Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 avril 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu préalablement et du principe du contradictoire ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- cette décision a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire aux articles 1er et 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- cette décision a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 16 février 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- et les observations de MeA..., représentant M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité malienne, est entré en France le 12 octobre 2013 sous couvert d'un visa Schengen valable jusqu'au 19 novembre 2013. Par un arrêté du 18 septembre 2017, le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et a prononcé à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. M. B...relève appel du jugement du 31 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles repose la décision d'obligation de quitter le territoire français, alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé. Ainsi les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté attaqué et de ce qu'il serait entaché d'un défaut d'examen particulier, doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. M. B... fait valoir qu'il est régulièrement entré en France en octobre 2013, qu'il y a l'ensemble de ses attaches privées et familiales, notamment deux soeurs titulaires d'un titre de séjour et qu'il doit s'occuper de son père, en attente d'un titre en qualité de malade. Il n'établit toutefois pas que ses soeurs ou d'autres membres de sa famille ne seraient pas en mesure d'apporter à leur père l'aide que son état requiert, ni d'ailleurs que ce dernier aurait depuis fait l'objet d'une régularisation pour raison de santé. En outre, il ne soutient pas ne plus avoir d'attaches personnelles et familiales au Mali où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 27 ans. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
5. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont issues de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Un arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris sur le fondement du I de l'article L. 511-1 entre ainsi dans le champ d'application du droit de l'Union. Il appartient en conséquence au préfet d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre.
6. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Pour qu'une telle illégalité soit constatée, il incombe ainsi au juge national de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, les irrégularités procédurales ont effectivement privé celui qui les invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
7. Si M. B...persiste à faire valoir qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations préalablement à l'adoption, par le préfet du Val-de-Marne, de l'arrêté contesté du 18 septembre 2017, il ne précise toutefois pas davantage devant la Cour qu'en première instance, les arguments qu'il aurait été empêché de faire valoir, alors qu'aucun des arguments développés en première instance et en appel ne sont de ceux qui auraient été de nature à faire changer l'administration de position.
En ce qui concerne la décision portant refus de départ volontaire :
8. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;(...) ". Aux termes de l'article 1er de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu'au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l'homme ". Aux termes de l'article 3 de la même directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) / 7) " risque de fuite " : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) ".
9. En premier lieu, M. B...ne peut utilement se prévaloir directement à l'encontre de la décision contestée de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire de la méconnaissance des articles précités de la directive du 16 décembre 2008, dès lors que ses dispositions ont été transposées en droit national, au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011.
10. En deuxième lieu, la décision contestée, en ce qu'elle refuse à M. B... un délai de départ volontaire mentionne expressément que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire après l'expiration de son visa et n'a sollicité aucune délivrance d'un titre de séjour sur quelque fondement que ce soit. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée tant en droit qu'en fait.
11. En troisième lieu, et ainsi qu'il l'a été dit au point 6, le requérant ne précise pas quels arguments il aurait été en mesure de faire valoir qui auraient pu permettre au préfet de lui accorder un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour pour une durée de un an :
12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). ".
13. Il ressort des termes mêmes des dispositions législatives précitées que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Les circonstances que la présence de l'étranger sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public ou qu'il n'aurait fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement antérieure ne sont pas de nature à faire obstacle, à elles seules, au prononcé d'une interdiction de retour si la situation de l'intéressé, au regard notamment des autres critères, justifie légalement, dans son principe et sa durée, la décision d'interdiction de retour.
14. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ou de la menace pour l'ordre public qu'il constituerait. En revanche, si, après prise en compte de ces critères, elle ne retient pas ces circonstances au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
15. En premier lieu, la décision prononçant à l'encontre de M. B...une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, qui mentionne les dispositions du III de l'article L. 511-1 précité, indique que M. B...est célibataire et sans enfant à charge. Elle précise aussi que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa, ce qui implique nécessairement que l'autorité administrative a pris en compte son entrée régulière ainsi que la durée de son séjour. Le requérant ne fait valoir par ailleurs aucune circonstance particulière ou humanitaire s'opposant à l'édiction de cette mesure. Dans ces conditions, la décision d'interdiction de retour, au demeurant suffisamment motivée, n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
16. En second lieu, le moyen tiré de ce que M. B...n'aurait pas été mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, doit être écarté pour les mêmes raisons que précédemment.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 18 septembre 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et prononçant contre lui une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de une année. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées. Celles aux fins d'injonction doivent l'être par voie de conséquence.
Sur les conclusions de première instance tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
2
N° 18PA01184