Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 juillet 2015 et un mémoire enregistré le 1er novembre 2016, la SCI Leclerc, représentée par Me Busson, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1401471-1403046 du 24 avril 2015 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté 2013/3612 du 12 décembre 2013 et l'arrêté 2014/4410 du 27 février 2014 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'enquête publique est irrégulière, dès lors que le dossier mis à la disposition du public ne comprenait pas un document faisant état du coût total des acquisitions foncières ; son gérant notamment n'a pu avoir connaissance du document versé tardivement au dossier ;
- le projet en cause ne revêt aucun caractère d'utilité publique, dès lors que la déclaration d'utilité publique n'a pour objet que de permettre à la société Essilor d'acquérir l'immeuble ou à la communauté de communes de se constituer une réserve foncière.
Par un mémoire enregistré le 14 avril 2016, l'établissement public territorial 11, venant aux droits de la communauté d'agglomération Plaine Centrale du Val-de-Marne, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 5 000 euros à la charge de la SCI Leclerc en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er juin 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de Me Busson, avocat de la SCI Leclerc, et de M. Asika, avocat de l'établissement public territorial 11.
1. Considérant que depuis l'année 2009, la communauté d'agglomération Plaine Centrale du Val-de-Marne a entamé l'acquisition progressive d'un ensemble immobilier en copropriété à vocation d'activités, occupant la parcelle BK 200 située 21-33 boulevard Jean-Baptiste Oudry à Créteil ; que, par une délibération du 27 mars 2013, son conseil communautaire a demandé au préfet du Val-de-Marne l'ouverture d'une enquête publique unique afin de voir déclarer d'utilité publique l'acquisition de cet immeuble et cessible le lot n° 8 de la copropriété ; que, par arrêté du 24 juin 2013, le préfet du Val-de-Marne a prescrit l'ouverture d'une enquête publique, qui a eu lieu du 9 septembre au 11 octobre 2013 ; que par arrêté du 12 décembre 2013, il a déclaré d'utilité publique l'acquisition de la parcelle BK 200 et, par arrêté du 27 février 2014, a déclaré immédiatement cessible le lot n° 8 ; que, la SCI Leclerc, propriétaire de ce lot, a demandé l'annulation de ces deux arrêtés au tribunal administratif qui a rejeté ses demandes par un jugement du 24 avril 2015 dont elle relève appel ;
Sur la légalité de la déclaration d'utilité publique du 12 décembre 2013 :
En ce qui concerne la composition du dossier soumis à l'enquête publique :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors en vigueur : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend : I. Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : (...) l'appréciation sommaire des dépenses " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'enquête publique s'est déroulée du 9 septembre au 11 octobre 2013 ; que le dossier de l'enquête comportait une notice indiquant que sept des huit lots de la copropriété du 21-33 boulevard Jean-Baptiste Oudry avaient déjà été acquis par la communauté d'agglomération en 2009 et 2011 et que seul restait à acquérir par la voie de l'expropriation le lot n° 8 de cet immeuble délabré ayant vocation à être démoli ; que cette notice comportait en page 15 une estimation sommaire des coûts d'acquisition de ce dernier lot, de déplacement d'un transformateur électrique, de démolition de l'immeuble et de construction de la voie que la communauté se proposait d'aménager avant de céder le restant du terrain à un opérateur privé afin qu'il puisse y construire un immeuble de bureaux de cinq étages ; qu'une erreur matérielle affectant le total des coûts ainsi pris en compte a été rectifiée dès le 9 septembre 2013, premier jour d'enquête, par le commissaire enquêteur ; qu'en outre l'estimation sommaire des dépenses a été complétée le 28 septembre 2013 par une note précisant le montant des acquisitions foncières réalisées par la communauté d'agglomération pour l'acquisition en 2009 et 2011 des autres lots de la copropriété ;
4. Considérant que s'il appartient à l'autorité administrative de mettre à disposition du public, pendant toute la durée de l'enquête, un dossier comportant notamment l'ensemble des documents mentionnés par l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la méconnaissance de ces dispositions n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées ou si elle a été de nature à exercer une influence sur le résultat de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ;
