Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée au greffe de la Cour le 12 juillet 2018, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en n'opérant aucune distinction entre une demande d'admission au séjour et une demande de renouvellement de titre de séjour ; et, par suite, en retenant que seules les dispositions de l'article 3 de la Convention franco-marocaine doivent s'appliquer ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en considérant que Mme A...ne justifie d'aucun élément exceptionnel à l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour ;
- le tribunal commet une erreur de droit en retenant que les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; n'ont pas été méconnues.
Par un mémoire, enregistré le 17 décembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme A...a présenté un mémoire le 4 janvier 2019 qui n'a pas été communiqué.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- et les observations de Me D...représentant MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante marocaine, née le 30 juillet 1978, est entrée en France le 22 septembre 2010 sous couvert d'un visa long séjour. Elle a obtenu le renouvellement de son visa long séjour valable du 22 septembre 2010 au 22 septembre 2011, puis s'est vue délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable du 23 septembre 2011 au
22 septembre 2011, lequel a été renouvelé du 23 septembre 2012 au 22 septembre 2013. Elle s'est ensuite pacsée avec MonsieurC..., de nationalité française, le 12 décembre 2012 et a alors entrepris les démarches nécessaires pour modifier son statut. Elle a ainsi obtenu un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 2 octobre 2013 au 1er octobre 2014, qui a été renouvelé du 9 avril 2015 au 8 avril 2016. Dans le cadre de sa demande de renouvellement de titre, elle a de nouveau sollicité un changement de statut en qualité de " salarié " le 30 août 2016. Par un arrêté du 22 février 2018, le préfet de police a refusé de lui renouveler le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Mme A...relève appel du jugement du
13 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 février 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient entaché d'illégalité leur jugement en n'opérant aucune distinction entre une demande d'admission au séjour et une demande de renouvellement de titre de séjour, d'une erreur d'appréciation en considérant que Mme A...ne justifie d'aucun élément exceptionnel à l'appui de sa demande ainsi que d'une erreur de droit, relèvent du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par
l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
4. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité. Cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en oeuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain.
5. D'une part, si Mme A...soutient que le préfet a commis une erreur de droit en n'opérant aucune distinction entre une demande d'admission au séjour et une demande de renouvellement de titre de séjour et qu'il aurait dû examiner sa demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur celui de l'article 3 de l'accord franco marocain, il résulte cependant de la lecture de l'arrêté qu'il y est bien fait mention d'une demande de renouvellement du droit au séjour et non d'une demande d'admission. Si elle fait en outre valoir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire, il ressort de la lecture de l'arrêté que le préfet a bien examiné la situation de l'intéressée au regard de l'article L. 313-14 au titre de son pouvoir discrétionnaire ainsi qu'en témoigne l'indication suivante : " au surplus, l'intéressée ne justifie d'aucun motif exceptionnel ni d'aucune considération humanitaire en la matière, au regard de l' ancienneté de sa résidence en France, de son expérience professionnelle démontrée et de la nature de l'emploi postulé (...) ".
6. D'autre part, si Mme A...persiste à se prévaloir d'un contrat de travail, en qualité de manager commercial, signé le 2 novembre 2016 avec la SAS 11 Management, il est constant que ce contrat n'a pas été visé par les autorités compétentes. Par ailleurs, les circonstances invoquées, tirées de ce qu'elle a présenté différents contrats de travail et les fiches de paie correspondantes pour la période allant de 2012 à 2017 et de ce qu'elle établit avoir une relation forte avec un ressortissant français depuis le 15 octobre 2015 ne caractérisent pas une situation exceptionnelle, ni au regard de sa situation professionnelle, ni au regard de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, le préfet de police pouvait, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation, refuser son admission au séjour en qualité de salarié.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France le 22 septembre 2010, qu'elle est séparée de son partenaire de pacs depuis août 2015 et qu'elle est sans charge de famille. Par ailleurs, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside son frère et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. Dès lors, compte tenu des circonstances de l'espèce, et bien que Mme A...ait produit plusieurs contrats de travail entre 2012 et 2017 ainsi que des pièces indiquant qu'elle aurait une relation avec un français depuis août 2015, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 22 février 2018. Doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA02341