Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 25 janvier 2022, la commune de Crisenoy, M. et Mme P... G..., M. F... G..., Mme D... L..., M. E... A..., Mme C... B..., M. Q... K...,
Mme H... M..., Mme O... J... et M. N... I..., représentés par
Me Juliette Vernerey, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901421 du 12 mai 2021 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 décembre 2018 déclarant d'utilité publique le projet de déviation et de recalibrage de la route départementale 57 et l'aménagement d'un carrefour giratoire entre cette route et la route nationale 36, sur le territoire des communes de Crisenoy et de Fouju ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a dénaturé les moyens de leur demande, n'a pas répondu à tous ces moyens et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté du 13 décembre 2018 a été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 122-1 et suivants du code de l'environnement, le projet de réalisation de la ZAC des Bordes ayant été fractionné en trois phases distinctes, sans faire l'objet d'une étude d'impact unique ; l'étude d'impact menée en 2013 était lacunaire et n'a pas été actualisée ; le public, les collectivités et les personnes publiques associées n'ont pas pu avoir une information globale et complète du projet ;
- l'étude d'impact est insuffisante s'agissant de la description de l'état initial de l'environnement et des mesures compensatoires ; l'étude de la faune et de la flore présente sur le site et ses abords est incomplète ; les mesures d'évitement et de compensation des impacts sont manifestement insuffisantes ;
- l'étude d'impact est insuffisante s'agissant des incidences sur le trafic routier ;
- le choix du tracé n'est pas justifié au regard des solutions alternatives ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en déclarant d'utilité publique le projet alors que le tracé retenu est le plus coûteux, le plus impactant pour l'économie agricole, celui qui emporte le plus de désaccords de la population et des collectivités et celui qui dénature le plus le paysage ;
- le carrefour giratoire entre la RD 57 et la RN 36 ne pouvait être inclus dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique dès lors qu'il s'agit d'un projet indépendant de la ZAC ;
- le plan de financement de cet ouvrage méconnaît donc l'article L. 311-4 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne pouvait être déclaré d'utilité publique ; la ZAC ne répond pas à une finalité d'intérêt général ; un autre tracé aurait évité d'avoir recours à l'expropriation ; les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les inconvénients d'ordre social et économique sont excessifs au regard de l'intérêt du projet ;
- le projet de déviation n'est pas compatible avec le projet de réalisation d'un établissement pénitentiaire et risque de devoir être revu.
Par des mémoires enregistrés le 24 novembre 2021 et le 28 janvier 2022, le département de Seine-et-Marne, représenté par Me Peynet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 janvier 2022, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le décret n° 2016-1190 du 31 août 2016 relatif à l'étude préalable et aux mesures de compensation prévues à l'article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- et les observations de Me Peynet pour le département de Seine-et-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat mixte de la charte intercommunale de Crisenoy-Fouju-Moisenay, auquel a succédé la communauté de communes Brie des rivières et châteaux, a approuvé la création d'une zone d'aménagement concerté dite " des Bordes " de 110 hectares sur le territoire des communes de Crisenoy et de Fouju par une délibération du 5 juillet 2007, puis a approuvé le dossier de réalisation et le programme des équipements publics de cette zone par deux délibérations du
19 décembre 2013. La commune de Crisenoy s'est par la suite opposée à la création de cette zone et un premier secteur opérationnel de 40 hectares a été défini sur le seul territoire de la commune de Fouju. La société Percier Réalisation Développement (PRD), titulaire de la concession d'aménagement, a saisi le préfet d'une demande d'autorisation d'exploitation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, afin d'y réaliser une plate-forme logistique. La formation d'autorité environnementale du conseil général de l'environnement et du développement durable s'est prononcée sur cette demande d'autorisation le 14 juin 2017, l'enquête publique s'est déroulée du 16 août au 16 septembre 2017 et la commission d'enquête a rendu un avis favorable le 16 octobre 2017. Afin d'améliorer le fonctionnement du croisement entre la RD 57 et la RN 36 et d'éviter une augmentation de trafic au niveau du hameau des Bordes, situé au nord-ouest de l'opération, des aménagements routiers ont été prévus, à savoir une déviation de la RD 57 par le sud du hameau, la création d'un carrefour giratoire à cinq branches entre la RN 36, la RD 57 actuelle et la déviation de la RD 57, le recalibrage d'une partie de la RD 57 et la création d'un carrefour giratoire à 3 branches sur la RD 57 pour l'accès à la zone. Ce projet a été soumis par le préfet de Seine-et-Marne à la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable, qui a rendu un avis le 8 novembre 2017. Une enquête publique unique, regroupant l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, l'enquête parcellaire et l'enquête publique au titre de la loi sur l'eau, s'est déroulée du 8 janvier au 8 février 2018 et la commission d'enquête a, notamment, émis un avis favorable à la déclaration d'utilité publique, assorti de deux réserves et de trois recommandations. Par une délibération en date du 25 juin 2018, le département de Seine-et-Marne a adopté une déclaration de projet. Enfin, par un arrêté du 13 décembre 2018, la préfète de Seine-et-Marne a déclaré d'utilité publique les aménagements routiers en cause. La commune de Crisenoy et des habitants de la commune ont saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande d'annulation de cet arrêté. La commune de Crisenoy et autres relèvent appel du jugement du 12 mai 2021 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2.En premier lieu, les requérants soutiennent que les premiers juges ont dénaturé leur argumentation de telle manière que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de réponse aux moyens tirés de ce que le dossier d'enquête publique ne comportait pas d'étude d'impact propre aux équipements routiers, que le public n'avait pu avoir une vue globale du projet compte tenu du fractionnement des enquêtes publiques et que le périmètre de la déclaration d'utilité publique ne pouvait englober le carrefour giratoire qui n'est que pour partie en lien avec la zone d'aménagement concertée. Il ressort toutefois des paragraphes 5, 8, 9, 18 et 20 du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu à ces moyens tels qu'ils étaient invoqués en première instance.
