Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement n° 2019526/8 du 17 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.
La requête du préfet de police a été communiquée à la dernière adresse connue de
M. B..., lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 14 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée le 30 avril 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan qui indique être né le 2 août 1982, a présenté le
24 septembre 2020 une demande de protection internationale au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris. Par un arrêté du 6 novembre 2020, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités suédoises, considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / (...) ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté du préfet de police contesté devant lui, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que la brochure B n'avait pas été remise dans son intégralité à M. B..., les pages 15 et 16 relatives au droit d'accès et de rectification des données étant manquantes, et que de ce fait, le préfet de police avait entaché son arrêté d'un vice de procédure et privé M. B... de la garantie prévue à l'article 4 du règlement.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ce qui n'est d'ailleurs pas contredit par
M. B... qui n'a présenté aucune observation en défense, que, dans sa traduction en langue farsi/dari, que M. B... a déclaré comprendre, la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin III " dite brochure B comporte en vis-à-vis la page 14 et la page 15, sur laquelle figurent les mentions relatives au droit d'accès et de rectification des données, suivies de la quatrième de couverture vierge de tout texte et qui ne comporte aucune pagination. La circonstance que le tampon apposé sur la brochure B, qui a été remise à M. B... le 24 septembre 2020 et qu'il a signée sans aucune réserve, ait mentionné une pagination de 1 à 14 n'est, dans ces circonstances, pas de nature à établir que la brochure B ne lui a pas été remise dans son intégralité. Au surplus, ainsi que le fait valoir le préfet de police, des informations similaires à celles contenues dans cette brochure figuraient également dans la brochure d'information sur le règlement " Dublin III " dite brochure A, dont il n'est pas contesté qu'elle a bien été remise à
M. B....
5. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif susrappelé pour annuler son arrêté du 6 novembre 2020.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... :
7. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00799 du 1er octobre 2020, signé du préfet de police et régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 9 octobre 2020, le préfet de police a donné à Mme D... A..., attachée principale d'administration de l'Etat au sein du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police et signataire de l'arrêté contesté, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et ne peut qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée.
9. Est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comporte l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
10. L'arrêté préfectoral du 6 novembre 2020 portant transfert de M. B... aux autorités suédoises vise notamment le règlement n° 604/2013 du Parlement européen du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers. Il indique que la comparaison de ses empreintes digitales au moyen du système " Eurodac " a révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Allemagne le 10 janvier 2016 et en Suède le 14 janvier 2016. Il précise également que les autorités allemandes ont été saisies d'une demande de reprise en charge le 30 septembre 2020 sur le fondement de l'article 18 (1) (b) du règlement, qu'elles ont fait connaître leur refus de reprendre en charge M. B... le 5 octobre 2020, et qu'au regard des articles 3 et 18 (1) (d) de ce même règlement, les autorités suédoises devaient être regardées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile. Il est ainsi fait mention de ce que les autorités suédoises ont été saisies d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18 (1) (d) le 30 septembre 2020, qu'elles ont expressément acceptée le 2 octobre 2020. Ces éléments permettent à M. B... de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de police pour déterminer que la Suède était responsable de la demande d'examen de sa demande d'asile. Cet arrêt précise en outre qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. B..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues aux articles 3-2 et 17 du règlement du 26 juin 2013. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté du préfet de police ordonnant son transfert aux autorités suédoises n'est pas entaché d'insuffisance de motivation. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut qu'être écarté.
11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre, le 24 septembre 2020, les brochures A et B ainsi que le guide du demandeur d'asile et la brochure prévue à l'article 29 du règlement (UE) 603/2013 comprenant toutes informations utiles sur le système " Eurodac " concernant la prise d'empreintes digitales, en langue dari, qu'il a déclarée comprendre, ainsi que cela ressort du compte-rendu de l'entretien individuel, M. B... ayant déclaré lors de cet entretien, en présence d'un interprète en langue dari, avoir compris la procédure engagée à son encontre. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement ne peut qu'être écarté.
12. En quatrième lieu, la circonstance que la qualification de l'agent ayant mené l'entretien n'apparaît pas sur le résumé de l'entretien individuel mené avec M. B... est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Au demeurant, il ressort du dossier que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et il ressort du résumé de cet entretien que M. B..., qui n'a fait état d'aucune difficulté dans la compréhension de la procédure mise en oeuvre à son encontre, a pu faire valoir à cette occasion toutes observations utiles. Par ailleurs, l'article 5 de ce règlement n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité de l'agent qui l'a mené et ce résumé, qui, selon cet article 5, peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type, ne saurait être regardé comme une correspondance au sens de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il ne ressort pas davantage de cet article 5, que le compte-rendu d'entretien fasse mention de la possibilité pour le ressortissant étranger de le relire avant de le signer et pour son conseil d'en solliciter la communication ainsi que de sa durée. Si M. B... soutient qu'il ne s'est pas vu remettre une copie du compte-rendu, les dispositions de l'article 5 n'imposent pas qu'une telle copie lui soit remise d'office. Enfin, et contrairement à ce que soutient M. B..., ni l'article 5 de ce règlement, ni les dispositions du droit national n'exigent que le préfet de police établisse et publie une délégation de pouvoirs pour habiliter ses agents à mener de tels entretiens. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement ne peut qu'être écarté.
13. En cinquième lieu, si M. B... soutient qu'il n'a pas pu présenter des observations concernant sa prise en charge par les autorités suédoises avant l'édiction de la mesure contestée, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a bénéficié d'un entretien individuel mené par un agent de la préfecture le 24 septembre 2020. A cette occasion, il a pu faire part de sa situation personnelle et de ses conditions d'entrée sur le territoire français et s'est vu remettre le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires et a signé le compte-rendu sans qu'il soit sérieusement allégué qu'il n'aurait pas compris le sens et l'objet des questions qui lui étaient posées ni qu'il aurait été privé de la possibilité de faire valoir utilement ses observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
14. En sixième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., la preuve de la demande de reprise en charge adressée par la préfecture de police aux autorités suédoises ainsi que celle de la réponse de ces autorités est rapportée par le préfet de police, qui a produit en première instance la copie d'un courrier électronique daté du 30 septembre 2020 accusant réception d'une demande formulée au moyen de l'application " Dublinet ", ainsi que la réponse explicite des autorités suédoises à cette demande, datée du 2 octobre 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 24 et 25 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
15. En septième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de
l'article 26 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté comme inopérant dès lors qu'il ne concerne pas la légalité de l'arrêté en litige, les seules conditions de notification de l'arrêté préfectoral portant remise aux autorités autrichiennes étant sans influence sur sa régularité.
16. En huitième et dernier lieu, si M. B... soutient que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 et 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce qu'il pourrait être renvoyé par les autorités suédoises en Afghanistan où il serait exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants, il résulte des éléments rappelés au point 4 de cet arrêt que le renvoi de M. B... en Afghanistan par les autorités suédoises n'est pas établi. Par suite, le moyen doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du
6 novembre 2020 décidant la remise aux autorités suédoises de M. B..., lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à obtenir, en conséquence, l'annulation des articles 2 à 4 de ce jugement et le rejet de la demande présentée par M. B... devant le tribunal.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2019526/8 du 17 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2021.
Le rapporteur,
S. E...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00173