Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 février 2018, le ministre de la cohésion des territoires demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1506676, 1506777 du 12 décembre 2017 du tribunal administratif de Melun.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard de l'argumentation de fait de première instance ;
- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en considérant qu'il n'était pas établi que la décision de non-opposition à déclaration préalable du 12 septembre 2011 n'avait pas été respectée ;
- le maire a fait une exacte application de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, dès lors que les travaux entrepris consistent en la réalisation d'une construction nouvelle et ont été réalisés sans permis de construire ;
- la déclaration préalable de travaux du 12 septembre 2011 était, en tout état de cause, caduque lors du commencement d'exécution des travaux litigieux, en application des dispositions de l'article R. 421-7 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en intervention enregistré le 4 octobre 2018, la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 décembre 2017 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme D...et la SCI Les prairies de Boissise devant le tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge solidaire de Mme D...et la SCI Les prairies de Boissise le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de première instance de la SCI Les prairies de Boissise est tardive ;
- il ne lui appartient pas de produire la déclaration préalable de travaux déposée par Mme D...le 8 septembre 2011, dès lors qu'elle n'était pas tenue d'en assurer la conservation ;
- les arrêtés interruptifs de travaux sont suffisamment motivés ;
- ils sont légalement fondés dès lors que la construction nouvelle est située au-delà de la bande de constructibilité ; cette construction ne correspond pas à celle autorisée en 2011 car l'arrêté de non-opposition n'est pas rattaché à la parcelle ZC 133 et celle-ci ne comportait pas de hangar des dimensions de celui mentionné dans la décision de non-opposition ;
- l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable était caduc à la date de réalisation des travaux, en application des dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2018, Mme D...et la société Les prairies de Boissise, représentées par MeA..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de la cohésion des territoires ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 septembre 2011, le maire de Saint-Sauveur-sur-Ecole ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par Mme D... à fin notamment de rénovation d'un hangar de 12,50 m x 8,50 m implanté sur un terrain sis 14, rue des Dîmes Chèvres dans cette commune. Le 7 mars 2015, le maire a établi un procès-verbal d'infraction constatant à la même adresse, sur la parcelle ZC n° 133 appartenant à la SCI " Les prairies de Boissise ", la réalisation de travaux s'apparentant à la construction d'une maison d'habitation sans autorisation et hors de la limite de constructibilité définie par le plan d'occupation des sols de la commune. Par deux arrêtés n° 015/2015 et n° 016/2015 du 17 mars 2015, le maire, agissant au nom de l'Etat en application de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, a ordonné respectivement à Mme D... et à la SCI Les prairies de Boissise d'interrompre immédiatement ces travaux. Par le jugement dont le ministre de la cohésion des territoires fait appel devant la Cour, le tribunal administratif de Melun a, à la demande de Mme D...et de la SCI Les prairies de Boissise, annulé les deux arrêtés du 17 mars 2015.
Sur l'intervention de la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole :
2. La commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole a intérêt à l'annulation du jugement attaqué. Son intervention est donc recevable.
Sur la régularité du jugement :
3. Contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal a suffisamment détaillé, au point 5 de son jugement, les circonstances de fait pour lesquelles il estimait que l'administration n'avait pas démontré que la construction en cours était une construction nouvelle non autorisée et non la rénovation du hangar autorisée le 12 septembre 2011. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Melun :
4. L'article L. 480-1 du code de l'urbanisme dispose : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire (...) ". Aux termes de l'article L. 480-2 de ce code : " Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public ".
5. Le procès-verbal d'infraction du 7 mars 2015 constate, sur la parcelle ZC n°133 située au fond de la propriété sise 4 rue des Dimes chèvres, " des travaux de construction s'apparentant à une maison d'habitation en parpaing, avec pignon et édification de murs, sur vide sanitaire ", hors de la limite de constructibilité de la zone UBa du plan d'occupation des sols et sans autorisation. Si MmeD..., qui possède, à la même adresse et en bordure de rue, d'autres parcelles supportant des bâtiments, a obtenu le 12 septembre 2011 du maire de Saint-Sauveur-sur-Ecole la délivrance d'un arrêté de non-opposition à déclaration préalable pour, notamment, la " rénovation d'un hangar existant (L 12,50 m x l 8,50 m), couverture en tuiles plates (80 m²), mur finition enduit à l'ancienne (chaux ciment) couleur ton pierre ", il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la construction en parpaings entreprise en fond de parcelle en 2015 correspondrait à cette rénovation d'un bâtiment existant autorisée en 2011. Il n'appartient pas au maire mais à Mme D... de démontrer que les travaux réalisés en mars 2015 sont ceux qu'elle avait été autorisée à entreprendre trois ans et demi auparavant, ce qu'elle ne fait pas. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les travaux entrepris auraient été régulièrement autorisés et que leur interruption ne pouvait être ordonnée sur le fondement des dispositions précitées.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé les arrêtés attaqués au motif qu'il n'était pas établi que les travaux en litige n'étaient pas autorisés.
7. Il y a lieu cependant pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...et la SCI Les prairies de Boissise tant en première instance qu'en appel.
En ce qui concerne les autres moyens des demandes :
8. D'une part, aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des décisions administratives, applicable à la date des décisions attaquées : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
9. Les arrêtés attaqués visent l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, le plan d'occupation des sols de la commune et notamment son article UBa 6, ainsi que le procès-verbal d'infraction établi par le maire le 7 mars 2015. Ils mentionnent que ce procès-verbal constate la construction d'une maison d'habitation sans permis de construire et en dehors de la limite de constructibilité. Ainsi, ils comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des arrêtés ordonnant l'interruption des travaux doit être écarté.
10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du document graphique du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Sauveur-sur-École, que la construction litigieuse est implantée au-delà de la bande de constructibilité définie à l'article UBa 6 du règlement de ce plan d'occupation des sols comme une bande d'une largeur de 35 m à compter des voies publiques. Le moyen tiré de ce qu'il n'est pas démontré que la construction se situe, comme le mentionnent les arrêtés litigieux, en zone inconstructible doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête de première instance de la SCI Les prairies de Boissise, que le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés du 17 mars 2015 ordonnant l'interruption immédiate des travaux et a condamné l'État, qui n'est pas partie perdante, à verser respectivement à Mme D...et à la SCI Les prairies de Boissise la somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes de première instance de Mme D...et de la SCI Les prairies de Boissise.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que Mme D... et la SCI Les prairies de Boissise, qui sont parties perdantes dans la présente instance, en puissent invoquer le bénéfice. Ces dispositions excluent également que la commune de Saint-Sauveur-sur-École, simple intervenante et non partie au litige, obtienne qu'une somme soit mise à la charge de la partie perdante au titre des frais exposés pour son intervention.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la commune de Saint-Sauveur-sur-École est admise.
Article 2 : Le jugement n° 1506676, 1506777 du 12 décembre 2017 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 3 : Les demandes présentées par Mme D... et par la SCI Les prairies de Boissise devant le tribunal administratif de Melun sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de Mme D... et de la SCI Les prairies de Boissise fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Saint-Sauveur-sur-École fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêté sera notifié au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à Mme B...D..., la SCI Les prairies de Boissise et à la commune de Saint-Sauveur-sur-École.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.
Le président-assesseur,
rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente de chambre,
S. PELLISSIER
Le greffier,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre chargé de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00638