Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 9 octobre 2019 et le 6 février 2020,
le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1911156 du 1er juin 2019 du magistrat désigné par le président tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M. B....
Le préfet de police soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé que la situation personnelle de M. B... n'avait pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux ;
- les décisions sont suffisamment motivées ;
- les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne sont pas fondés ;
- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les exceptions d'illégalité invoquées ne sont pas fondées ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français ne méconnait pas le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant camerounais, a fait l'objet d'arrêtés du 24 mai 2019 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, et, d'autre part, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de
douze mois. Par un jugement du 1er juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces arrêtés et enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation administrative de M. B... dans le délai d'un mois et de lui délivrer dans cette attente une attestation provisoire de séjour. Le préfet de police fait appel de ce jugement.
2. Dans son premier arrêté du 24 mai 2019, le préfet de police a précisé que " compte tenu des circonstances propres à l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Qu'en effet, l'intéressé se déclare célibataire sans enfant ". Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier, même si les déclarations de l'intéressé, qui s'est présenté sous une autre identité lors de son audition, étaient alors fausses, que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. B.... Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a accueilli ce moyen pour annuler les arrêtés contestés.
3. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, l'arrêté contesté mentionne l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de l'obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision manque ainsi en fait.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. B... fait valoir qu'il est entré régulièrement en France en 2015. Toutefois,
il n'est pas contesté qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement du territoire français le 12 janvier 2017, à laquelle il n'a pas déféré. S'il soutient par ailleurs qu'il est marié avec une ressortissante française, il reconnait que la communauté de vie a cessé, le préfet de police faisant
par ailleurs valoir sans être contredit que l'intéressé a fait l'objet d'un signalement pour violence conjugale le 7 mars 2016 et pour des faits de violences volontaires aggravées sur personne vulnérable le 7 octobre 2016 alors que son épouse était enceinte et que les époux étaient séparés dès le 6 octobre 2016. M. B... fait également valoir qu'il est parent d'une enfant française née le 3 novembre 2016. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de cette enfant, seul un virement d'un montant de 50 euros en 2018 ayant été justifié, à l'exclusion de toute autre pièce. En outre, le préfet de police soutient sans être contredit que M. B..., qui ne justifie d'aucune vie privée en France ni d'une intégration dans la société française, qui ne résulte pas du seul emploi occupé entre 2015 et 2017, a conservé l'ensemble de ses attaches dans son pays d'origine où vivent notamment ses parents. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des caractéristiques du séjour en France de M. B..., l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel cette décision a été prise. Le préfet de police n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. B....
7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... n'établit pas contribuer effectivement à la date de l'arrêté contesté à l'entretien et à l'éducation de sa fille, dont il n'est même allégué qu'elle aurait le moindre contact effectif avec son père. Dans ces conditions, le préfet a pu, sans méconnaître les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'obliger à quitter le territoire français.
En ce qui concerne les décisions portant refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, l'arrêté contesté mentionne l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions de refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions manque ainsi en fait.
10. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
12. En premier lieu, la décision qui fixe à douze mois la durée de l'interdiction de retour prise à l'encontre de M. B... vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'intéressé a déclaré être entré sur le territoire français en 2015, qu'il ne peut être regardé comme se prévalant de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 12 janvier 2017. Le préfet de police n'étant par ailleurs pas tenu de se prononcer sur chacun des critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais seulement sur ceux qu'il entendait retenir, la décision prononçant une interdiction de retour pour une durée de douze mois est ainsi suffisamment motivée.
13. En deuxième lieu, compte tenu par ailleurs des éléments de fait mentionnés au point 6, M. B... ne justifie pas de circonstances humanitaires de nature à faire obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet de police a pu prononcer une telle interdiction.
14. En troisième lieu, compte tenu des éléments de fait mentionnés aux points 6 et 12, le préfet de police n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à douze mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français.
15. Enfin, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, des autres décisions attaquées doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 24 mai 2019 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation administrative de M. B... dans le délai d'un mois et de lui délivrer dans cette attente une attestation provisoire de séjour. Ce jugement doit dès lors être annulé et la demande de première instance de M. B... doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1911156 du 1er juin 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- Mme Marion, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03142