Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 juin 2017, M. A... D..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1604133/10 du 21 avril 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 mars 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 108 du code civil ;
- il méconnaît l'article 10 de l'accord franco-tunisien ;
- il méconnaît les dispositions du 4° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 104 du code civil ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Une mise en demeure a été adressée le 13 octobre 2017 au préfet du Val-de-Marne.
Par une ordonnance du 7 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au
21 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- l'accord cadre France-Tunisie signé à Tunis le 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, publié par décret n° 2009-905 du
24 juillet 2009 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jimenez a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A...D..., ressortissant tunisien né le 22 décembre 1989, est entré en France le 28 novembre 2013 muni d'un visa long séjour valant titre de séjour " conjoint de français " délivré le 22 novembre 2013 ; que, par un arrêté du 17 mars 2016, le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour ; que M. A...D...relève appel du jugement n° 1604133/10 du 21 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien : " Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres d'état-civil français ; (...) "; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) " ; que, d'autre part, aux termes de l'article 215 du code civil : " Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie. / La résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord. " ; qu'aux termes de l'article 108 du même code : " Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie " ;
3. Considérant qu'il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet du
Val-de-Marne a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire de M. A...D...en raison de l'absence de communauté de vie avec son épouse, révélée par une enquête de police qui s'est conclue par un rapport du 17 mars 2015 mentionnant que M. A...D...résidait à Nice alors que son épouse vivait à Ivry-sur-Seine ; que M. A...D...soutient qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 108 du code civil, la seule circonstance que les époux aient un domicile distinct ne suffit pas à établir l'absence de vie commune ; qu'à cet égard, il fait valoir que, après plusieurs recherches infructueuses, il a trouvé, à compter du 28 avril 2014, un travail sous contrat à durée indéterminée en tant qu'employé polyvalent dans la restauration à Nice et qu'il a loué un studio dans cette ville mais que, pour autant, la vie commune n'est pas rompue, son épouse se déplaçant à Nice ou lui-même se rendant régulièrement à Ivry-sur-Seine ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. A...D...est sans emploi et que le requérant ne fait état d'aucune circonstance matérielle indépendante de la volonté du couple faisant obstacle à une résidence commune à Nice ; qu'en outre, si M. A...D...produit des billets de train ou d'avion Paris/Nice ou Nice/Paris à son nom, au nom de sa femme et des membres de la famille de cette dernière, ainsi que des factures d'achats effectués par son épouse dans des commerces à Nice ou mentionnant son adresse, du courrier publicitaire adressé à son épouse à la même adresse ainsi qu'une ordonnance du 16 décembre 2015, délivrée à son épouse par un médecin généraliste installé à Nice, ces éléments au demeurant tous postérieurs à sa convocation au commissariat, le 15 mars 2015, ne suffisent pas à établir la communauté de vie ; qu'enfin, les attestations produites sont non circonstanciés ou en contradiction avec les écritures M. A...D... ; qu'ainsi, ses beaux-parents affirment dans leur attestation du
8 avril 2016 que leur fille vit à Nice depuis le 1er novembre 2014 alors que M. A...D...a indiqué tant aux services de police que dans ses écritures que son épouse et lui-même avaient un domicile distinct ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A...D..., qui n'établit pas une communauté de vie avec son épouse à la date de la décision attaquée, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet du Val-de-Marne a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour en qualité de " conjoint de français " ;
4. Considérant, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;
5. Considérant, qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A...D..., qui a épousé une ressortissante française le 1er novembre 2012, n'établit pas la communauté de vie avec cette dernière ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de famille en Tunisie où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans ; que, par suite, et compte tenu du caractère récent de sa présence en France, M. A...D...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait porté à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ; que l'arrêté litigieux n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. A...D...;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2016 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mai 2018.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02061