Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1911272 du 27 septembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2019 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié ou une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour, la décision est insuffisamment motivée en fait et en droit ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;
- le préfet de police a méconnu les articles L. 114-5 et L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet de police a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et en se fondant sur cet avis ;
- la décision est entachée d'erreur de fait ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, la décision est insuffisamment motivée ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;
- le préfet de police a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 septembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par une décision du 15 octobre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. B... à l'aide juridictionnelle partielle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- et les observations de Me A..., avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant bangladais, a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 mai 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit à l'issue de ce délai. M. B... relève appel du 27 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de M. B..., ont suffisamment motivé leur jugement, notamment leur réponse au moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de police en s'estimant lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), au point 8 du jugement attaqué. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit ainsi être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation en fait et en droit de la décision contestée, de l'absence d'examen sérieux de la situation personnelle de M. B... et de la méconnaissance des articles L. 114-5 et L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges aux points 2 à 6 du jugement attaqué.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
6. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des motifs exceptionnels exigés par la loi.
Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
7. D'une part, l'arrêté attaqué, dans sa partie relative au travail, rappelle que M. B... exerce une activité professionnelle salariée en qualité de vendeur et l'ensemble des documents présentés à l'appui de la demande de titre de séjour, relatifs à l'employeur du requérant, tels que, notamment, les statuts de la société créée en décembre 2017, les cotisations de la société pour le 4ème trimestre 2017 et les périodes d'avril-mai et octobre-novembre 2018, un contrat et des attestations de travail et des bulletins de salaires de juillet 2017 à janvier 2019. Cet arrêté, s'il fait état de l'avis défavorable de la DIRECCTE émis le 18 avril 2018 en vue de la délivrance d'une autorisation de travail dans le cadre d'une précédente demande de titre de séjour compte tenu de la création récente de la société ne permettant pas de juger de la pérennité de l'emploi, élément dont le préfet de police pouvait en droit tenir compte dans son appréciation d'ensemble de la situation du requérant, conclut qu'il résulte de l'examen approfondi de sa situation que M. B... ne remplit pas les conditions permettant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Compte tenu de l'ensemble des mentions de l'arrêté, il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis précité. En outre, à supposer même, ainsi que le soutient le requérant, que cet avis soit trop ancien pour être retenu à l'appui de l'appréciation du préfet de police, il n'en résulte pas pour autant une erreur de fait, dès lors qu'il ne ressort pas pièces du dossier que le préfet de police aurait pris une décision différente en ne tenant pas compte dudit avis et en se référant uniquement aux autres pièces produites relatives à l'expérience et à la situation personnelle de M. B... et aux caractéristiques de son emploi. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur de fait doivent être écartés.
8. D'autre part, M. B..., célibataire, sans enfant et qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Bangladesh, réside en France depuis 2010, est vendeur en France depuis 2017 et bénéficie d'un contrat à durée indéterminée en cette qualité depuis le 1er février 2018. Toutefois, ces circonstances, qui ne caractérisent pas des considérations humanitaires, ne suffisent pas,
par elle-même, à caractériser un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la situation de l'intéressé, appréciée au regard de la durée de son expérience professionnelle en France ainsi que de son niveau de qualification et des spécificités de l'emploi qu'il occupe, et des éléments de sa situation personnelle, ne permet pas de le regarder comme justifiant d'un motif exceptionnel. Dès lors,
le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. B... au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, M. B... ne peut pas utilement se prévaloir des mentions de la circulaire du 28 novembre 2012 prises pour l'application de cet article, dès lors que cette circulaire se borne à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée et de l'absence d'examen sérieux de la situation personnelle de M. B... par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges aux points 12, 13 et 16 du jugement attaqué.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Si M. B... soutient qu'il est entré en France en 2010, qu'il dispose d'un logement stable, qu'il travaille et déclare ses revenus, ces seuls éléments, qui ne traduisent au demeurant aucune insertion particulière dans la société française, ne justifient pas l'admission au séjour.
S'il fait valoir qu'il a établi le centre de sa vie privée et familiale en France, il est constant qu'il est célibataire et sans enfant et que ses parents résident au Bangladesh, sans qu'aucun élément ne vienne sérieusement attester d'une vie privée et familiale en France. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, incluant les éléments relatifs à sa situation professionnelle précédemment mentionnés, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté. Pour les mêmes motifs, doit également être écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet de police dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que celles à fin d'injonction sous astreinte, le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, doivent dès lors être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- Mme Marion, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03756