3. En second lieu, si les requérants soutiennent que le tribunal administratif aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que les mesures de compensation agricole étaient suffisantes, un tel moyen est relatif au bien-fondé du jugement attaqué et non pas à sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'étude d'impact :
4. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
5. En premier lieu, aux termes des dispositions du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable en l'espèce : " L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après "étude d'impact", de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l'examen, par l'autorité compétente pour autoriser le projet, de l'ensemble des informations présentées dans l'étude d'impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d'ouvrage. (...) Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité ".
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de la commission d'enquête publique du 10 mars 2018, que, le dossier d'enquête publique mis à la disposition du public comportait l'étude d'impact réalisée en 2013 au stade de l'approbation du dossier de réalisation de la zone d'aménagement concerté des Bordes. Cette étude d'impact concernait l'ensemble du projet d'aménagement, y compris les aménagements routiers nécessaires à la desserte de la zone, et les incidences de ce projet sur l'environnement étaient appréciées de manière globale. Dans ces conditions, alors même qu'une étude d'impact distincte a été présentée dans le cadre de la demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, manque en fait le moyen tiré de ce que l'étude d'impact mise à la disposition du public dans le cadre de l'enquête publique unique qui s'est déroulée du 8 janvier au 8 février 2018 ne concernait que les aménagements routiers ou que les équipements propres au fonctionnement de la zone d'aménagement concertée alors qu'elle aurait dû appréhender les effets de l'ensemble du projet en cause. D'autre part, compte tenu de la différence d'objet entre les finalités poursuivies et de la possibilité de mettre en œuvre les travaux indépendamment les uns des autres, la création de la zone d'aménagement des Bordes, qui vise à aménager des terrains en vue de l'implantation d'activités économiques, ne constitue pas, avec l'installation d'une entreprise particulière sur cette zone, un projet unique au sens des dispositions précitées du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement et l'étude d'impact en litige n'avait, par suite, pas à porter également sur l'installation classée pour la protection de l'environnement projetée. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut ainsi qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable : " Les incidences sur l'environnement d'un projet dont la réalisation est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations sont appréciées lors de la délivrance de la première autorisation. Lorsque les incidences du projet sur l'environnement n'ont pu être complètement identifiées ni appréciées avant l'octroi de cette autorisation, le maître d'ouvrage actualise l'étude d'impact en procédant à une évaluation de ces incidences, dans le périmètre de l'opération pour laquelle l'autorisation a été sollicitée et en appréciant leurs conséquences à l'échelle globale du projet. En cas de doute quant à l'appréciation du caractère notable de celles-ci et à la nécessité d'actualiser l'étude d'impact, il peut consulter pour avis l'autorité environnementale (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, dans un avis du 21 mars 2017 en réponse à une consultation présentée par le département de Seine-et-Marne, l'autorité environnementale, saisie du projet d'aménagements routiers, a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'actualiser l'étude d'impact réalisée en 2013 au stade de l'approbation du dossier de réalisation de la zone d'aménagement concertée des Bordes, dès lors qu'elle mentionnait déjà des aménagements routiers et que le tracé et les caractéristiques du projet soumis à l'enquête publique unique étaient moins importants que le projet initial.
