1988 et entré en France selon ses déclarations depuis 2014, était détenu au .... M. C... fait appel de l'ordonnance du 11 mai 2017 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Melun a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. L'exécution de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de circulation sur le territoire français ne rend pas sans objet les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions qui n'ont pas été retirées mais, au contraire, ont produit ou produisent encore des effets. M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, prenant acte de ce qu'il avait effectivement été reconduit en Roumanie dès sa sortie de la prison de Fresnes le 10 mai 2017, a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 1er mai 2017 dans toutes ses dispositions.
3. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Melun.
Sur les conclusions à fins d'annulation présentées par M. C... :
4. L'article L 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification (...). Les articles L. 512-1 à L. 512-4 sont applicables aux mesures prises en application du présent article ". Aux termes de l'article L. 511-3-2 du même code : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans (...) ".
5. L'arrêté litigieux est motivé par le fait que M. C..., de nationalité roumaine, entré en France en 2014, " a été écroué le 2 décembre 2016 en exécution d'un jugement en date du 16 février 2017 par lequel le tribunal correctionnel de Paris l'a reconnu coupable de vol en réunion et condamné à une peine de huit mois d'emprisonnement ". En l'absence de toute précision apportée par le préfet du Val-de-Marne, tant en première instance qu'en appel, et ce malgré une mise en demeure notifiée conformément aux dispositions de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits ainsi pénalement sanctionnés révélaient, à la date de l'arrêté et alors que M. C... fait valoir qu'il était toujours soigné pour de graves brûlures, une " menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société " pour justifier, au sens des dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire français. M. C... est dès lors fondé à soutenir que le préfet a fait une inexacte application de ces dispositions. La décision portant obligation de quitter le territoire français doit dès lors être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de renvoi et l'interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
7. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'édiction et l'exécution de l'arrêté litigieux auraient entrainé un signalement de M. C..., ressortissant de l'Union européenne, dans le " système d'information Schengen ". Les conclusions tendant à ce que soit ordonnée la suppression de ce signalement ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, l'annulation de l'arrêté du 1er mai 2017 n'implique aucune mesure d'exécution.
Sur les frais liés au litige :
8. L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose : " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, une somme de 1 000 euros, à verser à Me E..., avocat de M. C....
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1703755 du 11 mai 2017 du premier vice-président du tribunal administratif de Melun est annulée.
Article 2 : L'arrêté du 1er mai 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans est annulé.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me E... en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme D..., présidente de chambre,
- M. Legeai, premier conseiller,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.
L'assesseur le plus ancien,
A. LEGEAILa présidente,
rapporteur
S. D...Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01587