Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 23 août et le 18 novembre 2021, la société civile immobilière Harpim et la société civile immobilière Des Trois Adresses, représentées par Me Levy, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003806 du 24 juin 2021 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'en dépit de l'engagement pris par le conseil d'administration de l'établissement public d'aménagement Orly Rungis Seine Amont le 20 novembre 2019 de saisir pour avis l'organe délibérant de l'établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvre en application de l'article R. 311-8 du code de l'urbanisme, il n'est pas possible de s'assurer que le préfet, qui n'avait pas visé l'avis qui devait être donné, s'était assuré de la réalité de cette consultation ;
- du fait de l'ampleur des conséquences sur le financement global de l'opération qu'emporte la modification du périmètre de la zone d'aménagement concerté, l'arrêté aurait dû, ainsi qu'il est prévu par les dispositions de l'article R. 311-2 du code de l'urbanisme, être pris après avoir recueilli l'avis préalable de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'aucun de ses motifs ne peut justifier la modification du périmètre de la zone d'aménagement concerté et qu'elle a en fait été prise pour des motifs financiers ;
- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle ne visait qu'à faire échec à leur droit de délaissement et qu'elle a été prise en urgence alors même qu'une procédure était en cours devant le juge de l'expropriation chargé de fixer le montant de l'indemnité.
Par un mémoire en défense et des mémoires en réplique enregistrés les 29 octobre, 3 et 22 décembre 2021, l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine Amont, représenté par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société civile immobilière Harpim et de la société civile immobilière Des Trois Adresses la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gobeill,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- les observations de Me Montagne substituant Me Levy, représentant la société civile immobilière Harpim et la société civile immobilière Des Trois Adresses,
- et les observations de Me Ricard substituant Me Ceccarelli-Le Guen, représentant l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine Amont.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 5 janvier 2012, le préfet du Val-de-Marne a créé, à l'initiative de l'établissement public d'aménagement Orly-Rungis Seine Amont, la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Gare des Ardoines ", située sur le territoire de la commune de Vitry-sur-Seine. Par un arrêté du 24 avril 2020, le préfet du Val-de-Marne a modifié le périmètre de la zone d'aménagement concerté en retirant le lot PM1 de ce périmètre. La société civile immobilière Harpim et la société civile immobilière Des Trois Adresses, propriétaires de biens dans ce lot, ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 24 juin 2021 dont elles relèvent appel, le tribunal a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Les sociétés requérantes soutiennent que le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'en dépit de l'engagement pris par le conseil d'administration de l'établissement public d'aménagement Orly Rungis Seine Amont le 20 novembre 2019 de saisir pour avis l'organe délibérant de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre en application de l'article R. 311-8 du code de l'urbanisme, il n'est pas possible de s'assurer que le préfet, qui n'avait pas visé l'avis qui devait être donné, s'était assuré de la réalité de cette consultation.
3. Les premiers juges, qui ont seulement visé le moyen selon lequel la modification d'une zone d'aménagement concerté devait se faire selon les formes prescrites pour sa création et nécessitait donc un avis de l'établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvre, et se sont bornés, au point 4 du jugement, à relever que la modification du périmètre de la zone d'aménagement concerté n'était pas d'une ampleur telle qu'elle aurait imposé la mise en œuvre de la procédure de modification ni la saisine du préfet compétent, n'ont ainsi pas examiné le moyen qui avait été soulevé.
4. Le jugement est donc irrégulier et doit, en conséquence, être annulé.
5. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande des sociétés civiles immobilières Harpim et Des Trois Adresses devant le tribunal administratif.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'urbanisme : " (...) La modification d'une zone d'aménagement concerté est prononcée dans les formes prescrites pour la création de la zone. (...) ". Aux termes de l'article R. 311-8 du même code : " Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou, lorsque la création de la zone relève de sa compétence, le préfet, après avis du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, approuve le programme des équipements publics. / L'avis du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent est réputé émis à l'issue d'un délai de trois mois à compter de la réception par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale du dossier de réalisation. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération n° CA45-2019-09 du 20 novembre 2019, le conseil d'administration de l'établissement public d'aménagement Orly Rungis Seine Amont a mandaté son directeur général afin notamment de saisir pour avis l'organe délibérant de la collectivité compétente en application de l'article R. 311-8 du code de l'urbanisme. Cette demande d'avis, faite par un courrier du 11 décembre 2019, a été reçue par l'établissement public Grand Orly Seine Bièvre le 13 décembre suivant ainsi qu'en atteste le tampon de réception porté sur le courrier et l'avis est réputé avoir été émis dans un délai de trois mois à compter de cette date soit antérieurement au 24 avril 2020, date de l'arrêté contesté, lequel vise au demeurant la délibération du 20 novembre 2019. Dans ces conditions, quand bien même l'arrêté contesté ne viserait pas l'existence de cet avis réputé avoir été émis, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ne peut donc qu'être écarté.