9. Il ressort en outre des pièces du dossier, notamment du rapport de la commission d'enquête publique du 10 mars 2018 qui liste les pièces composant le dossier d'enquête publique, que le dossier mis à la disposition du public comportait, outre l'étude d'impact réalisée en 2013, une étude de circulation datée de mars 2017 et un diagnostic faune et flore de juin 2017, ainsi que le mémoire établi par le département de Seine-et-Marne en réponse aux observations de l'autorité environnementale dans son avis du 8 novembre 2017, lequel comportait en annexe 5-2 la version finale du diagnostic faune et flore établie en décembre 2017. Ce mémoire exposait notamment, en réponse aux critiques formulées par l'autorité environnementale, l'évolution du projet d'aménagement en précisant le phasage de commercialisation de la zone d'aménagement concertée, distinguant un premier projet sur le territoire de la commune de Fouju dénommé Fouju 1, correspondant à une commercialisation prochaine et un projet Fouju 2, " en attente d'une demande identifiée de commercialisation ". Il était également relevé que l'aménageur ne présentait pas de projet d'urbanisation sur la partie de la zone située sur le territoire de la commune de Crisenoy, dans l'attente d'une éventuelle révision de son plan local d'urbanisme. Il était encore mentionné que les travaux concernant les réseaux projetés dans le cadre du dossier de réalisation des équipements de la zone n'étaient pas modifiés. Figuraient en outre en annexe de ce mémoire, un plan des emprises foncières correspondant aux deux phases de commercialisation, ainsi qu'un complément au résumé non technique de l'étude d'impact de la zone d'aménagement concerté des Bordes, qui rappelait notamment que la réalisation d'aménagements routiers sur la route départementale 57 et la réalisation de bâtiments logistiques étaient déjà prévues dans l'étude d'impact de 2013.
10. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les incidences du projet global sur l'environnement n'avaient pas pu être complètement identifiées ou appréciées lors de l'approbation du programme de réalisation de la zone d'aménagement concerté des Bordes. En outre, compte tenu des compléments apportés à la suite de l'avis de l'autorité environnementale du 8 novembre 2017, le public a été informé des évolutions du projet depuis 2013. Enfin, les requérants n'apportent aucune précision sur les éléments qui n'auraient pas été soumis au public. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions précitées du III de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement relatives à l'actualisation de l'étude d'impact aurait été méconnues.
11. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 122-4 du code de l'environnement n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement (...) ; 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement (...) ; 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits (...) ".
13. D'une part, s'agissant de l'état initial de l'environnement, les requérants font valoir que l'étude d'impact est entachée d'insuffisance s'agissant de la faune et de la flore présentes sur le site et ses alentours. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'étude d'impact, réalisée en 2013 comportait une partie 8 consacrée à l'environnement naturel et paysager, comportant notamment une étude des " unités écologiques et composantes biologiques (flore et faune) " et une " bio-évaluation " de la faune et de la flore et qu'elle a été actualisée par un diagnostic faune et flore de juin 2017, lui-même actualisé en décembre 2017 et mis à la disposition du public dans le cadre du dossier d'enquête publique, en annexe du mémoire du département en réponse à l'avis de l'autorité environnementale. Si les requérants invoquent des insuffisances quant à la description de l'état actuel de l'environnement, ils se bornent à citer des extraits du diagnostic établi en juin 2017, sans tenir compte de l'étude d'impact de 2013 et de la version finale du diagnostic faune et flore établie en décembre 2017. En particulier, s'ils font valoir que le diagnostic de juin 2017 serait fondé sur des relevés effectués à une période non favorable à la faune et la flore, il en ressort qu'il repose, dans sa version finale, sur 12 journées d'observations réalisées de janvier à août 2017, ainsi que sur des études documentaires. Surtout, ces observations sont conformes aux éléments issus de l'étude d'impact de 2013, dans laquelle il était notamment relevé que " les prospections, réalisées à une époque favorable à l'observation de l'herpétofaune (amphibiens et reptiles), n'ont pas permis de mettre en évidence la présence d'individus de ce groupe " ou que " le ru d'Andy n'accueille aucun peuplement piscicole ". Les requérants ne sont ainsi fondés à soutenir ni que les observations auraient été exclusivement réalisées à une période de l'année où les reptiles ne pouvaient pas être présents, ni que les animaux amphibiens n'auraient pas été pris en compte avant l'étude complémentaire réalisée en 2017. De manière générale, si les requérants soutiennent que les études étaient lacunaires, ils n'apportent aucun élément de nature à justifier la présence d'espèces qui n'auraient pas été mentionnées en se bornant à faire valoir qu'il existe des friches herbacées, des bosquets de feuillus, des zones de prairies et des mares et qu'il est " improbable " que les enjeux écologiques soient faibles. S'agissant ensuite des effets du projet sur le milieu naturel, il ressort de l'étude d'impact que l'avifaune, ubiquiste, ne devrait pas être perturbée par la transformation du site et que, d'un point de vue faunistique, " les potentialités d'accueil seront améliorées, de nombreux arbres et arbustes seront plantés à l'occasion de l'aménagement du site ", lequel est largement constitué de terres cultivées présentant " un faible intérêt écologique " et constituant souvent des " milieux répulsifs pour la faune et la flore ". Il est également relevé que " le recalibrage, l'aménagement des berges et la plantation d'une ripisylve le long du ru d'Andy permettra de recréer un réseau d'habitats humides à frais " et que le détournement de ce ru, qui " ne possède pas actuellement une valeur écologique importante ", aura des impacts positifs. L'étude d'impact mentionne enfin des mesures prises pour limiter les dérangements de l'avifaune pendant les travaux et pour améliorer la qualité des milieux dans le cadre de l'entretien des espaces. Il ne ressort des pièces du dossier que ces mesures seraient insuffisantes compte tenu des effets du projet sur l'environnement.
