Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 29 août 2018 et
17 septembre 2019, Mme E..., représentée par Me C... D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a refusé d'annuler l'arrêté du vice-recteur de la Polynésie française du 9 octobre 2017 la classant au 10ème échelon du grade de professeur certifié de classe normale ;
2°) de prononcer l'annulation de cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 315 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;
- elle avait droit au maintien à la hors-classe dans son nouveau corps au vu des textes applicables, dès lors que l'arrêté du 13 juillet 2017 la classant au 5ème échelon de ce grade n'était pas annulé et qu'elle avait été promue à la hors classe dans son ancien corps avant sa titularisation dans le nouveau corps ;
- l'arrêté contesté méconnaît le principe d'égalité ;
- en tant qu'il retire le classement à la hors-classe dans son corps antérieur, il retire tardivement une décision créatrice de droits ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 9 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2019.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951 ;
- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., qui était en 2015 professeur de lycée professionnel de lettres-histoire et géographie, a été nommée, le 1er septembre 2016, professeur certifié stagiaire de documentation, après son inscription sur la liste d'aptitude pour l'accès à ce corps. Elle a contesté, devant le Tribunal administratif de la Polynésie française, l'arrêté du 9 octobre 2017 qui l'a reclassée, à la suite d'un détachement en qualité de professeur certifié stagiaire de documentation, au 10ème échelon de classe normale de ce corps à compter du 1er septembre 2017, et non à la hors-classe. Elle relève appel du jugement du 28 juin 2018, par lequel le tribunal a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté.
2. Devant les premiers juges, Mme E... contestait l'absence ou l'empêchement du vice-recteur qui avait donné délégation de signature pour prendre la mesure attaquée, et par suite la compétence de Mme B..., directrice des ressources humaines, pour signer cet arrêté, au motif que M. F..., vice-recteur, avait donné une conférence de presse le jour de la signature de l'arrêté litigieux. Compte tenu de l'argumentation circonstanciée de Mme E..., les premiers juges ont entaché d'un défaut de motivation la réponse au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué, en se bornant à relever que l'empêchement du vice-recteur n'était pas sérieusement contesté. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit être accueilli.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'annuler ce jugement et de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande de Mme E....
4. Contrairement à ce que soutient l'administration dans sa fin de non-recevoir, l'arrêté contesté du 9 octobre 2017 reclassant Mme E... comporte une incidence sur sa carrière. Elle n'est donc pas dépourvue d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cet arrêté prononçant son reclassement.
5. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme B..., directrice des ressources humaines du vice-rectorat de la Polynésie française, qui avait délégation pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement simultanés de M. F..., vice-recteur, et de M. H..., secrétaire général, tous les actes administratifs intéressant la gestion des personnels enseignants rémunérés sur le budget du ministère de l'éducation nationale, en vertu d'un arrêté du
haut-commissaire du 4 mai 2017 publié au Journal officiel de la Polynésie française. En relevant que le premier avait donné une conférence de presse avec des parents d'élèves, alors qu'il ressort du dossier que cette conférence de presse, relatée dans un journal daté du 9 octobre 2017, avait eu lieu quelques jours plus tôt, la requérante ne conteste pas efficacement que M. F... était absent ou empêché le jour de la signature de l'arrêté litigieux. Par ailleurs, il n'est pas contesté que
Mme H... était empêchée. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux ne peut, dès lors, qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 27 du décret statutaire du 4 juillet 1972 susvisé, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, il existait une troisième voie, distincte du concours externe et du concours interne, pour l'entrée dans le corps des professeurs certifiés, à savoir le recrutement sur liste d'aptitude. Les règles applicables, en matière de reclassement dans ce corps des personnes recrutées par cette troisième voie ont été fixées par l'article 2, par renvoi au décret susvisée du 5 décembre 1951 portant règlement d'administration publique. A cet égard, si Mme E... se prévaut de l'article 7 de ce décret, selon lequel sont prises en compte, selon des modalités particulières, les années d'activités professionnelles antérieures à la nomination des fonctionnaires chargés des enseignements techniques théoriques ou pratiques, ces années d'activité professionnelle du personnel enseignant technique s'entendent de celles accomplies dans le secteur privé. Par suite, la requérante ne saurait se prévaloir, à ce titre, des fonctions qu'elle exerçait en qualité de professeur de lycée professionnel. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions relatives aux modalités de reclassement, doit donc être écarté. Par ailleurs, le moyen invoqué par Mme E..., tiré de ce qu'elle avait droit au maintien à la hors classe dans son nouveau corps " au vu des textes applicables " n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Enfin, elle ne soutient pas utilement qu'elle pouvait prétendre au maintien de son grade dans son nouveau corps, aux motifs que l'arrêté du 13 juillet 2017 la classant au 5ème échelon de la
hors-classe dans son ancien corps n'était pas annulé et qu'elle avait été promue à la hors classe dans son ancien corps avant sa titularisation dans le nouveau corps.
7. En troisième lieu, une promotion d'échelon n'étant pas de même nature qu'une promotion de grade, la circonstance qu'une collègue de Mme E... aurait été reclassée dans le corps des professeurs certifiés à l'échelon obtenu en cours de stage dans son corps d'origine ne peut caractériser une rupture du principe d'égalité au détriment de la requérante.
8. Contrairement à ce que soutient Mme E..., l'arrêté du 9 octobre 2017 portant classement dans le corps des professeurs certifiés, n'a pas, par lui-même, pour objet ou pour effet de retirer une décision créatrice de droits. Enfin, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté, dès lors que le reclassement de
Mme E... dans le corps des professeurs certifiés relève de l'application de dispositions réglementaires, et non de l'appréciation des mérites de l'intéressée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, tant sa demande présentée devant le tribunal que les autres conclusions de sa requête ne pouvant qu'être rejetées. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700432 du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du
28 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. A..., président-assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02926