Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2019, Mme F... B..., représentée par Me A... (G...), demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1706778 du 5 juillet 2019 le tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la délibération du 4 juillet 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bannost-Villegagnon a approuvé son plan local d'urbanisme, en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées section E nos 43 et 44 en zone A0 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bannost-Villegagnon le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération litigieuse a été adoptée en méconnaissance des dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il n'est pas établi que les membres du conseil municipal auraient été effectivement rendus destinataires de la convocation du 26 juin 2017 dans les délais prévus par ces dispositions ;
- les dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme ont été méconnues, dès lors qu'il n'est pas établi que la délibération du 21 février 2013 prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme a été notifiée aux personnes publiques associées ;
- la délibération litigieuse a été adoptée en violation des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, faute pour la commune de démontrer que les modalités de la concertation fixées par la délibération du 21 février 2013 prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme ont été respectées ;
- la délibération du 21 février 2013 était dépourvue de caractère exécutoire faute d'avoir été régulièrement publiée et d'avoir fait l'objet des mesures de publicité prévues par les dispositions de l'article R. 123-25 du code de l'urbanisme, de sorte que les administrés ont participé à la concertation sans être préalablement informés des objectifs poursuivis par la commune ;
- les avis des personnes publiques associées ne sont ni mentionnés ni analysés dans le rapport du commissaire-enquêteur ;
- la délibération litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les deux parcelles lui appartenant, classées en entrée de ville et en continuité avec l'habitat du bourg, auraient dû être classées en zone urbaine et non pas en zone agricole, et que les éléments invoqués par la commune (insuffisance des réseaux, incompatibilité avec les objectifs du schéma directeur de la région d'Île-de-France, problèmes de sécurité routière dans le virage, respect du principe d'égalité, classement antérieur en zone inconstructible, volonté de ne pas poursuivre l'urbanisation en ce lieu de sortie du bourg) sont erronés ou infondés.
Par des mémoires en défense enregistré le 20 décembre 2019 et le 31 août 2020, la commune de Bannost-Villegagnon, représenté par Me D... conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le moyen tiré de ce que la délibération du 21 février 2013 était dépourvue de caractère exécutoire faute d'avoir été régulièrement publiée et d'avoir fait l'objet des mesures de publicité prévues par les dispositions de l'article R. 123-25 du code de l'urbanisme est inopérant ; il est en outre irrecevable en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ; par ailleurs, il manque en fait ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Le 4 septembre 2020, les parties ont été informées de ce que la Cour est susceptible, en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer jusqu'à la régularisation des vices affectant la délibération litigieuse, tirés respectivement, d'une part, du défaut de consultation régulière des conseillers municipaux en vue de la séance au cours de laquelle elle a été adoptée et, d'autre part, de l'absence au dossier soumis à enquête publique des avis des personnes publiques associées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- et les observations de Me Pillet, avocat de la commune de Bannost-Villegagnon.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est propriétaire de deux parcelles situées sur le territoire de la commune de Bannost-Villegagnon. Par une délibération en date du 21 février 2013, le conseil municipal de Bannost-Villegagnon a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et a fixé les modalités de la concertation avec le public. Par une délibération du 20 octobre 2016, le conseil municipal a arrêté le projet de plan local d'urbanisme. L'enquête publique s'est tenue du 6 mars 2017 au 8 avril 2017. Par une délibération du 4 juillet 2017, le conseil municipal de la commune de Bannost-Villegagnon a approuvé le plan local d'urbanisme. Mme B... ayant saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande d'annulation de cette dernière délibération, cette juridiction l'a rejetée par un jugement du 5 juillet 2019.
Sur la légalité de la délibération litigieuse :
- En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, la requérante soutient que la délibération litigieuse a été adoptée en méconnaissance des dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il n'est pas établi que les membres du conseil municipal auraient été effectivement rendus destinataires de la convocation du 26 juin 2017 dans les délais prévus par ces dispositions.
3. Aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s'ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée ". Aux termes de l'article L. 2121-11 du même code : " Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion (...) ".
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ensemble des conseillers municipaux auraient été convoqués à la séance au cours de laquelle a été adoptée la délibération litigieuse conformément aux dispositions précitées, dès lors que la commune ne justifie pas avoir expédié les convocations par voie électronique à chacun des élus intéressés. Cette seule circonstance suffit à entacher d'irrégularité la délibération litigieuse, alors même qu'elle aurait été adoptée par onze voix sur douze.
5. En deuxième lieu, selon la requérante, les dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme ont été méconnues par la délibération litigieuse, dès lors qu'il n'est pas établi que la délibération du 21 février 2013 prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme a été notifiée aux personnes publiques associées. Toutefois, elle n'apporte pas ni ne présente devant la Cour d'éléments ou d'arguments nouveaux de nature à lui permettre de remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif sur ce point. Il y a donc lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.
6. En troisième lieu, la requérante soutient que la délibération querellée a été adoptée en violation des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, faute pour la commune de démontrer que les modalités de la concertation fixées par la délibération du 21 février 2013 prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme ont été respectées. La requérante n'apporte ni ne présente devant la Cour aucun élément ou argument nouveaux de nature à lui permettre de remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif sur ce point. Il y a donc lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.
7. En quatrième lieu, selon la requérante, la délibération du 21 février 2013 prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme était dépourvue de caractère exécutoire faute d'avoir été régulièrement publiée et d'avoir fait l'objet des mesures de publicité prévues par les dispositions de l'article R. 123-25 du code de l'urbanisme, de sorte que les administrés ont participé à la concertation sans être préalablement informés des objectifs poursuivis par la commune.