14. D'autre part, si les requérants font valoir qu'aucune étude de trafic n'était au dossier de l'enquête publique, il ressort des pièces du dossier que ce moyen manque en fait, une étude de circulation datée de mars 2017 ayant même actualisé les informations figurant dans l'étude d'impact de 2013.
15. Les requérants ne sont ainsi pas fondés à soutenir que le dossier soumis à l'enquête publique aurait été incomplet ou aurait omis de présenter au public l'ensemble des éléments nécessaires à sa complète information.
En ce qui concerne la modification et le choix du tracé de la déviation :
16. En premier lieu, alors que les requérants ne précisent pas le fondement juridique de leur argumentation, le moyen tiré de ce que le dossier d'enquête publique n'expose pas les raisons ayant motivé la modification du projet d'aménagements routiers n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
17. En second lieu, si les requérants soutiennent que le tracé retenu initialement présentait moins d'inconvénients que celui retenu, il n'appartient pas au juge administratif saisi d'un recours contre la déclaration d'utilité publique de procéder à une telle comparaison.
En ce qui concerne le giratoire :
18. Il appartient au juge administratif, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.
19. S'agissant des travaux de création d'un giratoire entre la RD 57 et la RN 36, il est constant que, pour partie, ils ont pour objet de permettre la desserte de la zone d'aménagement concerté des Bordes. Par suite, quand bien même cet aménagement poursuit d'autres objectifs, il n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique par la décision contestée. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir qu'il ne pouvait être inclus en totalité dans la déclaration d'utilité publique.
En ce qui concerne le plan de financement des infrastructures :
20. D'une part, l'arrêté préfectoral déclarant d'utilité publique les acquisitions de terrains et les travaux nécessaires à la réalisation d'une zone d'aménagement concerté relève d'une procédure distincte et indépendante des arrêtés antérieurs créant la zone ou approuvant le plan d'aménagement de zone. Dès lors, un moyen tiré des prétendues irrégularités entachant ces derniers arrêtés est inopérant au soutien d'un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté portant déclaration d'utilité publique. Par suite, les requérants ne peuvent pas utilement exciper, en se prévalant de l'article L. 311-4 du code de l'urbanisme, de l'illégalité du plan de financement des infrastructures prévu par le programme des équipements de la zone d'aménagement concertée des Bordes, adopté par la délibération du 19 décembre 2013.
21. D'autre part, l'arrêté préfectoral contesté ne fixant pas le montant de la participation de l'aménageur aux travaux déclarés d'utilité publique, les requérants ne peuvent pas plus utilement invoquer directement les dispositions de cet article du code de l'urbanisme à son encontre.
En ce qui concerne l'appréciation de l'utilité publique :
22. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente.
23. Tout d'abord, le projet d'aménagements routiers déclaré d'utilité publique a pour finalité de réduire de trafic routier à venir sur la route départementale 57 en traversée du hameau des Bordes afin de limiter les nuisances et de garantir la sécurité des riverains, de fluidifier et sécuriser le carrefour entre les routes nationale 36 et départementale 57 et d'assurer la desserte de la zone d'aménagement concerté des " Bordes ". Il répond donc à une finalité d'intérêt général.
24. Ensuite, alors qu'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier l'opportunité du choix de tracé retenu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les mêmes aménagements auraient pu être réalisés sans recourir à l'expropriation, les requérants ne justifiant notamment pas que de " simples alignements " auraient permis de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes.