8. L'arrêté contesté, qui retire du périmètre de la zone d'aménagement concerté trois parcelles cadastrées CJ n° 154, 155 et 258 qui représentent seulement 1,7 % du périmètre initial de la zone et qui constituent un lot qui ne devait pas être livré avant la 4ème et dernière phase d'aménagement en 2032, a été pris afin de maintenir l'équilibre économique de l'opération. Cette modification, dont il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle aurait des conséquences sur les aménagements prévus, ne remet en cause ni les orientations ni l'équilibre général du projet. Elle n'est ainsi pas d'une ampleur telle qu'elle aurait imposé la mise en œuvre de la procédure de modification prévue par les dispositions précitées de l'article R. 311-12 du code de l'urbanisme.
9. Les sociétés requérantes soutiennent en deuxième lieu que la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'aucun de ses motifs ne peut justifier la modification du périmètre de la zone d'aménagement concerté et qu'elle a, en fait, été prise pour des motifs financiers.
10. Outre que le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu de motiver sa décision, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du directeur général au conseil d'administration du 20 novembre 2019 de l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine Amont lequel a approuvé le projet de modification du périmètre de la zone d'aménagement concerté, que la demande de modification est motivée essentiellement par l'impossibilité pour l'établissement de faire face à ses obligations financières, ces difficultés s'inscrivant dans le contexte de la baisse annoncée de la dotation de la commune de Vitry-sur-Seine et remettant en cause la viabilité financière de l'opération d'aménagement dans son ensemble. Le rapport relève en particulier que les montants d'acquisition foncière ont été établis, dans le bilan financier de l'opération, support de l'élaboration du programme des équipements publics et du contrat d'intérêt national des Ardoines signé le 9 mars 2017, sur la base d'une estimation sommaire et globale de la Direction nationale d'interventions domaniales en 2016 et que les références des prix du foncier ont connu une hausse récente suite aux différents jugements relatifs à des fixations de prix en expropriation. Une analyse a révélé qu'une incertitude pèse sur le coût d'acquisition du foncier pour le lot PM1 correspondant aux parcelles en litige, et qu'alors que le prix maximal pour assurer l'équilibre du lot a été estimé à 4,5 millions d'euros, les plus récents coûts estimés, sensiblement supérieurs, ajoutés aux coûts d'éviction, représentent un risque financier très élevé, dans un contexte où de surcroît la mise en œuvre opérationnelle n'est pas prévue avant 2032 alors que les acquisitions foncières pourraient, du fait du droit au délaissement, intervenir à court terme, pesant alors lourdement sur la trésorerie. Ces motifs pouvaient légalement fonder la décision contestée, et les moyens tirés de ce que le préfet du Val-de-Marne aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation doivent, en conséquence, être écartés.
11. Les sociétés requérantes soutiennent en dernier lieu que la décision est entachée d'un détournement de pouvoir. Toutefois, en dépit de la concomitance de la procédure administrative ayant mené à l'édiction de l'arrêté du 24 avril 2020 et des procédures juridictionnelles en cours devant le juge de l'expropriation, ce dernier ayant rouvert les débats après avoir été informé par une note en délibéré de ce qu'avait été pris l'arrêté contesté, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision, prise pour les motifs rappelés au point 8 du présent arrêt, serait, dans ces conditions, entachée d'un détournement de pouvoir.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société civile immobilière Harpim et la société civile immobilière Des Trois Adresses ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société civile immobilière Harpim et de la société civile immobilière Des Trois Adresses, non plus qu'à celles de l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine Amont, présentées au titre des frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2003806 du 24 juin 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par la société civile immobilière Harpim, la société civile immobilière Des Trois Adresses et l'établissement public d'aménagement Orly Rungis-Seine Amont est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Harpim, à la société civile immobilière Des Trois Adresses, à l'établissement public d'aménagement Orly Rungis Seine Amont et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
Le rapporteur,
J.-F. GOBEILL
Le président,
J. LAPOUZADELa greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
2
N° 21PA04765