Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire complémentaire et des pièces complémentaires enregistrés les 19 décembre 2018, 31 janvier 2019 et 15 octobre 2019, M. F..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805915/5-3 du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2018 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français porte atteinte à sa vie privée et familiale et méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; :
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire ne pouvait légalement être fondé sur le fait qu'il représenterait une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 6 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me E..., avocat de M. F....
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant serbe né en avril 1971 et entré en France pour la dernière fois en février 2018 selon ses dires, a été interpellé le 10 avril 2018 à Paris avec un ami pour des faits de vol. Par arrêté du 12 avril 2018, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. M. F... fait appel du jugement du 6 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...). II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. F... a été interpellé par la police alors que, selon ses déclarations, il venait, avec son véhicule, d'accompagner à Paris et successivement dans deux épiceries " un ressortissant afghan qu'il avait décidé d'aider " et qui y a commis au moins un vol de denrées alimentaires. Il a par ailleurs déclaré beaucoup voyager en Europe, notamment pour faire des séjours en France auprès de sa concubine française, et n'avoir pas de ressources stables. Alors même que le montant du vol est faible et que M. F... n'a pas été pénalement poursuivi, le préfet de police a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que son comportement constituait une menace pour l'ordre public et justifiait qu'il soit obligé de quitter le territoire français sans délai sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien- être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 3, paragraphe 1, de la convention relative aux droits de l'enfant stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
5. M. F... a fait valoir dès son interpellation vivre maritalement avec une ressortissante française, Mme B..., qu'il connaît de longue date mais avec laquelle les liens se sont resserrés depuis la naissance, en septembre 2015, d'un enfant non reconnu par son père, qu'il élève comme le sien et qu'il souhaite adopter. Il a indiqué faire de fréquents séjours d'une durée de dix jours à un mois auprès son amie et de son fils et avoir un projet de mariage en vue duquel il avait récemment voyagé en Serbie pour chercher un acte de naissance. Le mariage a effectivement été célébré en juillet 2018 et M. F... fait valoir que postérieurement à cette date, son épouse s'est vu diagnostiquer une maladie grave. Toutefois, à la date de la décision attaquée, le requérant, qui déclarait être entré en France la dernière fois au mois de février 2018, y était célibataire et sans charge de famille et ne justifiait d'aucune insertion professionnelle. De surcroît, il déclarait beaucoup voyager en Europe et n'était pas dépourvu d'attaches familiales en Serbie, pays dont il est ressortissant, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 44 ans selon ses dires et où résident sa mère et sa soeur. Dès lors, le préfet a pu l'obliger à quitter le territoire français sans porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise. De même, alors qu'aucun lien juridique ne le liait au fils de Mme B..., alors âgé de deux ans et demi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision préfectorale aurait porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3, paragraphe 1, de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
6. Dans les circonstances précédemment rappelées, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision d'obliger M. F..., le 12 avril 2018, à quitter le territoire français, y compris en tant qu'elle ne lui accorde pas de délai de départ volontaire, comporte des conséquences d'une extrême gravité et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, verse à son conseil, sur le fondement de l'article 37 du code de justice administrative, une somme représentative des frais qu'il aurait exposés s'il n'avait été bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme G..., présidente de chambre,
- M. D..., premier conseiller,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.
Le rapporteur,
A. D...La présidente,
S. G...La greffière,
M. C...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA03982