8. Toutefois, si la délibération prescrivant l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme qui porte, d'une part, sur les objectifs, au moins dans leurs grandes lignes, poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme et, d'autre part, sur les modalités de la concertation avec les habitants et les associations locales, est susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir, le moyen tiré de l'illégalité de cette délibération ne peut, eu égard à l'objet et à la portée de celle-ci, être utilement invoqué contre la délibération approuvant le plan local d'urbanisme. Le moyen est donc, en tout état de cause, inopérant et doit être écarté.
9. En cinquième lieu, la requérante soutient que le rapport du commissaire-enquêteur est insuffisant, en ce qu'il ne mentionne ni n'analyse les avis des personnes publiques associées, et que le public n'aurait pas eu accès au registre durant l'enquête.
10. Aux termes de l'article R. 153-8 du code de l'urbanisme : " Le dossier soumis à l'enquête publique (...) comprend, en annexe, les différents avis recueillis dans le cadre de la procédure. Il peut, en outre, comprendre tout ou partie des pièces portées à la connaissance [...] de la commune par le préfet ". Le premier alinéa de l'article R. 153-4 dudit code dispose en outre que : " Les personnes consultées en application des articles L. 153-16 et L. 153-17 donnent un avis dans les limites de leurs compétences propres, au plus tard trois mois après transmission du projet de plan ".
11. Les avis des personnes publiques associées n'étant pas produits au dossier, la Cour ne peut apprécier si le contenu de la synthèse de ces avis, mise à la disposition du public, est de nature à pallier, le cas échéant, l'absence, qui n'est pas sérieusement contestée, desdits avis dans le dossier d'enquête publique. Ainsi, en l'état du dossier, ce moyen doit être accueilli.
- En ce qui concerne la légalité interne :
12. Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ", et aux termes de l'article R. 151-18 du même code : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ".
13. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
14. En premier lieu, Mme B... soutient que le classement des parcelles cadastrées section E nos 43 et 44 en zone A0 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation aux motifs que ces parcelles ne font l'objet d'aucune exploitation agricole, qu'elles sont séparées des terres agricoles par la route départementale RD 90, qu'elles font partie intégrante du secteur urbanisé de Bannost, que la commune n'a pas suivi la réserve émise par le commissaire enquêteur, que les parcelles auraient dû être intégrées dans les dents creuses " réglementaires ", que le plan local d'urbanisme n'ayant qu'une obligation de compatibilité et non de conformité avec le schéma directeur de la région d'Île-de-France, la commune aurait pu dépasser la limite des 5 % fixé par ce document, que la commune ne justifie pas de la dangerosité du virage situé à proximité des parcelles et qu'enfin, la zone tampon souhaitée par la commune entre les parcelles agricoles et les parcelles urbanisées est déjà réalisée par la route départementale RD 90.
15. D'une part, il ressort notamment du rapport de présentation du plan local d'urbanisme et du plan d'aménagement et de développement durable, que la commune a souhaité a entendu donner la priorité à la densification de l'espace urbain existant et au comblement des " dents creuses ", en encadrant le développement du village et de ses hameaux, notamment en préservant leur identité et leur caractère, afin de limiter l'étalement urbain, dans une optique de préservation des équilibres paysagers ainsi que des paysages agricoles, naturels et forestiers.
16. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles de Mme B... sont dépourvues de toute construction, se trouvent à l'entrée occidentale du bourg, sont bordées à l'Est par une parcelle partiellement boisée qui comprend une construction et au Nord, à l'Ouest et au Sud par des parcelles agricoles cultivées. Ces parcelles, contrairement à ce que soutient la requérante, ne constituent donc pas une " dent creuse " dans l'urbanisation de la commune.
17. Dès lors, le conseil municipal de la commune a pu, sans commettre d'erreur manifeste, décider de classer les parcelles en cause en zone A0, sans qu'y fasse obstacle la double circonstance que les parcelles ne font l'objet d'aucune exploitation agricole et qu'elles sont desservies par les réseaux d'eaux et d'assainissement, et alors, en outre, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil municipal aurait pris une décision différente s'il n'avait pas retenu le motif tiré de la dangerosité éventuelle, pour la circulation automobile, de l'existence du coude, formé par la route de Jouy, dans lequel se trouvent deux intersections avec deux autres voies.
18. En second lieu, Mme B... soutient que le classement des parcelles contesté est entaché de détournement de pouvoir.
19. Toutefois, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi par les pièces du dossier.
Sur la mise en oeuvre de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme :
20. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration (...) de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / (...) / 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour (...) les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. / Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".
21. Les vices relevés aux points 4 et 11 ci-dessus relèvent d'une illégalité pour vice de forme ou de procédure et sont susceptibles d'être régularisés dès lors que, le débat devant le conseil municipal sur le plan d'aménagement et de développement durable étant intervenu le 19 janvier 2016, les dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme citées au point précédent sont applicables en l'espèce. En conséquence, il y a lieu pour la Cour de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête de Mme B..., tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt étant réservés jusqu'en fin d'instance, pendant un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, afin de permettre à la commune de Bannost-Villegagnon de procéder à la régularisation de l'illégalité, résultant des vices susmentionnés, qui affecte la délibération litigieuse.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête de Mme F... B... pendant un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, afin de permettre à la commune de Bannost-Villegagnon de procéder à la régularisation de l'illégalité, résultant des vices relevés aux points 4 et 11 des motifs du présent arrêt, qui affecte la délibération la délibération du 4 juillet 2017 par laquelle son conseil municipal a approuvé le plan local d'urbanisme communal.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... et à la commune de Bannost-Villegagnon.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. E..., président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- M. Doré, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
Le rapporteur,
S. C...La présidente,
J. E... Le greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03081