25. Enfin, les requérants soutiennent que la réalisation de ces aménagements routiers, destinés principalement à la desserte de la zone d'aménagement concerté des Bordes, qui est destinée à accueillir des activités économiques, notamment logistiques, alors que le département de Seine-et-Marne dispose déjà d'un trop grand nombre de plateformes logistiques, va entraîner des atteintes à la propriété privée, à l'environnement et à l'activité agricole. Ils font en outre valoir que le coût de l'opération est de l'ordre de 2 450 000 euros HT pour la déviation et le recalibrage de la RD57, de 1 070 000 euros pour le giratoire entre la RD57 et la RN36 et de 95 000 euros pour les acquisitions foncières. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces atteintes ou le coût du projet sont excessifs par rapport à l'intérêt que l'opération présente, même en tenant compte de la réduction de la superficie de la zone d'aménagement concerté induite par l'opposition de la commune de Crisenoy. Ainsi, le moyen tiré du défaut d'utilité publique du projet doit être écarté.
En ce qui concerne les mesures de compensation agricole :
26. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime : " Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des conséquences négatives importantes sur l'économie agricole font l'objet d'une étude préalable comprenant au minimum une description du projet, une analyse de l'état initial de l'économie agricole du territoire concerné, l'étude des effets du projet sur celle-ci, les mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet ainsi que des mesures de compensation collective visant à consolider l'économie agricole du territoire ". Aux termes de l'article D. 112-1-18 du code rural et de la pêche maritime : " I. - Font l'objet de l'étude préalable prévue au premier alinéa de l'article L. 112-1-3 les projets de travaux, ouvrages ou aménagements publics et privés soumis, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation, à une étude d'impact de façon systématique dans les conditions prévues à l'article R. 122-2 du code de l'environnement et répondant aux conditions suivantes : - leur emprise est située en tout ou partie soit sur une zone agricole, forestière ou naturelle (...) / la surface prélevée de manière définitive sur les zones mentionnées à l'alinéa précédent est supérieure ou égale à un seuil fixé par défaut à cinq hectares (...) II. - Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions au sens du dernier alinéa du III de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, la surface mentionnée à l'alinéa précédent correspond à celle prélevée pour la réalisation de l'ensemble du projet ". Il résulte des dispositions de l'article 2 du décret n° 2016-1190 du 31 août 2016 susvisé dont est issu l'article D. 112-1-18 précité, nécessaire à l'application de la loi, que sont soumis à l'exigence de l'enquête préalable prévue par l'article
L. 112-1-3 du code rural, les projets de travaux, ouvrages ou aménagements publics et privés pour lesquels l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 du code de l'environnement a été transmise à l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement, définie à l'article R. 122-6 du code de l'environnement, à compter du premier jour du troisième mois suivant celui de la publication de ce décret au Journal officiel de la République française, soit à compter du 1er décembre 2016.
27. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagements routiers en cause emporte le prélèvement de moins de cinq hectares de terres agricoles et n'est, par suite, pas soumis aux dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime. Si les requérants font valoir qu'il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des surfaces prélevées pour la réalisation de la zone d'aménagement concerté, l'étude d'impact de ce projet est antérieure à la date d'entrée en vigueur desdites dispositions. Par suite, les requérants ne peuvent pas utilement soutenir que le dossier soumis à l'enquête publique serait incomplet faute de comporter l'étude préalable prévue par les dispositions précitées de l'article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime ni, en tout état de cause, que les mesures de compensation agricole prévues sont insuffisantes.
En ce qui concerne le projet de création d'un établissement pénitentiaire :
28. Si les requérants font valoir que des travaux de déviation déclarés d'utilité publique sont susceptibles d'être modifiés en raison un projet de création d'un établissement pénitentiaire au sein de la zone d'aménagement concertée des Bordes, cette circonstance, postérieure à la décision contestée, est en tout état de cause sans incidence sur sa légalité.
Sur les frais liés à l'instance :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à aux requérants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
30. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des requérants une somme de 1 500 euros à verser au département de Seine-et-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Crisenoy et autres est rejetée.
Article 2 : Les requérants verseront solidairement une somme de 1 500 euros au département de Seine-et-Marne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Crisenoy, à M. et Mme P... G..., à M. F... G..., à Mme D... L..., à M. E... A...,
à Mme C... B..., à M. Q... K..., à Mme H... M..., à Mme O... J..., à M. N... I..., à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités et au département de Seine-et-Marne.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne, à la communauté de communes Brie-des-Rivières et Châteaux, à la commune de Fouju et à la société Percier Réalisation Développement.
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 février 2022.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03941