5. Considérant que l'estimation sommaire des dépenses aurait en principe dû comporter, dès la mise à l'enquête publique, non seulement le coût de l'acquisition du seul lot restant à exproprier mais aussi celui des acquisitions foncières déjà réalisées en vue de l'opération ; que cependant, d'une part, ces informations ont été portées à la connaissance du public en cours d'enquête, alors que seules deux personnes se sont présentées aux permanences tenues par le commissaire enquêteur, à savoir le représentant du propriétaire et le gérant de la SCI Leclerc ; que si la requérante fait valoir que son gérant, qui s'était présenté lors la permanence tenue dans le cadre de l'enquête publique dès le 18 septembre 2013, n'a pu utilement discuter dans le courrier qu'il a remis le 2 octobre 2013 les éléments versés au dossier le 28 septembre 2013, il est constant que l'intéressé s'est en outre présenté de nouveau à la même permanence, le 11 octobre 2013, y a consulté le registre de l'enquête, y a inséré des observations et s'est entretenu avec le commissaire enquêteur ; que, d'autre part, le commissaire enquêteur a répondu, dans son rapport du 9 novembre 2013, à l'ensemble des observations faites par les deux personnes précitées et a porté une appréciation sur l'utilité publique du projet au regard du coût total de l'opération, incluant les acquisitions antérieures ; qu'il s'ensuit que l'irrégularité résultant du retard pris dans le porté à la connaissance du public des éléments complémentaires à l'estimation sommaire des dépenses n'a pas nui à l'information du public et n'a exercé aucune influence sur le sens de la décision prise ; que le moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne l'utilité publique du projet :
6. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
7. Considérant que l'expropriation du dernier lot de l'immeuble du 21-33 boulevard Jean-Baptiste Oudry a pour but de permettre à la communauté d'agglomération, qui a déjà acquis les autres lots de la copropriété dans le cadre de sa compétence " développement économique ", de démolir cet immeuble d'un étage sur rez-de-chaussée dont les structures sont fortement dégradées et qui n'accueille aucune activité économique depuis 2000, afin de rendre le terrain à l'urbanisation après y avoir aménagé une voie nouvelle pour désenclaver le quartier ; que l'opération vise à permettre à terme à un opérateur privé utilisant les possibilités de densification prévues par le nouveau plan local d'urbanisme de construire sur le terrain un immeuble de cinq étages de bureaux, ce qui, selon la communauté d'agglomération, pourrait permettre l'accueil de 400 emplois ;
8. Considérant, d'une part, que si la requérante soutient que le projet de voie nouvelle a été insuffisamment étudié et que rien ne garantit la création à terme de 400 emplois, elle ne conteste pas que l'immeuble, actuellement vide et délabré, n'accueille aucune activité ; que le projet de réaménagement de la parcelle, à supposer même que l'opération soit susceptible de procurer un avantage à une entreprise privée, répond à une finalité d'intérêt général ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération aurait pour objet de permettre à la communauté d'agglomération de se constituer une réserve foncière ;
9. Considérant, d'autre part, que l'atteinte à la propriété privée est limitée à l'unique lot dont la requérante est propriétaire ; qu'il n'est allégué aucun inconvénient d'ordre social ; que le coût total des acquisitions et de l'aménagement, 3,66 millions d'euros selon le dossier d'enquête, sera largement couvert selon les conclusions du commissaire enquêteur par le prix de cession du terrain aménagé ; qu'ainsi le caractère d'utilité publique du projet n'est pas sérieusement contestable ; que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la SCI Leclerc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté 2013/3612 du 12 décembre 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne a déclaré d'utilité publique l'acquisition de la parcelle cadastrée BK 200 située 21-33 boulevard Jean-Baptiste Oudry à Créteil et de l'arrêté 2014/4410 du 27 février 2014 déclarant cessible le lot n° 8 lui appartenant ; que, par suite, sa requête d'appel, en ce comprises ses conclusions fondées sur article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors qu'elle succombe dans la présente instance, ne peut qu'être rejetée ;
11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'établissement public territorial 11 tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de la requérante sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Leclerc est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'établissement public territorial 11 fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Leclerc, au ministre de l'intérieur et à l'établissement public territorial 11.
Copie en sera adressée au Préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 mars 2017.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente,
S. PELLISSIER
Le greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02630